Cet événement vise à faire le point sur les progrès réalisés depuis le lancement de cette réforme en 2015, tout en se projetant vers l’avenir, en prenant en compte les recommandations formulées lors des premières Assises ainsi que les défis qui se profilent à l’horizon. Depuis son entrée en vigueur en 2015, la régionalisation avancée a offert au Maroc une opportunité unique de moderniser sa gouvernance territoriale et d’encourager un développement plus équitable entre les régions. Toutefois, ce processus rencontre encore des obstacles majeurs qui compromettent sa pleine réalisation. Ces obstacles ont été identifiés aussi bien par les experts que par des institutions comme la Cour des comptes.
Des ressources financières limitées
La dépendance des régions envers les dotations de l’État reste problématique. Ces transferts représentent environ 80% des budgets régionaux, limitant leur autonomie financière. Les recettes propres, provenant principalement de taxes, ne suffisent pas à financer les projets ambitieux des Programmes de développement régionaux (PDR). Cette dépendance freine non seulement l’initiative locale, mais aussi la réactivité des régions face aux besoins croissants des populations. La dépendance aux financements étatiques limite l’autonomie financière de la majorité des régions, à l’exception de quelques-unes, comme Casablanca-Settat ou Rabat-Salé-Kénitra. Ces contraintes financières freinent le développement territorial et la capacité des régions à répondre aux besoins des populations.Les ressources humaines, talon d’Achille de la régionalisation avancée
Avec moins de 1.000 employés répartis sur 12 régions, les administrations régionales sont sous-dotées pour gérer leurs missions. À cela s’ajoute un manque de compétences spécialisées, nécessaires à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques. Ce déficit s’accentue dans les zones rurales, où attirer des talents qualifiés reste un défi. «En plus de la quantité insuffisante, la qualité et la spécialisation des profils posent problème», précise Abdelouahed Ourzik, ancien gouverneur, lors d’un colloque international organisé par le Groupe Atlantique UNA, en partenariat avec des acteurs institutionnels majeurs sur le thème «Développement régional : gouvernance et innovation».Des infrastructures en deçà des attentes
Sur ce point, il faut rappeler que de nombreuses régions, notamment les plus éloignées des pôles urbains, souffrent d’un déficit criant en infrastructures. Routes, systèmes d’approvisionnement en eau et services de santé restent largement en deçà des besoins. La faible connectivité entrave l’intégration des territoires et limite leur attractivité économique. «La faiblesse des infrastructures dans les zones rurales, exacerbée par des défis climatiques tels que la sécheresse, aggrave la situation. Le déclin de la production agricole et la dépendance accrue aux importations, y compris alimentaires, révèlent la vulnérabilité de l’économie nationale face aux crises», souligne Abdelali Doumou, professeur de l’enseignement supérieur, durant le même événement.Une déconcentration administrative lente
Malgré la réforme des Centres régionaux d’investissement (CRI) et la décentralisation de certains services, seuls 30% des objectifs fixés pour la déconcentration ont été atteints. Les chevauchements de compétences entre les niveaux central et régional créent des lenteurs administratives, freinant la mise en œuvre des projets prioritaires. «À peine 30% des objectifs fixés ont été réalisés, malgré les nombreux efforts de concertation entre les niveaux central et régional. La fusion et la rationalisation des services publics régionaux sont encore embryonnaires», précise M. Ourzik. «La régionalisation s’inspire largement du modèle français, lequel est lui-même en crise. La France souffre d’un enchevêtrement des compétences et d’une bureaucratisation excessive, limitant l’efficacité de son système territorial. Le Maroc pourrait éviter ces écueils en innovant et en adaptant son propre modèle, au lieu de se cantonner à des approches importées», ajoute M. Doumou.Des disparités régionales marquées
À ce niveau, le constat qui se confirme d’année en année veut que les écarts socio-économiques entre régions se creusent davantage. Trois régions (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma) génèrent près des deux tiers du PIB national. Cette concentration de la richesse et des investissements creuse les inégalités et marginalise les régions rurales ou enclavées. «La part des régions dans l’investissement public reste faible, stagnant autour de 4%, contre une moyenne de 20% dans les pays européens», précise M. Ourzik.Un cadre juridique perfectible
L’autre grand frein au développement des régions dans le cadre de la régionalisation avancée est lié aux lois organiques définissant les compétences des régions. Ces dernières manquent de clarté et de précision. L’ambiguïté concernant les responsabilités transférées ou partagées ralentit la prise de décision et complique la collaboration entre les régions et l’État.Des défis environnementaux croissants En parallèle à ces défis, un autre grand challenge met les régions à dure épreuve. En effet, la raréfaction des ressources naturelles, exacerbée par les changements climatiques, est un défi de plus en pressant. La gestion de l’eau, des terres agricoles, et des écosystèmes forestiers devient cruciale dans un contexte marqué par des sécheresses répétées et une demande croissante. Il n’est nul besoin de rappeler qu’il y a péril en la demeure.
Les pistes d’amélioration
Pour surmonter ces obstacles, plusieurs axes d’amélioration peuvent être envisagés. Ces solutions nécessitent une approche intégrée, mobilisant à la fois l’État, les acteurs régionaux, et les partenaires locaux et internationaux. Pour renforcer l’autonomie financière des régions, il faut, entre autres, diversifier les sources de revenus régionaux en introduisant de nouvelles taxes adaptées aux spécificités locales, réviser le système de dotations étatiques pour les aligner sur les priorités régionales et encourager les partenariats public-privé (PPP) pour financer les projets structurants. Au niveau du capital humain, il est recommandé de lancer des programmes de formation continue pour les employés régionaux, avec un accent sur les compétences techniques et managériales.Il faut également mettre en place des incitations pour attirer des professionnels qualifiés dans les zones rurales. Cela sans oublier de créer des partenariats avec les universités et les centres de recherche pour développer des pôles d’excellence régionaux.
L’autre piste d’amélioration est celle de l’accélération de la déconcentration administrative. Cela passe par la clarification et la simplification des processus de délégation de compétences entre les niveaux central et régional. Il faut aussi regrouper les services déconcentrés pour réduire les redondances et améliorer leur efficacité et mettre en place des mécanismes d’évaluation pour mesurer les progrès de la déconcentration.
Pur réduire les disparités territoriales, une part significative des investissements publics doit être dédiée aux régions défavorisées, avec pour objectif d’atteindre 20% du total, contre 4% actuellement. Le soutien du développement des activités économiques adaptées aux potentialités locales, comme le tourisme durable, l’agro-industrie ou les énergies renouvelables, et le renforcement des infrastructures de base dans les zones rurales pour améliorer leur intégration sont aussi des pistes à envisager.
Concernant le volet relatif à la modernisation de la gouvernance régionale, les recommandations portent en outre sur l’adoption d’outils numériques pour améliorer la transparence, la planification et la gestion des projets régionaux. À cela s’ajoutent l’instauration de mécanismes de consultation citoyenne pour intégrer les préoccupations locales dans les politiques publiques. Il est aussi nécessaire de développer une gouvernance durable, en tenant compte des enjeux environnementaux et sociaux dans la planification territoriale.
En parallèle à cela, il faut valoriser les ambitions internationales des régions à travers la création de bureaux d’intelligence économique régionale pour attirer les investissements étrangers, le renforcement de la coopération internationale en promouvant des projets de développement cofinancés par des partenaires étrangers et la mise ne place de stratégies de marketing territorial pour améliorer l’attractivité de chaque région.
Enfin, il faut adopter une approche résiliente face aux défis environnementaux. Cette mesure doit se faire via à l’intégration des enjeux climatiques dans tous les aspects de la planification régionale, l’encouragement des projets d’agriculture durable, de gestion des ressources en eau et de reforestation. Et bien entendu, il faut investir dans les énergies renouvelables pour réduire la dépendance aux énergies fossiles.
La Cour des comptes a appelé à des réformes urgentes
Dans son rapport publié en octobre 2023, la Cour des comptes avait dressé un état des lieux préoccupant de la mise en œuvre de la déconcentration administrative et de la régionalisation avancée au Maroc. En effet, en dépit des avancées notables, plusieurs défis structurels freinent ces chantiers stratégiques. La Cour a ainsi formulé des recommandations précises à l’adresse des principaux acteurs gouvernementaux pour accélérer la concrétisation de ces réformes. La Cour avait insisté, entre autres, sur la nécessité pour le Chef du gouvernement de décliner rapidement les actions prévues par la feuille de route relative à la Charte nationale de la déconcentration administrative. L’évaluation périodique des résultats doit être renforcée, tout comme la régularité des travaux de la commission interministérielle. En parallèle, le transfert des compétences en matière d’investissement aux administrations locales doit être accéléré, sur la base d’un calendrier précis, afin de simplifier les démarches administratives pour les investisseurs. Pour sa part le ministère de l’Intérieur a été appelé à harmoniser les textes législatifs relatifs aux compétences des départements ministériels avec celles des régions, en élaborant un plan d’action détaillé. La finalisation et l’adoption du projet de loi sur la fonction publique territoriale figurent également parmi les priorités. Selon la Cour, ce texte doit attirer les talents nécessaires au niveau local et garantir leur indépendance face à d’éventuelles pressions.Le ministère a également été invité à accompagner les régions dans la préparation de Programmes de développement régionaux (PDR) réalistes, convergents avec les autres politiques publiques et basés sur des montages financiers robustes. L’accent doit également être mis sur la gestion prévisionnelle des ressources humaines et l’actualisation des schémas directeurs régionaux de formation continue. La Cour qui avait identifié la lenteur dans l’élaboration des cadres réglementaires pour les compétences partagées entre l’État et les régions, a préconisé que la mise en œuvre de ces compétences nécessitait une méthodologie claire, accompagnée d’une évaluation des capacités des régions à les exercer.
Il est aussi recommandé de renforcer les stratégies régionales pour soutenir les entreprises et attirer les investissements, notamment en s’appuyant sur les Centres régionaux d’investissement. Les recommandations portent aussi sur la dotation des Agences régionales d’exécution des projets (AREP) d’un statut juridique attractif, afin de recruter des ressources humaines de qualité adaptées aux spécificités territoriales. Enfin, le ministère délégué chargé de la Transition numérique et de la réforme de l’Administration a été appelé à mettre à jour les organigrammes des administrations centrales et des services déconcentrés, afin de les aligner sur les schémas directeurs validés.
Entretien avec Soufiane Bouchakour, professeur d’économie à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociale d’Oujda, spécialiste en économie régionale et développement territorial : La complémentarité et la collaboration interrégionales peuvent favoriser la convergence tant recherchée des politiques publiques
Depuis son lancement, la régionalisation avancée s’est imposée comme un chantier stratégique pour réduire les disparités territoriales et renforcer l’autonomie des régions. Cependant, une décennie après sa mise en œuvre, le Maroc peine à réaliser un véritable décollage économique inclusif pour l’ensemble de ses régions. Si certaines zones concentrent la richesse et l’emploi, d’autres restent en marge, confrontées à des défis structurels et économiques persistants. Comment inverser cette tendance et bâtir des modèles régionaux résilients et attractifs ? La réponse avec Soufiane Bouchakour, professeur d’économie à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociale d’Oujda, spécialiste en économie régionale et développement territorial, qui revient aussi sur les principales avancées de ce chantier stratégique.
Le Matin : Comment évaluez-vous l’impact économique de la régionalisation avancée au Maroc depuis son lancement en termes de réduction des disparités territoriales ?
Soufiane Bouchakour : Les indicateurs de veille territoriale, notamment l’évolution de la contribution des régions au PIB national et le taux de chômage, confirment la concentration des richesses et de la création d’emplois dans quatre régions principales (selon les comptes régionaux du Haut-Commissariat au Plan). En revanche, l’économie régionale de huit autres régions demeure fragile et ces derniers n’ont pas réussi, au cours de la dernière décennie, à améliorer leurs indicateurs économiques. Ceci est paradoxal, étant donné que le Maroc, à travers le chantier de la régionalisation, a misé sur la délégation des compétences de développement économique aux régions (loi organique 111-14). Malgré les efforts déployés via les investissements publics dirigés vers les régions, les disparités territoriales persistent, et se sont même aggravées dans certaines régions, en raison de la faible contribution de leurs économies régionales à la création de richesses et d’emplois, ainsi que du manque d’attractivité de ces régions des investissements privés.
La récente augmentation du taux de chômage au niveau national (selon le dernier bulletin d’information du HCP sur la situation de l’emploi au Maroc) s’explique par les conditions difficiles liées à la sixième année consécutive de sécheresse et à la faible valeur ajoutée agricole, ce qui est relativement acceptable, car le taux de chômage national fluctue chaque année en fonction des circonstances. Toutefois, ce qui est préoccupant, c’est l’augmentation persistante du taux de chômage des régions où les taux n’ont pas évolué depuis des décennies. Cette situation est directement liée à la faible contribution de ces régions à l’économie nationale. En conséquence, un travail considérable attend encore les Conseils régionaux élus pour améliorer les conditions économiques et sociales de leurs régions. Les disparités territoriales restent importantes et, dans certains cas, elles continuent même de s’élargir entre les régions, ce qui appelle à une intervention urgente.
Quels sont les défis majeurs auxquels font face les régions pour garantir leur autonomie financière dans le cadre de la régionalisation avancée ?
La réalité montre qu’en dépit de tous les efforts déployés, nous sommes encore face à une régionalisation administrative plutôt qu’à une véritable régionalisation économique. Il devient donc impératif de corriger cette situation par un ensemble de mesures visant à renforcer la contribution des régions au développement économique, d’une part, et à consolider l’implantation d’investissements privés dans ces territoires, d’autre part. À ce titre on énumère :
• La mise en œuvre et l’élaboration d’une cartographie des régions (Codification des régions) basée sur des indicateurs économiques, sociaux et d’infrastructure de base innovants, et de mettre en place une codification régionale (Codification des régions) qui servirait de base à l’élaboration de programmes économiques spécifiques pour chaque région. Ces programmes doivent être alignés sur les recommandations du nouveau modèle de développement et prévoir des incitations fiscales pour réduire les disparités entre régions et accroître leur attractivité. Certes, la nouvelle Charte de l’investissement est en cours de mise en œuvre, mais il semble insuffisant pour combler les déficits économiques des régions les plus fragiles. Cela nécessite un accompagnement structuré. L’élaboration d’une nouvelle vision pour le décollage économique des régions. L’idée fondamentale est de créer une cartographie unique pour chaque région afin de garantir son essor économique, au-delà des simples programmes de développement régionaux. Cela passerait par un Code d’investissement régional spécifique à chaque région selon ses atouts et contraintes, plus incitatif, reposant non pas sur des subventions territoriales ou sectorielles, mais sur des exonérations fiscales totales ou partielles.
• Les réalisations actuelles : une base solide mais insuffisante. Personne ne peut ignorer les grandes avancées réalisées grâce aux efforts volontaristes de l’État marocain, notamment les investissements publics massifs dirigés vers les régions. Cependant, la volonté exprimée dans le nouveau modèle de développement de faire passer la contribution de l’État dans les investissements publics de 2/3 à 1/3, tout en augmentant celle du secteur privé à 2/3, exige de doter les régions des infrastructures nécessaires pour briser leur isolement économique et combler leurs déficits. Le Maroc a misé sur la régionalisation comme un choix stratégique en attribuant aux régions plusieurs compétences, notamment celle de l’élaboration de la politique régionale d’aménagement du territoire à travers les schémas régionaux d’aménagement du territoire (SRAT). Ces documents, qui sont des références stratégiques pour l’aménagement et le développement des territoires à long terme, ont été renforcés par leur mise en œuvre dans le cadre des programmes de développement régional (PDR). Toutefois, l’évaluation des précédents PDR a révélé des difficultés de mise en œuvre et des taux de réalisation faibles.
• Un partenariat État-région : une clé pour réussir la régionalisation. Face aux limites des budgets régionaux et à la multiplicité des compétences attribuées aux régions, le contrat État-région apparaît comme un levier essentiel. Ce mécanisme garantit la convergence des interventions sectorielles tout en permettant aux régions de respecter leurs engagements et de réaliser les projets inscrits dans leurs programmes de développement. Dans ce cadre, la politique du ministère de l’Équipement et de l’eau représente un modèle à suivre. Ce ministère a signé des conventions avec les Conseils régionaux pour mettre en œuvre des programmes de développement régional dans les domaines des infrastructures routières, hydriques et portuaires.
Comment la régionalisation avancée peut-elle contribuer à un développement économique plus inclusif, en particulier pour les femmes et les jeunes ?Combler le déficit en matière de développement territorial des régions et renforcer leur attractivité pour qu’elles puissent jouer leur rôle économique et social dépend de plusieurs mesures :
• Il s’agit de l’élaboration de modèles économiques régionaux. Il est essentiel de concevoir des modèles économiques adaptés à chaque région, qui garantissent leur essor économique tout en étant alignés avec le modèle de développement national. Le principal défi des régions réside dans leur capacité à créer de la richesse et à contribuer au PIB national. Cela nécessite des plans économiques territoriaux tenant compte des spécificités et contraintes de chaque territoire, au-delà des simples programmes de développement régionaux. Le gouvernement, à travers ses institutions constitutionnelles, notamment le Conseil économique, social et environnemental (CESE), et en attendant la création de Conseils régionaux de ce type, pourrait soutenir les régions dans la conception de modèles économiques territoriaux. Les régions, de leur côté, seraient responsables de la mise en œuvre de leur volet économique dans le cadre de leurs programmes de développement, en s’appuyant sur les schémas régionaux d’aménagement du territoire (SRAT). Ces plans économiques territoriaux permettront de créer de la richesse et des emplois, plutôt que de supposer que le Maroc est homogène en matière de développement régional. Le modèle de développement national souligne la nécessité d’adapter les politiques sectorielles au niveau régional pour assurer la convergence verticale et horizontale, souvent absente dans les dynamiques de développement du pays. Ces plans pourront également soutenir les systèmes productifs localisés (SPL), valorisant les chaînes de production propres à chaque territoire.
• Il faut également un accompagnement de la nouvelle Charte de l’investissement. La Charte propose des incitations sectorielles et territoriales, en s’appuyant sur des Codes régionaux d’investissement, qui accordent des avantages spécifiques, comme des exonérations fiscales et des discriminations positives pour les régions faiblement attractives ou sous-dotées en investissements privés. Les investisseurs recherchent des opportunités, une exonération fiscale sur 10 ans ou plus pourrait encourager l’implantation d’investissements privés dans les régions économiquement isolées, malgré les opportunités de développement qu’elles offrent. Les contrats entre l’État et les régions permettraient de mettre en œuvre les programmes de développement régionaux avec une vision prospective, pour combler les lacunes en infrastructures et créer les conditions nécessaires à l’investissement privé.
• Il est aussi nécessaire d’élaborer une carte des régions faiblement dotées en infrastructures et peu attractives, basée sur des indicateurs économiques et sociaux, afin de concentrer les interventions dans les infrastructures nécessaires, dans une approche solidaire entre les régions. L’idée est d’identifier les territoires d’ombre pour mieux cibler les interventions et les investissements prioritaires.
• Il faut également alléger le fardeau financier des Conseils régionaux. Cela passe par la révision de certaines compétences et contributions aux programmes et fonds actuels pour libérer des marges financières, permettant ainsi aux régions de réaliser leurs programmes de développement avec des budgets raisonnables. La création des conseils régionaux du CESE permettra d’accompagner les régions dans les études et les conseils, afin d’assurer l’efficacité des politiques publiques convergentes et la coordination entre les acteurs.
• Enfin, il faut renforcer le rôle des secrétariats généraux aux affaires régionales en leur donnant un rôle accru dans les régions pour coordonner les interventions sectorielles et accompagner les Conseils régionaux dans leurs initiatives.
En somme, ces mesures visent à renforcer l’efficacité du développement régional, tout en assurant une meilleure coordination et une convergence accrue des politiques publiques, pour un développement territorial équilibré et durable.
Quels seraient les principaux avantages économiques d’une meilleure coopération entre les régions ?
La coopération entre les régions permettra de réaliser un ensemble de projets structurants majeurs qu’il est aujourd’hui difficile de mener à bien par une seule région, compte tenu des contraintes financières. Ainsi, la complémentarité et la collaboration interrégionales peuvent favoriser la convergence tant recherchée des politiques publiques, tout en permettant la mise en œuvre de programmes sectoriels ambitieux à l’échelle territoriale, capables d’attirer les investisseurs et de créer des emplois.
Actuellement, les régions peinent à mettre en œuvre leurs programmes de développement en raison de la limitation des ressources disponibles et du déficit enregistré en matière d’infrastructures adaptées pour attirer les investissements. La coopération entre les régions aboutira à une meilleure répartition des investissements publics régionaux et à l’élaboration de projets territoriaux ayant un impact économique et social significatif.
Quels ajustements législatifs ou institutionnels recommanderiez-vous pour optimiser les bénéfices de la régionalisation avancée au Maroc ?
Je pense que le Maroc est aujourd’hui prêt à réussir véritablement le chantier de la régionalisation, après avoir accumulé de nombreuses expériences qui ont permis des avancées notables en matière de développement économique et social. Aussi, il est également certain que les marges de progression restent importantes et accessibles, compte tenu des capacités, des atouts et des opportunités qui s’offrent au pays à l’avenir. Il est temps, après la maturité atteinte par l’expérience de la régionalisation administrative au Maroc, de concentrer les efforts sur la mise en œuvre d’une régionalisation économique, en garantissant une distribution équitable de la richesse et la création d’emplois dans toutes les régions du Royaume.
Le Maroc est aujourd’hui un véritable chantier en pleine évolution, et il serait logique que toutes les régions du Royaume profitent des opportunités offertes, qu’il s’agisse de l’organisation de la Coupe du monde 2030 ou des grands projets liés à la souveraineté nationale dans ses différentes dimensions (industrielle, alimentaire, énergétique, hydraulique et technologique). À ce titre, l’innovation dans la conception des projets territoriaux par les Conseils régionaux est cruciale pour tirer profit de ce grand chantier de souveraineté nationale. Et lorsque l’on parle d’innovation, la question du rôle des élites au sein des Conseils régionaux se pose naturellement.
Les élites proposées par les partis politiques sont-elles toutes qualifiées et alignées avec la vision prospective Royale pour la régionalisation et les grands projets de développement territorial au Maroc ?
Il est difficile de répondre de manière catégorique, mais il est prioritaire aujourd’hui que les partis politiques rompent avec les pratiques du passé, notamment dans une ère marquée par l’intelligence artificielle, l’ingénierie territoriale et la compétition internationale dans un contexte de crises. Dès lors, le Maroc a besoin d’élites nouvelles dans les Conseils régionaux, vu que leurs missions sont principalement axées sur le développement économique et social, et nécessitent des compétences bien plus que des élus sans qualifications spécifiques.
C’est une tâche difficile pour les partis politiques, mais la réforme du Code électoral pourrait constituer une solution clé. Cette réforme pourrait obliger les partis à respecter un niveau de compétence minimum pour pouvoir prétendre à la présidence des conseils élus, tout en maintenant l’adhésion aux conseils ouverte à tous, quel que soit le niveau d’éducation ou de connaissance. Avec ce type de mesure, les partis politiques seraient contraints de placer des compétences qualifiées en tête de leurs listes s’ils souhaitent présider les conseils élus. Cette approche permettrait de renforcer la gouvernance locale et de garantir une gestion efficace et visionnaire des affaires régionales.