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Prix des médicaments au Maroc : une équation à plusieurs inconnues à résoudre

Alors que le Maroc poursuit la mise en œuvre du chantier de la généralisation de l'Assurance maladie obligatoire (AMO), la question du coût des médicaments suscite de vifs débats. Si certains traitements sont accessibles, d’autres demeurent extrêmement élevés, exerçant une pression insoutenable sur le financement de la santé publique. Lors de son passage à l'émission «L’Info en Face» sur Matin TV ce 24 février, Abdelmajid Belaiche, expert en industrie pharmaceutique, a décrypté les facteurs réglementaires et économiques à l’origine de cette situation.

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La question des prix des médicaments au Maroc occupe une place centrale dans les débats sur la santé publique. Alors que le pays s’engage dans l’ambitieux chantier de la généralisation de l’AMO, une question majeure s’impose : comment garantir un accès équitable aux soins sans compromettre l’équilibre financier du système de santé ?

Dès lors, les écarts de prix entre le Maroc et d’autres pays, la régulation imparfaite du marché et les défis liés à la production locale sont au cœur des discussions. Invité de «L’Info en Face», Abdelmajid Belaiche, expert en industrie pharmaceutique, apporte un éclairage pertinent sur ces problématiques et propose des pistes de réflexion.

Prix des médicaments : un fardeau pour l’AMO ?

Dans une de ses déclarations récentes, le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaâ, a souligné que les prix des médicaments au Maroc étaient excessivement élevés par rapport à ceux pratiqués à l’étranger. Or Abdelmajid Belaiche nuance cette assertion, car pour lui elle n’est que partiellement vraie. Seuls certains médicaments, bien que représentant un volume restreint, pèsent lourd en valeur en raison de leur coût élevé, explique l’expert. Ce déséquilibre menace le financement du système de santé, notamment dans le cadre de la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire. «Le problème soulevé est réel, mais il ne concerne pas tous les médicaments. Seule une catégorie restreinte est concernée, mais son l’impact financier est considérable», explique-t-il, rappelant à ce titre que «certains médicaments coûtent jusqu’à trois fois plus cher que leur prix en France». Pour M. Belaiche, une telle situation représente un défi majeur pour la viabilité de l’AMO, dont le nombre de bénéficiaires dépassait 11 millions en 2021 à 37 millions actuellement. Face à cette hausse, l’expert met en garde contre les risques budgétaires courus : «Si nous ne maîtrisons pas les prix, la charge pour l’AMO deviendra insoutenable», prévient-il.

Des régulations inefficaces sur les prix

La fixation des prix des médicaments au Maroc s’appuie sur une référence aux tarifs pratiqués dans d’autres pays, notamment la France et la Turquie. Pourtant, certains produits restent paradoxalement plus chers au Maroc qu’en Europe. Abdelmajid Belaiche attribue ce paradoxe à des incohérences dans la réglementation, notamment sous l’ancienne Direction du médicament et de la pharmacie (DMP). «Pourquoi des médicaments sont-ils plus coûteux qu’en Belgique ou en France, alors qu’ils devraient être moins chers ?» s’interroge-t-il, avant de souligner : «Il y a un problème de production et d’importation». Et malgré des mesures prises, l’effet escompté n’est pas au rendez-vous. L’invité rappelle à ce titre l’exonération de la TVA sur les médicaments, instaurée en 2024, qui n’a pas entraîné de baisse significative des prix. Pour lui, l’impact attendu sur l’accessibilité des traitements reste faible, les réductions appliquées n’ayant toujours pas été répercutées sur les prix de vente.

Quand la baisse des prix engendre des pénuries

Il faut dire que depuis 2014, plusieurs vagues de baisse des prix ont été décrétées par les autorités sanitaires. Toutefois, selon Abdelmajid Belaiche, ces réductions ont parfois entraîné des conséquences imprévues, rendant la production de certains médicaments non rentable et provoquant leur retrait du marché. Il cite à cet égard le cas de l’Adrénaline, dont la fabrication a cessé après que le laboratoire responsable a accumulé 6 millions de dirhams de pertes. Cette tendance renforce, selon cet expert, la dépendance du pays aux importations et accroît le risque de ruptures d’approvisionnement.

Autre facteur impactant les prix : le régime des brevets. Certains monopoles sont justifiés par la recherche et l’innovation, tandis que d’autres, selon M. Belaiche, relèvent d’abus de position dominante. Bien que le Maroc dispose de mécanismes pour contourner ces obstacles en cas de nécessité de santé publique, ils restent sous-exploités. En dépit d’une production locale couvrant une large partie des besoins nationaux, la compétition avec les produits importés reste un défi. «Nous avons signé des accords qui retardent l’arrivée des génériques sur le marché local, ce qui crée des situations de monopole. Le Maroc ne fait pas usage des flexibilités qui lui permettent, en cas de problème de santé publique, de contourner certains brevets pour fabriquer des médicaments localement», regrette Abdelmajid Belaiche.

Vers un équilibre entre accessibilité et rentabilité

Entre régulation, concurrence et financement public, le prix des médicaments au Maroc est une question complexe. Pour Abdelmajid Belaiche, il est crucial d’assurer un équilibre entre accessibilité aux traitements, rentabilité des industriels et viabilité du système de santé. «Nous devons nous orienter vers des prix raisonnables et des marges raisonnables, sans pour autant nuire à l’industrie pharmaceutique nationale. Il faut agir sur les prix exagérés et injustifiés, mais avec une approche mesurée», conclut Abdelmajid Belaiche.
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