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Mardi 20 Mai 2025
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Procédure pénale : les prérequis de la réforme selon Abdelkader Amara

La réforme du Code de procédure pénale, présentée comme une avancée majeure vers l’État de droit, risque de manquer sa cible si elle ne s’inscrit pas dans une transformation plus large de l’appareil judiciaire. C’est l’alerte lancée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui plaide pour une refonte systémique, cohérente et participative. Pour Abdelkader Amara, qui vient d’être nommé à la tête du Conseil, l’enjeu dépasse l’adaptation du Code aux engagements constitutionnels et internationaux du Royaume. «C’est toute la politique pénale qui doit être repensée dans un cadre intégré», estime-t-il.

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À l’occasion de son passage devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants, le 23 avril 2025, le président du CESE, Abdelkader Amara, a livré sa lecture du projet de loi n°03.23, modifiant et complétant la loi n°22.01 relative à la procédure pénale. Selon lui, si cette réforme marque une avancée certaine vers la consolidation de l’État de droit, elle ne pourra pleinement déployer ses effets qu’à la condition de s’inscrire dans une refonte globale et cohérente du système judiciaire.



Pour Abdelkader Amara, qui vient d’être nommé à la tête du CESE en mars dernier, l’enjeu dépasse l’adaptation du Code aux engagements constitutionnels et internationaux du Royaume. C’est toute la politique pénale qui doit être repensée dans un cadre intégré, structuré par une programmation précise, des moyens humains renforcés et une approche transversale, incluant les dimensions économiques, sociales et environnementales des réformes. Le CESE plaide notamment pour une meilleure articulation entre la réforme du Code de procédure pénale et celle du Code pénal, insistant sur l’importance de bâtir une vision d’ensemble plutôt que de procéder par ajustements fragmentaires. Une exigence d’autant plus pressante que 56% du texte existant sont concernés par les modifications proposées.

Des recommandations pour une justice plus protectrice

Partant de cette analyse, Khalil Bensami, rapporteur du CESE, a mis en avant plusieurs recommandations-clés. Parmi elles, l’inscription systématique de la présomption d’innocence dans toutes les étapes du parcours judiciaire, la protection renforcée des victimes de violences fondées sur le genre, ou encore l’alignement des dispositifs relatifs aux mineurs avec les engagements internationaux du Maroc en matière de droits de l’enfant. Le Conseil recommande également d’interdire le recours à la médiation pénale dans les affaires de violences graves contre les femmes, les mineurs et les personnes en situation de handicap, afin d’éviter toute banalisation des agressions subies. Autre priorité selon Khalil Bensami : accélérer la transformation numérique de la justice, en intégrant la dématérialisation des procédures, en facilitant l’échange numérique de documents et en adaptant les cadres juridiques pour accompagner cette modernisation.

Gouvernance, environnement, corruption

Le CESE appelle aussi à renforcer la capacité du système judiciaire à traiter les infractions environnementales. En effet, les crimes environnementaux sont trop rarement jugés, faute de dispositifs adaptés. Le Conseil propose ici une série de mesures ciblées: obligation de signalement par les administrations, procédures spécifiques, meilleure articulation avec les autorités chargées de la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion. Par ailleurs, face aux restrictions envisagées par l’article 3 du projet de loi, qui limiterait la capacité des associations à poursuivre des élus ou des fonctionnaires en matière de corruption, Abdelkader Amara a plaidé avec force pour préserver le droit de dénoncer les crimes financiers. Une position cohérente avec les engagements internationaux du Maroc en matière de lutte contre la corruption et qui rejoint les travaux de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC). En filigrane de l’intervention du CESE, une idée revient avec insistance : une réforme de la procédure pénale, aussi ambitieuse soit-elle, restera partielle si elle n’est pas portée par une vision systémique, inclusive et participative.
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