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Protection sociale : le Maroc présente ses ambitions aux Réunions de printemps du FMI et de la BM

Dans le cadre prestigieux des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI qui se poursuivent jusau'au 26 avril 2025 à Washington, le Maroc s'est illustré comme un pionnier en matière de protection sociale. Wafaa Jemali, directrice générale de l'Agence nationale du soutien social (ANSS), y a présenté l'ambitieux programme marocain d'Aide sociale directe, dont le budget représente 2% du PIB, l'un des plus élevés au monde. Ce programme, qui bénéficie à près de 4 millions de familles, soit plus de 12 millions de personnes, incarne la Vision Royale d'une protection sociale universelle. Dans un contexte régional où la Banque mondiale prévoit une croissance modeste de 2,6% en 2025, l'expérience marocaine pourrait inspirer d'autres nations cherchant à concilier aide sociale et développement économique durable.

C'est sous les ors de la capitale américaine que le Maroc a pris place parmi les nations innovantes en matière de protection sociale. Mercredi 23 avril 2025, lors d'une table ronde intitulée «La protection sociale dans la région MENA : enseignements et innovations pour la protection des individus», organisée dans le cadre des Réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, Wafaa Jemali, directrice générale de l'Agence nationale du soutien social (ANSS), a présenté l'expérience marocaine devant un parterre d'experts internationaux. Ces réunions, qui se déroulent du 21 au 26 avril, rassemblent des dirigeants du secteur public, du secteur privé, des représentants d'organisations de la société civile et des experts universitaires autour des grands dossiers mondiaux, notamment l'économie mondiale, la lutte contre la pauvreté et le développement économique.

Une Vision Royale transformée en réalité sociale

«L'objectif d'une protection sociale pour tous constitue aujourd'hui une réalité et un succès au Maroc», a affirmé avec conviction Mme Jemali dès le début de son intervention. La directrice générale a souligné que cette réussite s'inscrivait dans une trajectoire de développement national placée sous «l'Impulsion et le leadership de S.M. le Roi qui a érigé ce chantier au sommet des priorités tant pour les pouvoirs exécutif que législatif».

Cette invitation à s'exprimer lors des Réunions de printemps n'est pas anodine. Elle témoigne de la reconnaissance internationale dont jouit désormais le Royaume, «comme un contributeur actif aux bonnes pratiques internationales en matière de protection sociale», selon les mots de Mme Jemali. La responsable n'a d'ailleurs pas manqué d'exprimer «la considération de l'ANSS pour l'accompagnement offert par la Banque mondiale à ce Chantier Royal, en fournissant un soutien technique et une expertise sur le sujet».

Dans son discours à cette occasion, la directrice générale a rappelé que la crise sanitaire mondiale avait joué «un rôle catalyseur en exposant les limites de certaines politiques sociales existantes et en créant une dynamique vers un agenda renouvelé de protection sociale». C'est dans ce contexte que le Maroc a entrepris «une réforme radicale» de son système de protection sociale, d'abord avec «une assurance maladie universelle en 2022», suivie par «un filet de sécurité en 2024 pour toutes les familles dans le besoin, à travers des transferts monétaires conditionnels».

Un effort budgétaire parmi les plus importants au monde

L'ampleur de l'engagement marocain se mesure à l'aune des moyens financiers déployés. Mme Jemali a mis en évidence que «le budget annuel du programme de l'aide sociale directe a atteint près de 25 milliards de dirhams (2,5 milliards de dollars) et devrait augmenter à 30 milliards de dirhams (3 milliards de dollars), soit 2% du PIB». Un niveau d'investissement qui place le Royaume parmi les nations les plus engagées au monde en matière de protection sociale.

Ce qui distingue particulièrement le modèle marocain est son mode de financement. «Cette enveloppe est entièrement mobilisée par le Budget de l'État, grâce aux contributions solidaires, à la réforme de la compensation et à la refonte de certains programmes sociaux», a précisé la directrice générale. Une autonomie financière qui garantit la pérennité du dispositif et témoigne de la détermination des autorités marocaines.

Les résultats sont à la hauteur de cet engagement : «Le programme soutient près de 4 millions de ménages, représentant plus de 12 millions de personnes – un tiers de la population marocaine», a détaillé Mme Jemali. Parmi ces bénéficiaires, «5,6 millions d'enfants reçoivent un soutien mensuel de la naissance jusqu'à 21 ans et plus d'un million de personnes âgées bénéficient également de ce soutien».

Au-delà de l'aide financière : un levier pour le développement humain

«Le modèle marocain de l'Aide sociale directe ne se limite pas à une aide directe ponctuelle, mais vise à réaliser une transformation sociale durable, en encourageant les activités génératrices de revenus», a expliqué Mme Jemali. Cette approche holistique s'appuie sur plusieurs piliers fondamentaux : l'accès à la formation et à l'emploi, le soutien à l'éducation via des aides financières conditionnées à la scolarisation, et le renforcement de la santé familiale.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux, un dispositif de ciblage précis a été mis en place. «Cela s'est matérialisé par la mise en place du Registre social unifié, mécanisme permettant d'identifier les familles éligibles à l'aide directe, au moyen d'un système de notation prenant en compte le revenu des bénéficiaires, leurs conditions de logement et leur niveau de vie», a détaillé la directrice générale. L'ANSS joue un rôle central dans cette stratégie, comme l'a souligné Mme Jemali : «En tant qu'Agence, nous visons à fournir des services localisés et centrés sur l'humain, grâce à un réseau de travailleurs sociaux locaux». Ces professionnels de terrain auront pour mission d'offrir «des incitations adaptées au contexte pour encourager la fréquentation et la performance scolaires, la santé maternelle et la vaccination, une meilleure nutrition et l'emploi formel».

Les actions planifiées par l'ANSS sont concrètes et diversifiées. Comme l'a précisé Mme Jemali, elles incluent «la connexion des bénéficiaires prêts à l'emploi aux services locaux d'emploi et de formation, le soutien aux jeunes et aux mères qui travaillent avec des mesures adaptées (mobilité, transport, garde d'enfants), la promotion du développement de l'enfant grâce à des partenariats locaux, et l'encouragement des comportements de santé à travers des mécanismes comme les aides à la naissance».

Un contexte régional confronté à des défis économiques majeurs

L'initiative marocaine s'inscrit dans un contexte régional marqué par des incertitudes économiques. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur la situation économique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, intitulé «Changer de vitesse : le secteur privé comme moteur de la croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord», la région devrait enregistrer une croissance modeste de 1,9% en 2024, suivie d'une progression modérée à 2,6% en 2025. Ces perspectives restent soumises à «une grande incertitude en raison de l'évolution rapide de l'environnement mondial», souligne le rapport. Les conflits en cours, les chocs climatiques extrêmes et les fluctuations des marchés pétroliers constituent autant de facteurs de risque pour les économies de la région.

Dans ce contexte, le développement d'un secteur privé dynamique apparaît comme une nécessité. «La région continue de sous-utiliser son capital humain, les femmes étant largement exclues du marché du travail», explique Ousmane Dione, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Une situation que le Maroc s'efforce de combattre à travers son programme de protection sociale, qui accorde une attention particulière à l'autonomisation économique des femmes.

La protection sociale comme levier d'un développement inclusif et durable

«La protection sociale ne se limite pas à un simple soutien financier», a insisté Mme Jemali dans sa conclusion, «elle est plutôt un levier essentiel pour assurer un développement global et durable au bénéfice des générations futures». Cette vision rejoint pleinement le thème des Réunions de printemps 2025, comme l'a rappelé la directrice générale : «Comme le rappelle le thème de ces Réunions de printemps, “Les emplois sont la voie vers la prospérité”. C'est précisément pourquoi il est essentiel de lier la protection sociale aux politiques d'emploi, afin d'assurer une plus grande efficacité et un développement inclusif».

L'expérience marocaine démontre ainsi qu'une protection sociale universelle n'est pas seulement réalisable, mais qu'elle peut devenir «un moteur de développement inclusif et durable», selon les mots de Mme Jemali. Un message porteur d'espoir pour l'ensemble de la région MENA, confrontée à des défis socio-économiques considérables.
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