En ce lundi 3 mars 2025, alors que ce début du Ramadan est marqué par de vifs débats politiques, Nabil Benabdallah s’est invité sur le plateau du «VAR», l’émission phare de MedRadio. Face à Redouane Ramdani, Omar Cherkaoui et Younes Dafkir, le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS) n’a pas mâché ses mots. Sans détour, il a dressé un tableau sombre de la situation économique et sociale du pays, pointant du doigt un gouvernement qu’il juge dépassé et incapable d’apporter des réponses concrètes aux citoyens.
En effet, l’échange a rapidement basculé sur la question brûlante des prix qui flambent en pleine période du Ramadan. «Aujourd’hui, il n’y a pas une seule famille marocaine qui ne parle pas de la hausse des prix, et particulièrement des produits alimentaires», a martelé M. Benabdallah. D’après lui, le gouvernement ne peut plus se cacher derrière des explications conjoncturelles comme la crise post-Covid, la guerre en Ukraine ou encore la sécheresse. «Même si ces facteurs existent, d’autres pays ont su les amortir avec des mesures adaptées. Ici, nous sommes face à une absence de volonté politique de soutenir réellement les citoyens», a-t-il dénoncé. L’ancien ministre a critiqué l’approche du gouvernement, qui se limite, selon lui, à des interventions ciblées mais inefficaces. «Ils ont débloqué 8 milliards de dirhams pour aider les transporteurs, mais cela n’a eu aucun effet sur le prix des denrées alimentaires. Ils ont subventionné l’importation de viandes, pourtant le kilo reste à des niveaux inaccessibles», a-t-il souligné. M. Benabdallah a également remis en cause le manque de régulation des marges bénéficiaires des grands distributeurs et importateurs. «Nous avons proposé un plafonnement des prix sur certaines denrées essentielles. On nous a répondu que ce n’était pas possible. Pourtant, d’autres pays l’ont fait», a-t-il déploré.
Le spectre des intérêts économiques et la mainmise des élites
Au-delà des aspects économiques, M. Benabdallah pointe du doigt un problème plus profond : l’influence excessive de certains groupes financiers sur les décisions politiques. «Nous sommes face à un gouvernement qui semble plus soucieux de ne pas froisser certaines élites économiques que de répondre aux attentes de la population», a-t-il affirmé, en référence aux grandes entreprises actives dans l’importation et la distribution de produits alimentaires et énergétiques. Il a notamment évoqué le secteur des hydrocarbures, où le Conseil de la concurrence a récemment dénoncé des pratiques déloyales. «Les marges de profit sur les carburants au Maroc sont bien au-delà des standards internationaux. Pourtant, aucune action concrète n’a été prise pour réguler ce marché. Pourquoi ?» s’est-t-il interrogé.
Aïd Al-Adha : une suspension lourde de sens
L’un des points centraux du débat fut l’appel de S.M. le Roi Mohammed VI aux Marocains à ne pas pratiquer le rituel de l’abattage pendant l’Aïd Al-Adha cette année, en raison des «défis existants». Une décision qui a immédiatement suscité des réactions diverses, oscillant entre compréhension et inquiétude. Pour Nabil Benabdallah, cette annonce est à la fois un acte fort et un signal d’alarme sur la situation sociale et économique du pays. «C’est une décision sage et courageuse, mais qui en dit long sur l’ampleur des difficultés que traverse le Maroc. Le fait que le Souverain intervienne directement pour demander aux citoyens de renoncer à une tradition aussi ancrée prouve que la crise est plus grave qu’on ne veut bien l’admettre», a-t-il déclaré. Le secrétaire général du PPS a insisté sur la portée symbolique et politique de cet appel, qu’il considère comme une preuve supplémentaire du décalage entre le gouvernement et la réalité vécue par les citoyens. «Quand une telle mesure est prise au plus haut niveau, cela signifie que les politiques publiques ont échoué à anticiper et à amortir l’impact de cette crise sur les ménages. Ce n’est pas une décision anodine, c’est un signal d’alerte.»
L’Exécutif «n’offre pas d’alternatives crédibles»
M. Benabdallah a également souligné la nécessité d’un accompagnement concret pour les éleveurs et les familles les plus touchées par cette suspension. «Pour beaucoup de Marocains, l’Aïd Al-Adha n’est pas seulement une célébration religieuse, c’est un moment de solidarité qui reflète la cohésion sociale. Ceux qui comptaient sur cette occasion pour vendre leur bétail ou qui économisaient pour acheter un mouton se retrouvent face à une incertitude totale. Comment va-t-on les aider ?» In fine, il a critiqué l’attentisme du gouvernement face à cette crise et son incapacité à proposer des alternatives crédibles. «Au lieu d’expliquer, d’accompagner et de rassurer, on a encore une fois l’impression que le gouvernement reste spectateur. Il n’y a pas de vision proactive, pas de discours clair, pas de mesures compensatoires annoncées. On navigue à vue.»
Mais face aux critiques, l’équipe du «VAR» a rappelé que la situation économique difficile ne datait pas d’hier et qu’elle s’inscrivait dans des tendances structurelles. Mais M. Benabdallah a rejeté cet argument. «Quand on est au pouvoir, on ne passe pas son temps à pointer du doigt les prédécesseurs. On agit. Or après trois ans, cette majorité n’a montré aucune capacité à répondre aux défis actuels», a-t-il asséné. Sur le terrain social, il a également pointé du doigt une montée de la frustration citoyenne. «La colère gronde, et elle ne se limite plus aux couches les plus défavorisées. Même les classes moyennes ressentent aujourd’hui une érosion du pouvoir d’achat sans précédent», a-t-il alerté.
Alerte sur la démocratie et l’espace politique
Le débat a par ailleurs bifurqué vers une autre question qui semble inquiéter le chef du PPS au plus haut point : l’appauvrissement du débat démocratique et la marginalisation des voix critiques. «Nous vivons une période où l’espace politique est de plus en plus réduit. Les décisions stratégiques sont prises sans consultation réelle. Même au sein du gouvernement, on ne voit aucun débat interne, aucune expression de dissidence. C’est une gestion purement technocratique, sans vision politique», a-t-il regretté.
L’ancien ministre a également mis en garde contre la dépolitisation de la société marocaine. «Quand les citoyens ne croient plus en la politique, ils s’en détournent. Et c’est là que commencent les vrais dangers : populisme, abstention massive et crises de légitimité», a-t-il prévenu. En conclusion, M. Benabdallah a lancé un appel à un sursaut démocratique et économique. «Nous avons besoin d’un État fort, mais fort aussi par sa capacité à répondre aux attentes de ses citoyens. Cela passe par une réforme profonde de notre modèle économique et une réhabilitation de la politique comme espace de débat et d’action», a-t-il conclu.