Le paysage politique marocain est en constante évolution, marqué par des alliances parfois surprenantes et des votes qui remettent en question les dynamiques traditionnelles du jeu partisan. Récemment, le Mouvement populaire, un parti d'opposition, a créé la surprise en votant favorablement à la loi organique sur le droit de grève, un texte longtemps bloqué. Ce vote met en lumière la complexité du rôle de l'opposition, tiraillée entre la nécessité de défendre ses propres positions et la volonté de contribuer de manière constructive aux réformes nationales. «Notre parti ne fait pas de l'opposition juste pour s'opposer». C'est par ces mots que Driss Sentissi, président du groupe parlementaire du Mouvement populaire, a justifié le vote favorable de son parti, pourtant dans l'opposition, au projet de loi organique sur le droit de grève porté par le gouvernement et défendu par sa majorité au Parlement. Un soutien surprenant qui soulève des interrogations sur la nature réelle du rôle joué par les forces d'opposition au sein de l'hémicycle.
Le Mouvement populaire assume un vote «dans l'intérêt du pays»
Pour Driss Sentissi, le chef du groupe parlementaire Haraki, ce vote relève d'une approche pragmatique et responsable. «Nous considérons ce projet de loi comme une législation plus sociale que politique, essentielle pour la vie sociale et économique du Maroc», affirme-t-il. Son collègue Mohamed Ouzzine, président du parti, abonde dans le même sens : «Notre vote en faveur de la loi sur le droit de grève est une législation pour le pays et non pour un positionnement politique. Nous ne faisons pas de l'opposition sur commande», avait-il défendu.
Des propos qui font écho à ceux tenus par l'Union socialiste des forces populaires (USFP), autre formation d'opposition, lors du vote sur le Système de soutien social direct. Le parti avait alors voté en faveur des projets de loi relatifs à ce régime d'aide sociale et à la création de l'Agence nationale d'aide sociale. Là encore, la volonté affichée était de soutenir des réformes jugées importantes pour le pays.
Des propos qui font écho à ceux tenus par l'Union socialiste des forces populaires (USFP), autre formation d'opposition, lors du vote sur le Système de soutien social direct. Le parti avait alors voté en faveur des projets de loi relatifs à ce régime d'aide sociale et à la création de l'Agence nationale d'aide sociale. Là encore, la volonté affichée était de soutenir des réformes jugées importantes pour le pays.
2015 : quand l'opposition surprenait en votant pour la régionalisation
Ce questionnement n'est pas nouveau. Déjà en 2015, sous le gouvernement dirigé par le Parti de la justice et du développement (PJD), l'opposition avait créé la surprise en votant en faveur du projet de loi organique sur les régions, malgré son retrait initial des discussions et son abstention lors du vote en commission. Ce revirement inattendu avait conduit à l'adoption à l'unanimité du texte, alors même que l'exécutif avait rejeté de nombreux amendements proposés par l'opposition. Une situation qui avait suscité incompréhension et surprise au sein de la majorité, qui s'était interrogée sur les motivations réelles de ce soutien soudain.
Cet épisode qui avait précédé les débats actuels montre que la question du positionnement des forces d'opposition face aux projets structurants portés par le gouvernement est un serpent de mer de la vie politique marocaine. Une problématique complexe qui ne semble pas encore avoir trouvé de réponse claire, même auprès des observateurs et des analystes du paysage politique marocain.
Cet épisode qui avait précédé les débats actuels montre que la question du positionnement des forces d'opposition face aux projets structurants portés par le gouvernement est un serpent de mer de la vie politique marocaine. Une problématique complexe qui ne semble pas encore avoir trouvé de réponse claire, même auprès des observateurs et des analystes du paysage politique marocain.
Une tendance qui interroge sur le rôle de l'opposition
Pour Meriem Blial, docteure spécialisée des activités parlementaires et membre dirigeante du site Nouabook et de l'Association SimSim-Participation citoyenne, ces votes favorables de l'opposition ne sont pas inédits. En ce qui concerne les projets de loi portant sur la ratification de conventions internationales, l'opposition vote généralement favorablement, note-t-elle. Selon elle, «l’opposition peut voter en faveur de certaines textes, qu’il s’agisse de projets ou de propositions de loi. Historiquement, dans le paysage politique marocain, et même au cours de la dernière législature, on constate que certains types de projets de loi sont toujours adoptés à l’unanimité. Ces lois concernent l’adoption des accords internationaux. Car les traités internationaux ratifiés par le Maroc doivent être validés par une loi contenant généralement un article unique. Ce type de lois est donc généralement approuvé à l’unanimité», explique-t-elle.
Mais au-delà de ces cas particuliers, l'appui de certains partis d'opposition aux projets gouvernementaux majeurs pose question. Reflète-t-il une évolution vers une opposition plus constructive comme le prétendent ces partis ? Ou traduit-il au contraire une atonie de l'opposition donnant lieu à des clivages moins accentués sur les grandes réformes nationales ?
Charifa Lemouir, docteure en droit constitutionnel et sciences politiques (membre du Centre de l'Afrique du Nord des études, de la recherche et de l'évaluation des politiques publiques), se veut plus nuancée. «Il est certain que les partis d'opposition sont censés adopter des positions constructives au service des causes nationales en se gardant de se livrer à une surenchère politique face à la majorité gouvernementale», estime-t-elle. Pour autant, elle pointe aussi le manque de clarté dans la vision de l'opposition depuis le début de la législature, «ce qui les a empêchés d'exercer pleinement les rôles constitutionnels qui leur sont garantis», regrette-t-elle.
Mais au-delà de ces cas particuliers, l'appui de certains partis d'opposition aux projets gouvernementaux majeurs pose question. Reflète-t-il une évolution vers une opposition plus constructive comme le prétendent ces partis ? Ou traduit-il au contraire une atonie de l'opposition donnant lieu à des clivages moins accentués sur les grandes réformes nationales ?
Charifa Lemouir, docteure en droit constitutionnel et sciences politiques (membre du Centre de l'Afrique du Nord des études, de la recherche et de l'évaluation des politiques publiques), se veut plus nuancée. «Il est certain que les partis d'opposition sont censés adopter des positions constructives au service des causes nationales en se gardant de se livrer à une surenchère politique face à la majorité gouvernementale», estime-t-elle. Pour autant, elle pointe aussi le manque de clarté dans la vision de l'opposition depuis le début de la législature, «ce qui les a empêchés d'exercer pleinement les rôles constitutionnels qui leur sont garantis», regrette-t-elle.
Entre pragmatisme et manque de cohérence, le pari risqué de l'opposition
Car si le soutien ponctuel à certains textes peut se justifier par le souci de l'intérêt du pays, il n'est pas sans risque pour les partis concernés. En multipliant les votes favorables sur des projets phares du gouvernement, l'opposition ne s'expose-t-elle pas à une perte de crédibilité et de lisibilité auprès des citoyens ? «Je pense que la politique doit être guidée par le réalisme, et c’est pourquoi je considère que le vote du Mouvement populaire en faveur d’un projet de loi ne devrait pas susciter un tel étonnement. En effet, ce vote relève d’une démarche positive, notamment lorsqu’il s’agit d’un texte aussi crucial que la loi sur le droit de grève, qui revêt une importance majeure», estime Charifa Lemouir. «De plus, ce projet de loi était bloqué depuis longtemps dans les rouages de l’institution législative», rappelle-t-elle.
C'est tout l'enjeu pour ces formations, écartelées entre la volonté de faire avancer des réformes jugées nécessaires, au risque d'apparaître comme des forces d'appoint de la majorité, et l'impératif de faire de l'opposition comme un contre-pouvoir et un garde-fou contre les «velléité hégémonistes» du gouvernement. Il faut avouer qu'il est délicat de trouver l'équilibre, d'autant que certains observateurs estiment que cette attitude cache en réalité un affaiblissement idéologique et politique face l'Exécutif.
C'est tout l'enjeu pour ces formations, écartelées entre la volonté de faire avancer des réformes jugées nécessaires, au risque d'apparaître comme des forces d'appoint de la majorité, et l'impératif de faire de l'opposition comme un contre-pouvoir et un garde-fou contre les «velléité hégémonistes» du gouvernement. Il faut avouer qu'il est délicat de trouver l'équilibre, d'autant que certains observateurs estiment que cette attitude cache en réalité un affaiblissement idéologique et politique face l'Exécutif.