Le Matin : Vous aviez évoqué précédemment la présence de «perturbateurs» au sein du Conseil régional. Avez-vous réussi à surmonter les obstacles qui en découlaient ?
Mbarka Bouaïda : Je peux affirmer avec conviction que notre région bénéficie aujourd’hui d’un climat social apaisé, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les tensions et les conflits politiques qui ont marqué le passé sont désormais derrière nous. Bien que la compétition politique subsiste, ce qui est tout à fait normal et sain dans une démocratie, nous avons réussi à dépasser les querelles partisanes et la surenchère politique qui, à une certaine époque, avaient pris en otage notre région et sa population. Aujourd’hui, il n’est plus question de blocage, mais plutôt de déblocage et de développement. Cette évolution positive est le fruit d’une gestion efficace de la crise, tant par l’État, qui avait pris la décision de suspendre temporairement le Conseil de la région, que par les élus eux-mêmes, qui ont su engager un dialogue constructif. Ce dialogue a abouti à un compromis qui nous a permis de sortir de l’impasse et d’accélérer nos actions au profit de la région.Je peux affirmer que la situation s’est considérablement assainie et que ces problèmes appartiennent désormais au passé. Par ailleurs, les efforts déployés par l’État marocain ont contribué, comme dans l’ensemble des régions du pays, à renforcer la paix sociale. Cette stabilité sociale, que je considère comme un atout majeur pour notre pays, a été consolidée par la mise en œuvre de nombreux projets stratégiques, notamment les Projets Royaux, les initiatives de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain), la gestion efficace de la crise de Covid-19 et l’octroi de subventions directes. Toutes ces mesures ont permis de créer et de maintenir une forte cohésion sociale. Nous sommes donc aujourd’hui dans une dynamique positive, focalisée sur le développement et le progrès de notre région, laissant derrière nous les divisions du passé.
Comment le rythme de travail actuel a-t-il été ajusté pour compenser les retards accumulés précédemment ?
Effectivement, nous avons pris des mesures concrètes pour remédier à cette situation. Dès juillet 2019, nous avons instauré une politique pour «rattraper les retards». En l’espace de deux ans, nous avons accompli des avancées significatives : l’adoption d’un plan de développement régional, la validation d’un schéma régional d’aménagement territorial sur 25 ans et la ratification d’un contrat État-région d’une valeur de 5,5 milliards de dirhams, garantissant le financement de 37 projets cruciaux. Cette approche visait à accélérer les processus et à rattraper le temps perdu. Notre priorité était d’agir rapidement et efficacement dans cette phase de rattrapage. Cela impliquait d’élaborer une vision claire, de définir des projets concrets, de rechercher des partenaires et de mettre en place les structures de gouvernance adéquates, tout en recrutant les compétences nécessaires.
Actuellement, la région gère simultanément plusieurs programmes d’envergure : l’achèvement du Plan de développement intégré signé devant Sa Majesté, notre participation au Programme de réduction des disparités territoriales et sociales, le contrat État-région avec ses 37 projets et le nouveau Plan de développement régional de 11,6 milliards comprenant 96 projets. Notre démarche consiste à sécuriser les partenariats financiers tout en entrant dans la phase de mise en œuvre. Des progrès tangibles ont été réalisés. Nous avons renforcé nos effectifs, améliorant ainsi le taux d’encadrement au sein de la région. Une agence régionale d’exécution de projets, opérationnelle depuis un an et demi, a été créée. Nous sommes en train de mettre sur pied une Société de développement régional pour le tourisme ainsi qu’une autre pour la culture. De plus, nous prévoyons de proposer, lors de la session d’octobre 2024, un projet de statut pour une Société de développement régional dédiée à l’aménagement. Ces nouvelles entités sont conçues pour accélérer la réalisation des projets et rattraper le retard accumulé. Elles constituent des leviers essentiels pour augmenter notre efficacité et notre rapidité d’exécution.
Comment parvenez-vous à concilier le rattrapage des retards accumulés avec la mise en œuvre des différents plans de développement nationaux et locaux dans votre région ?
Je tiens à préciser que le retard a été largement comblé, notamment en ce qui concerne les conventions, le Plan de développement régional (PDR) et le Schéma régional d’aménagement du territoire (SRAT). Ces aspects ont été entièrement régularisés et font désormais partie du passé. Cependant, notre région reste confrontée à des défis considérables. Nous sommes l’une des régions du Maroc les plus touchées par le chômage et nous enregistrons le plus faible niveau d’investissement privé. Il existe effectivement un retard dans la dynamique économique régionale que nous nous efforçons de rattraper. Notre stratégie de rattrapage commence par le désenclavement, un élément crucial. Cela implique le développement des infrastructures routières, aéroportuaires et des liaisons aériennes. Nous avons déjà réalisé plusieurs centaines de kilomètres de routes, permettant de relier des provinces, des douars et des communes entre eux. Ces avancées sont très appréciées par la population.
La construction de la voie express jouera un rôle majeur dans le désenclavement total de la région, rapprochant le Nord du Sud. Elle permettra de réduire le temps de trajet entre Agadir et Guelmim de 45 minutes, ce qui est considérable. Des gains de temps similaires sont attendus sur l’axe Guelmim et au-delà. Cela va considérablement rapprocher notre région des deux grands pôles dynamiques que sont Souss-Massa et Laâyoune-Sakia El Hamra. Notre véritable défi, cependant, réside dans la création d’emplois. Notre objectif est de préparer le terrain et d’attirer rapidement des investisseurs de toutes tailles, qu’il s’agisse de petits, moyens ou grands projets. C’est sur cet aspect que nous concentrons nos efforts pour stimuler le développement économique de notre région et rattraper notre retard tout en mettant en œuvre les plans de développement nationaux et locaux.
Avec le lancement de nombreux projets, quels indicateurs utilisez-vous pour évaluer les progrès réalisés et vous assurer que ces projets évoluent dans la bonne direction ?
Nous avons défini deux indicateurs clés à long terme que nous aspirons à atteindre dans les années à venir. Le premier objectif est la décarbonation totale de notre région d’ici 2035. Compte tenu de la taille de notre région, de sa densité de population et des projets en cours, nous estimons que cet objectif est réalisable. Le second indicateur majeur concerne la création d’emplois. Notre ambition est de générer environ 50.000 emplois sur les 15 à 20 prochaines années. Pour suivre notre progression vers ces objectifs à long terme, nous utilisons plusieurs indicateurs intermédiaires. Le principal est le taux de réalisation de nos projets. Par exemple, nous avons atteint environ 80% de réalisation de notre Plan de développement régional (PDR). Certains programmes spécifiques affichent des taux de réalisation encore plus élevés, comme le programme de réduction des disparités territoriales, où nous avons atteint près de 97% de réalisation pour les projets en cours.
Dans le domaine de l’eau, nous avons déjà atteint un taux de réalisation de 15 à 20%, ce qui est considérable étant donné que nous avons commencé il y a moins de deux ans et que la feuille de route vient d’être adoptée. D’autres secteurs, comme l’enseignement supérieur, montrent des taux de réalisation plus modestes pour le moment. Il est important de souligner que la régionalisation avancée joue un rôle crucial dans l’accélération de ces projets. L’implication directe des régions dans la gestion des projets au niveau régional et local permet une mise en œuvre beaucoup plus rapide comparée à une approche centralisée. Ces indicateurs nous permettent non seulement de mesurer nos progrès, mais aussi d’identifier les domaines nécessitant une attention particulière pour atteindre nos objectifs à long terme de décarbonation et de création d’emplois.
Quels sont les défis spécifiques rencontrés dans le domaine de l’enseignement supérieur ?
Les difficultés dans le secteur de l’enseignement supérieur sont principalement liées à la répartition des compétences entre la région et le ministère de tutelle. L’enseignement supérieur relève des attributions du ministère, ce qui signifie que nos priorités ne sont pas toujours alignées. Notre objectif principal est de nous assurer que les projets programmés en collaboration avec le ministère de l’Enseignement supérieur soient réalisés dans les délais convenus. Cependant, le ministère fait face à diverses contraintes, notamment en matière de foncier, ce qui peut ralentir la mise en œuvre des projets. Bien que nous nous efforcions d’apporter notre soutien, il est important de comprendre que la maîtrise d’ouvrage de ces projets reste sous la responsabilité du ministère. Le rôle de la région se limite au financement de la construction et de l’équipement, sans pouvoir directement réaliser ces projets. Nous maintenons un dialogue constant avec le ministère pour rappeler l’importance de concrétiser les projets programmés dans les délais.
Notre ambition est de voir l’établissement d’une université ou d’un pôle universitaire au sein de notre région. Cette aspiration répond à une forte attente de nos étudiants. Il faut souligner que les étudiants de notre région se distinguent généralement par l’excellence de leurs résultats académiques. Nous estimons donc que notre région mérite d’avoir sa propre université. Nous continuons à plaider auprès du ministère pour qu’il accorde une attention particulière à notre région et qu’il accélère le développement de l’enseignement supérieur sur notre territoire. Malheureusement, ce secteur reste l’un des chantiers où nous rencontrons le plus de difficultés. Nous restons néanmoins déterminés à faire avancer ce dossier crucial pour l’avenir de notre jeunesse et le développement de notre région.
La régionalisation avancée a-t-elle, selon vous, engendré des changements significatifs dans la gestion des affaires publiques au sein de votre région ? Vous aviez notamment mentionné une première phase de mise en place de la régionalisation, suivie d’une phase actuelle de réalisation et d’exécution des projets. Pouvez-vous développer ce point ?
La régionalisation avancée au Maroc, bien que relativement jeune avec ses 8 ans d’existence, a déjà montré des signes prometteurs de croissance rapide. Les cinq premières années ont été consacrées à la mise en place du cadre juridique et opérationnel, avec l’élaboration de décrets et la clarification des prérogatives. Cette phase initiale a permis aux régions d’acquérir les outils nécessaires pour démarrer efficacement. Le mandat actuel est axé sur la réalisation concrète des projets. L’expérience à travers les 12 régions du Maroc démontre que lorsqu’on fait confiance aux régions, les projets avancent plus rapidement. La régionalisation repose sur deux processus parallèles : la décentralisation et la déconcentration. Lorsque ces deux aspects sont menés de front, l’efficacité s’en trouve accrue. La collaboration entre le gouvernement central et les régions, comme dans le cas de la gestion de l’eau, a permis d’accélérer considérablement la mise en œuvre des projets. Cette approche démontre que la délégation de compétences aux régions, même lorsque les textes de loi ne sont pas toujours explicites, permet une plus grande rapidité d’action. Le processus de régionalisation peut être considéré comme un succès. Les régions ont réussi à piloter de nombreux projets, à trouver les financements nécessaires, et à développer un savoir-faire local. Cette proximité dans la gestion des affaires publiques s’est avérée bénéfique, notamment dans des domaines comme la construction de routes. Cependant, des défis persistent. La déconcentration doit encore progresser, bien que le gouvernement ait récemment pris des mesures en ce sens. De plus, l’ampleur des projets régionaux nécessite une augmentation des budgets. Le modèle de financement des régions, basé sur un pourcentage de l’IS, de l’IR, des assurances et des taxes locales, pourrait être amélioré, notamment en développant davantage les taxes locales. Les régions commencent à intervenir dans des secteurs qui ne relèvent pas directement de leurs compétences, comme la santé, ce qui témoigne de leur capacité croissante à répondre aux besoins locaux. Pour assurer le succès continu de la régionalisation avancée, il est crucial de faire confiance à l’élite locale tout en renforçant les compétences des élus locaux et régionaux par la formation et l’accompagnement. En somme, la régionalisation avancée apparaît comme un accélérateur de développement, offrant une gestion plus proche des réalités du terrain et plus réactive aux besoins locaux.
Pouvez-vous nous décrire le processus de contractualisation entre l’État et votre région dans le cadre de la régionalisation avancée ? Comment se déroule-t-il concrètement ?
Dans le cadre de la régionalisation avancée, nous avons établi un contrat État-région d’une valeur de 5,5 milliards de dirhams, englobant 37 projets. Ce contrat présente à la fois des avantages et des limites. L’avantage principal de ce contrat État-région réside dans sa capacité à sécuriser non seulement le financement, mais aussi la vision globale de développement pour notre région. Cela nous offre un cadre clair pour la mise en œuvre de nos projets. Cependant, nous faisons face à certaines limites, notamment en termes de délais de réalisation. Certains projets avancent plus rapidement que d’autres, en fonction de leur nature et de divers facteurs externes.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Bien sûr. Prenons l’exemple de l’enseignement supérieur, un secteur où les projets peinent à se concrétiser pour des raisons qui ne dépendent pas directement de la région. Nous souhaiterions voir ces projets avancer plus rapidement. Un autre exemple est la station de dessalement de Tan-Tan, dont l’étude de faisabilité a été finalisée. Nous attendons maintenant que le ministère de l’Agriculture puisse lancer rapidement ce projet. De même, nous sommes en attente de la finalisation de l’étude de faisabilité pour la station de dessalement de Chatt Labyad (Plage blanche), menée par le ministère de l’Équipement et de l’eau.
Certains projets, comme la mise à niveau des ports, avancent de manière satisfaisante en collaboration avec d’autres partenaires. Nous travaillons également sur des projets de routes classées et sur la zone d’activité économique d’El Ouatia, qui progressent bien. En termes de progression globale, le taux d’avancement de ce contrat varie considérablement selon les projets : certains sont entre 35 et 40% de réalisation, tandis que d’autres n’en sont qu’à 0 à 5%. Nous anticipons une accélération significative une fois que certains projets clés seront lancés, comme l’appel d’offres pour la station de dessalement de Tan-Tan ou lorsque le ministère de l’Enseignement supérieur aura pris ses décisions.
Parmi les projets actuellement à l’étude par le Conseil de la région, quels sont les plus importants et les plus ambitieux ?
Le projet phare récemment étudié par le Conseil de la région lors de sa dernière session est ce que nous appelons le «Plan d’urgence des quatre provinces». Ce plan se focalise sur le périmètre urbain et englobe 45 communes urbaines et rurales, répondant à la tendance croissante de migration des populations rurales vers les zones urbaines. Doté d’une enveloppe de 1,2 milliard de dirhams, ce plan d’urgence vise la réhabilitation globale des quatre provinces. Il comprend la rénovation des grandes artères et des quartiers sous-équipés, la construction de gares routières modernes connectées à la voie expresse, ainsi que la réalisation d’ouvrages d’art et d’infrastructures sportives comme des piscines municipales. Nous avons ciblé les besoins essentiels des habitants, notamment ceux de la province de Tan-Tan qui attendent ce type d’intervention depuis plus de huit ans.
Le financement de ce plan a été finalisé et adopté, et nous accélérons actuellement la signature des conventions de partenariat nécessaires à sa mise en œuvre. En parallèle, nous menons d’importants projets liés à l’eau, une problématique majeure pour notre région. Cela inclut la construction de barrages, supervisée directement par la région via l’AREP (Agence régionale de l’exécution des projets), ainsi que l’amélioration de l’accès à l’eau potable, particulièrement dans les zones rurales. Nous bénéficions d’un précieux accompagnement technique de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui nous a intégrés dans son programme «Green Cities». Cette collaboration, formalisée lors de la COP28, fait de nous la première région marocaine à participer à ce programme international.
Les projets liés à l’eau et aux routes sont cruciaux, répondant aux attentes de la grande majorité de notre population. Nous avons également signé des conventions pour accélérer les chantiers dans les domaines de l’éducation et de la santé. Pour stimuler l’attractivité économique de notre région, nous développons des zones d’activité et mettons l’accent sur la formation des compétences locales, notamment grâce à un partenariat récent avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Notre approche consiste à mener de front plusieurs chantiers essentiels pour jeter les bases solides du développement de notre région, couvrant un large éventail de domaines allant des infrastructures urbaines à l’éducation, en passant par la gestion de l’eau et le développement économique.
Vos nombreux projets nécessitent un financement conséquent. Les régions sont appelées à diversifier leurs sources de financement à travers des solutions innovantes. Quelle est l’expérience de votre région dans ce domaine ?
En matière de financement, les régions bénéficient d’une garantie de l’État, comme l’ont confirmé l’ancien et l’actuel ministre des Finances. Nous disposons d’un budget de 10 milliards de dirhams, une enveloppe que le gouvernement marocain a maintenue malgré les difficultés récentes telles que le tremblement de terre, la pandémie de Covid-19 et la sécheresse. Nous en sommes profondément reconnaissants. Cependant, ce budget n’est pas suffisant pour réaliser tous nos projets au rythme souhaité. C’est pourquoi nous devons innover en matière de financement. Le gouvernement marocain offre aujourd’hui plusieurs instruments et outils de financement. Grâce à la collaboration avec les ministères de l’Intérieur et des Finances, nous avons obtenu l’accord pour l’ensemble de nos projets sur le plan financier. L’État a été d’un grand soutien pour notre région. Après avoir évalué la santé financière de notre région, qui s’avère très bonne, nous estimons pouvoir financer jusqu’à 60% de nos besoins par nos propres moyens. Il nous reste donc à trouver entre 30 et 40% de financements complémentaires. Actuellement, nous collaborons avec trois bailleurs de fonds principaux. Le Fonds d’équipement communal (FEC) nous accompagne sur les projets routiers. Bien que les montants actuels ne soient pas très élevés, environ 100 millions de dirhams, nous envisageons d’augmenter cette collaboration, le FEC étant disposé à accroître son engagement. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) nous soutient dans le domaine de l’eau, apportant son expertise et un financement de 131 millions de dirhams pour la localité de Bouizakarne, un montant qui pourrait augmenter selon les besoins.
Enfin, la Société financière internationale (SFI) nous accompagne sur des projets d’infrastructure et de mise à niveau urbaine et portuaire. Leur enthousiasme à travailler avec notre région est tel qu’ils ont élargi leur ligne de crédit initiale de 40 millions de dollars à l’ensemble des projets de notre Plan de développement régional ayant un caractère urbain. Cette marque de confiance est très encourageante pour nous. Ces partenariats diversifiés nous permettent d’innover dans nos approches de financement et de répondre aux besoins croissants de notre région en matière de développement.
Le Conseil innove-t-il donc en matière de recherche de financement ?
Effectivement, nous explorons activement des solutions de financement innovantes, en nous inspirant d’autres collectivités territoriales. Par exemple, nous étudions de près l’expérience de la commune d’Agadir, qui a réalisé un emprunt obligataire très intéressant, démontrant une gestion financière ingénieuse. Nous envisageons la possibilité d’adopter une approche similaire à l’avenir. Nous explorons également l’option des partenariats public-privé, qui est actuellement à l’étude. Ces pistes nous permettent d’envisager des moyens novateurs pour financer nos projets de développement.
Dans le cadre de la nouvelle Charte de l’investissement, quelles actions sont prévues pour stimuler l’investissement dans votre région ?
La nouvelle Charte de l’investissement représente une opportunité exceptionnelle pour notre région. En effet, nos quatre provinces répondent à l’ensemble des critères établis par cette Charte. Cela signifie que les investisseurs choisissant de s’implanter à Guelmim-Oued Noun pourraient bénéficier de primes allant jusqu’à 30%, ce qui correspond au maximum prévu par la Charte. Nous estimons que ces mesures incitatives sont extrêmement attractives et devraient considérablement stimuler l’investissement dans notre région. Ces avantages financiers substantiels positionnent Guelmim-Oued Noun comme une destination privilégiée pour les investisseurs, ce qui devrait contribuer significativement à notre développement économique. Notre stratégie consiste à capitaliser sur ces incitations pour attirer une diversité d’investisseurs et de projets, en mettant en avant les atouts spécifiques de notre région ainsi que les avantages financiers offerts par la nouvelle Charte de l’investissement.
Les incitations sont en place, mais observez-vous un réel intérêt des investisseurs ? Y a-t-il un engouement pour votre région actuellement ?
Nous constatons effectivement un engouement certain, particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables. Cependant, notre ambition est d’élargir cet intérêt à d’autres secteurs économiques. Concernant les énergies renouvelables, notre vision dépasse le cadre classique. Nous aspirons à développer un écosystème intégré qui englobe l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’amont à l’aval. Cela inclut des aspects d’industrialisation tels que la production de batteries ou l’électrolyse. Notre approche se veut donc très concrète et orientée vers la création d’une véritable filière industrielle. Parallèlement, nous nous efforçons de mettre en lumière d’autres opportunités d’investissement dans la région. Le tourisme est l’un de nos axes prioritaires. La pêche, déjà un moteur économique important, offre de nouvelles perspectives, notamment dans la transformation des ressources halieutiques.
L’agriculture suscite également un intérêt croissant. Nous mettons l’accent sur des pratiques agricoles durables, respectueuses de l’environnement et adaptées au stress hydrique que connaît notre région. Cette approche innovante devrait, nous l’espérons, attirer de nouveaux investissements. Il est encourageant de constater que plusieurs projets d’investissement sont déjà en cours d’évaluation. Ces demandes sont traitées par le Centre régional d’investissement (CRI) et la Commission nationale d’investissement. Nous espérons que le gouvernement pourra bientôt annoncer officiellement ces projets. Notre stratégie consiste donc à diversifier l’attrait de notre région au-delà des énergies renouvelables, en mettant en avant nos atouts dans des secteurs variés comme le tourisme, l’agriculture durable et la transformation des produits de la pêche. Nous sommes confiants que cette approche globale, combinée aux incitations existantes, continuera à stimuler l’intérêt des investisseurs pour Guelmim-Oued Noun.
En tant que région, vous avez évoqué de nombreux projets liés aux énergies renouvelables, avec un potentiel de création d’emplois estimé à 55.000 d’ici 2035. Comment envisagez-vous l’avenir de la région dans ce domaine ?
Notre région occupe une position géographique stratégique, équidistante de Tanger et Lagouira. Cette situation centrale nous confère un potentiel exceptionnel en matière d’énergies renouvelables, l’un des plus prometteurs du Royaume. Nous disposons d’un capital humain adaptable et qualifiable pour ce secteur d’avenir. L’infrastructure portuaire existante à Tan-Tan pourrait être complétée par un nouveau port spécialisé dans les énergies renouvelables, s’inscrivant dans la lignée des ports de nouvelle génération initiés par Sa Majesté, tels que Tanger Med, Nador West Med, ou Dakhla Atlantique. Un tel port, qu’il s’agisse de Tan-Tan Atlantique ou d’un autre projet, dédié aux énergies renouvelables, serait un véritable catalyseur pour le secteur. En parallèle, la création de zones d’activité économique permettrait d’attirer des industries liées à la production d’énergie renouvelable et au dessalement pour l’hydrogène vert. Notre stratégie vise à encourager l’implantation locale de ces industries, tout en recherchant activement des investisseurs prêts à utiliser cette énergie sur place, que ce soit par le biais d’industries se rapprochant des sources d’énergie ou par l’exportation via des projets comme Xlinks. Le Maroc bénéficie déjà d’une expérience dans l’interconnexion énergétique avec l’Espagne, et nous espérons bientôt étendre cette expertise vers l’Afrique avec le projet Maroc-Nigeria. En conjuguant tous ces éléments et en guidant les investisseurs vers une économie intégrée, nous pouvons créer un écosystème dynamique. Le renforcement des infrastructures, notamment par le biais de partenariats public-privé (PPP), est crucial. La priorité actuelle serait la construction d’un nouveau port dédié aux énergies renouvelables, qui pourrait être réalisé en PPP.
Quelle zone serait la plus appropriée pour ce projet de nouveau port ?
La localisation la plus stratégique pour ce projet serait sans doute Tan-Tan. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la feuille de route officielle évoque déjà un projet portuaire dans cette zone. L’établissement d’un port spécialisé dans cette région entraînerait naturellement la création d’importantes plateformes industrielles à proximité. Comme vous le savez, la présence de telles infrastructures industrielles est un élément clé pour développer une économie intégrée, tant en amont qu’en aval. C’est dans cette optique que nous avons lancé l’initiative «Guelmim-Oued Noun/Hydrogène Vert», également connue sous le nom de «GON H2 Valley». Ce projet vise à mettre en place des unités pilotes à échelle réduite, offrant ainsi un aperçu concret de ce que pourrait devenir notre région dans un avenir proche, si Dieu le veut.
Mbarka Bouaïda : Je peux affirmer avec conviction que notre région bénéficie aujourd’hui d’un climat social apaisé, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les tensions et les conflits politiques qui ont marqué le passé sont désormais derrière nous. Bien que la compétition politique subsiste, ce qui est tout à fait normal et sain dans une démocratie, nous avons réussi à dépasser les querelles partisanes et la surenchère politique qui, à une certaine époque, avaient pris en otage notre région et sa population. Aujourd’hui, il n’est plus question de blocage, mais plutôt de déblocage et de développement. Cette évolution positive est le fruit d’une gestion efficace de la crise, tant par l’État, qui avait pris la décision de suspendre temporairement le Conseil de la région, que par les élus eux-mêmes, qui ont su engager un dialogue constructif. Ce dialogue a abouti à un compromis qui nous a permis de sortir de l’impasse et d’accélérer nos actions au profit de la région.Je peux affirmer que la situation s’est considérablement assainie et que ces problèmes appartiennent désormais au passé. Par ailleurs, les efforts déployés par l’État marocain ont contribué, comme dans l’ensemble des régions du pays, à renforcer la paix sociale. Cette stabilité sociale, que je considère comme un atout majeur pour notre pays, a été consolidée par la mise en œuvre de nombreux projets stratégiques, notamment les Projets Royaux, les initiatives de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain), la gestion efficace de la crise de Covid-19 et l’octroi de subventions directes. Toutes ces mesures ont permis de créer et de maintenir une forte cohésion sociale. Nous sommes donc aujourd’hui dans une dynamique positive, focalisée sur le développement et le progrès de notre région, laissant derrière nous les divisions du passé.
Comment le rythme de travail actuel a-t-il été ajusté pour compenser les retards accumulés précédemment ?
Effectivement, nous avons pris des mesures concrètes pour remédier à cette situation. Dès juillet 2019, nous avons instauré une politique pour «rattraper les retards». En l’espace de deux ans, nous avons accompli des avancées significatives : l’adoption d’un plan de développement régional, la validation d’un schéma régional d’aménagement territorial sur 25 ans et la ratification d’un contrat État-région d’une valeur de 5,5 milliards de dirhams, garantissant le financement de 37 projets cruciaux. Cette approche visait à accélérer les processus et à rattraper le temps perdu. Notre priorité était d’agir rapidement et efficacement dans cette phase de rattrapage. Cela impliquait d’élaborer une vision claire, de définir des projets concrets, de rechercher des partenaires et de mettre en place les structures de gouvernance adéquates, tout en recrutant les compétences nécessaires.
Actuellement, la région gère simultanément plusieurs programmes d’envergure : l’achèvement du Plan de développement intégré signé devant Sa Majesté, notre participation au Programme de réduction des disparités territoriales et sociales, le contrat État-région avec ses 37 projets et le nouveau Plan de développement régional de 11,6 milliards comprenant 96 projets. Notre démarche consiste à sécuriser les partenariats financiers tout en entrant dans la phase de mise en œuvre. Des progrès tangibles ont été réalisés. Nous avons renforcé nos effectifs, améliorant ainsi le taux d’encadrement au sein de la région. Une agence régionale d’exécution de projets, opérationnelle depuis un an et demi, a été créée. Nous sommes en train de mettre sur pied une Société de développement régional pour le tourisme ainsi qu’une autre pour la culture. De plus, nous prévoyons de proposer, lors de la session d’octobre 2024, un projet de statut pour une Société de développement régional dédiée à l’aménagement. Ces nouvelles entités sont conçues pour accélérer la réalisation des projets et rattraper le retard accumulé. Elles constituent des leviers essentiels pour augmenter notre efficacité et notre rapidité d’exécution.
Comment parvenez-vous à concilier le rattrapage des retards accumulés avec la mise en œuvre des différents plans de développement nationaux et locaux dans votre région ?
Je tiens à préciser que le retard a été largement comblé, notamment en ce qui concerne les conventions, le Plan de développement régional (PDR) et le Schéma régional d’aménagement du territoire (SRAT). Ces aspects ont été entièrement régularisés et font désormais partie du passé. Cependant, notre région reste confrontée à des défis considérables. Nous sommes l’une des régions du Maroc les plus touchées par le chômage et nous enregistrons le plus faible niveau d’investissement privé. Il existe effectivement un retard dans la dynamique économique régionale que nous nous efforçons de rattraper. Notre stratégie de rattrapage commence par le désenclavement, un élément crucial. Cela implique le développement des infrastructures routières, aéroportuaires et des liaisons aériennes. Nous avons déjà réalisé plusieurs centaines de kilomètres de routes, permettant de relier des provinces, des douars et des communes entre eux. Ces avancées sont très appréciées par la population.
La construction de la voie express jouera un rôle majeur dans le désenclavement total de la région, rapprochant le Nord du Sud. Elle permettra de réduire le temps de trajet entre Agadir et Guelmim de 45 minutes, ce qui est considérable. Des gains de temps similaires sont attendus sur l’axe Guelmim et au-delà. Cela va considérablement rapprocher notre région des deux grands pôles dynamiques que sont Souss-Massa et Laâyoune-Sakia El Hamra. Notre véritable défi, cependant, réside dans la création d’emplois. Notre objectif est de préparer le terrain et d’attirer rapidement des investisseurs de toutes tailles, qu’il s’agisse de petits, moyens ou grands projets. C’est sur cet aspect que nous concentrons nos efforts pour stimuler le développement économique de notre région et rattraper notre retard tout en mettant en œuvre les plans de développement nationaux et locaux.
Avec le lancement de nombreux projets, quels indicateurs utilisez-vous pour évaluer les progrès réalisés et vous assurer que ces projets évoluent dans la bonne direction ?
Nous avons défini deux indicateurs clés à long terme que nous aspirons à atteindre dans les années à venir. Le premier objectif est la décarbonation totale de notre région d’ici 2035. Compte tenu de la taille de notre région, de sa densité de population et des projets en cours, nous estimons que cet objectif est réalisable. Le second indicateur majeur concerne la création d’emplois. Notre ambition est de générer environ 50.000 emplois sur les 15 à 20 prochaines années. Pour suivre notre progression vers ces objectifs à long terme, nous utilisons plusieurs indicateurs intermédiaires. Le principal est le taux de réalisation de nos projets. Par exemple, nous avons atteint environ 80% de réalisation de notre Plan de développement régional (PDR). Certains programmes spécifiques affichent des taux de réalisation encore plus élevés, comme le programme de réduction des disparités territoriales, où nous avons atteint près de 97% de réalisation pour les projets en cours.
Dans le domaine de l’eau, nous avons déjà atteint un taux de réalisation de 15 à 20%, ce qui est considérable étant donné que nous avons commencé il y a moins de deux ans et que la feuille de route vient d’être adoptée. D’autres secteurs, comme l’enseignement supérieur, montrent des taux de réalisation plus modestes pour le moment. Il est important de souligner que la régionalisation avancée joue un rôle crucial dans l’accélération de ces projets. L’implication directe des régions dans la gestion des projets au niveau régional et local permet une mise en œuvre beaucoup plus rapide comparée à une approche centralisée. Ces indicateurs nous permettent non seulement de mesurer nos progrès, mais aussi d’identifier les domaines nécessitant une attention particulière pour atteindre nos objectifs à long terme de décarbonation et de création d’emplois.
Quels sont les défis spécifiques rencontrés dans le domaine de l’enseignement supérieur ?
Les difficultés dans le secteur de l’enseignement supérieur sont principalement liées à la répartition des compétences entre la région et le ministère de tutelle. L’enseignement supérieur relève des attributions du ministère, ce qui signifie que nos priorités ne sont pas toujours alignées. Notre objectif principal est de nous assurer que les projets programmés en collaboration avec le ministère de l’Enseignement supérieur soient réalisés dans les délais convenus. Cependant, le ministère fait face à diverses contraintes, notamment en matière de foncier, ce qui peut ralentir la mise en œuvre des projets. Bien que nous nous efforcions d’apporter notre soutien, il est important de comprendre que la maîtrise d’ouvrage de ces projets reste sous la responsabilité du ministère. Le rôle de la région se limite au financement de la construction et de l’équipement, sans pouvoir directement réaliser ces projets. Nous maintenons un dialogue constant avec le ministère pour rappeler l’importance de concrétiser les projets programmés dans les délais.
Notre ambition est de voir l’établissement d’une université ou d’un pôle universitaire au sein de notre région. Cette aspiration répond à une forte attente de nos étudiants. Il faut souligner que les étudiants de notre région se distinguent généralement par l’excellence de leurs résultats académiques. Nous estimons donc que notre région mérite d’avoir sa propre université. Nous continuons à plaider auprès du ministère pour qu’il accorde une attention particulière à notre région et qu’il accélère le développement de l’enseignement supérieur sur notre territoire. Malheureusement, ce secteur reste l’un des chantiers où nous rencontrons le plus de difficultés. Nous restons néanmoins déterminés à faire avancer ce dossier crucial pour l’avenir de notre jeunesse et le développement de notre région.
La régionalisation avancée a-t-elle, selon vous, engendré des changements significatifs dans la gestion des affaires publiques au sein de votre région ? Vous aviez notamment mentionné une première phase de mise en place de la régionalisation, suivie d’une phase actuelle de réalisation et d’exécution des projets. Pouvez-vous développer ce point ?
La régionalisation avancée au Maroc, bien que relativement jeune avec ses 8 ans d’existence, a déjà montré des signes prometteurs de croissance rapide. Les cinq premières années ont été consacrées à la mise en place du cadre juridique et opérationnel, avec l’élaboration de décrets et la clarification des prérogatives. Cette phase initiale a permis aux régions d’acquérir les outils nécessaires pour démarrer efficacement. Le mandat actuel est axé sur la réalisation concrète des projets. L’expérience à travers les 12 régions du Maroc démontre que lorsqu’on fait confiance aux régions, les projets avancent plus rapidement. La régionalisation repose sur deux processus parallèles : la décentralisation et la déconcentration. Lorsque ces deux aspects sont menés de front, l’efficacité s’en trouve accrue. La collaboration entre le gouvernement central et les régions, comme dans le cas de la gestion de l’eau, a permis d’accélérer considérablement la mise en œuvre des projets. Cette approche démontre que la délégation de compétences aux régions, même lorsque les textes de loi ne sont pas toujours explicites, permet une plus grande rapidité d’action. Le processus de régionalisation peut être considéré comme un succès. Les régions ont réussi à piloter de nombreux projets, à trouver les financements nécessaires, et à développer un savoir-faire local. Cette proximité dans la gestion des affaires publiques s’est avérée bénéfique, notamment dans des domaines comme la construction de routes. Cependant, des défis persistent. La déconcentration doit encore progresser, bien que le gouvernement ait récemment pris des mesures en ce sens. De plus, l’ampleur des projets régionaux nécessite une augmentation des budgets. Le modèle de financement des régions, basé sur un pourcentage de l’IS, de l’IR, des assurances et des taxes locales, pourrait être amélioré, notamment en développant davantage les taxes locales. Les régions commencent à intervenir dans des secteurs qui ne relèvent pas directement de leurs compétences, comme la santé, ce qui témoigne de leur capacité croissante à répondre aux besoins locaux. Pour assurer le succès continu de la régionalisation avancée, il est crucial de faire confiance à l’élite locale tout en renforçant les compétences des élus locaux et régionaux par la formation et l’accompagnement. En somme, la régionalisation avancée apparaît comme un accélérateur de développement, offrant une gestion plus proche des réalités du terrain et plus réactive aux besoins locaux.
Pouvez-vous nous décrire le processus de contractualisation entre l’État et votre région dans le cadre de la régionalisation avancée ? Comment se déroule-t-il concrètement ?
Dans le cadre de la régionalisation avancée, nous avons établi un contrat État-région d’une valeur de 5,5 milliards de dirhams, englobant 37 projets. Ce contrat présente à la fois des avantages et des limites. L’avantage principal de ce contrat État-région réside dans sa capacité à sécuriser non seulement le financement, mais aussi la vision globale de développement pour notre région. Cela nous offre un cadre clair pour la mise en œuvre de nos projets. Cependant, nous faisons face à certaines limites, notamment en termes de délais de réalisation. Certains projets avancent plus rapidement que d’autres, en fonction de leur nature et de divers facteurs externes.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Bien sûr. Prenons l’exemple de l’enseignement supérieur, un secteur où les projets peinent à se concrétiser pour des raisons qui ne dépendent pas directement de la région. Nous souhaiterions voir ces projets avancer plus rapidement. Un autre exemple est la station de dessalement de Tan-Tan, dont l’étude de faisabilité a été finalisée. Nous attendons maintenant que le ministère de l’Agriculture puisse lancer rapidement ce projet. De même, nous sommes en attente de la finalisation de l’étude de faisabilité pour la station de dessalement de Chatt Labyad (Plage blanche), menée par le ministère de l’Équipement et de l’eau.
Certains projets, comme la mise à niveau des ports, avancent de manière satisfaisante en collaboration avec d’autres partenaires. Nous travaillons également sur des projets de routes classées et sur la zone d’activité économique d’El Ouatia, qui progressent bien. En termes de progression globale, le taux d’avancement de ce contrat varie considérablement selon les projets : certains sont entre 35 et 40% de réalisation, tandis que d’autres n’en sont qu’à 0 à 5%. Nous anticipons une accélération significative une fois que certains projets clés seront lancés, comme l’appel d’offres pour la station de dessalement de Tan-Tan ou lorsque le ministère de l’Enseignement supérieur aura pris ses décisions.
Parmi les projets actuellement à l’étude par le Conseil de la région, quels sont les plus importants et les plus ambitieux ?
Le projet phare récemment étudié par le Conseil de la région lors de sa dernière session est ce que nous appelons le «Plan d’urgence des quatre provinces». Ce plan se focalise sur le périmètre urbain et englobe 45 communes urbaines et rurales, répondant à la tendance croissante de migration des populations rurales vers les zones urbaines. Doté d’une enveloppe de 1,2 milliard de dirhams, ce plan d’urgence vise la réhabilitation globale des quatre provinces. Il comprend la rénovation des grandes artères et des quartiers sous-équipés, la construction de gares routières modernes connectées à la voie expresse, ainsi que la réalisation d’ouvrages d’art et d’infrastructures sportives comme des piscines municipales. Nous avons ciblé les besoins essentiels des habitants, notamment ceux de la province de Tan-Tan qui attendent ce type d’intervention depuis plus de huit ans.
Le financement de ce plan a été finalisé et adopté, et nous accélérons actuellement la signature des conventions de partenariat nécessaires à sa mise en œuvre. En parallèle, nous menons d’importants projets liés à l’eau, une problématique majeure pour notre région. Cela inclut la construction de barrages, supervisée directement par la région via l’AREP (Agence régionale de l’exécution des projets), ainsi que l’amélioration de l’accès à l’eau potable, particulièrement dans les zones rurales. Nous bénéficions d’un précieux accompagnement technique de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui nous a intégrés dans son programme «Green Cities». Cette collaboration, formalisée lors de la COP28, fait de nous la première région marocaine à participer à ce programme international.
Les projets liés à l’eau et aux routes sont cruciaux, répondant aux attentes de la grande majorité de notre population. Nous avons également signé des conventions pour accélérer les chantiers dans les domaines de l’éducation et de la santé. Pour stimuler l’attractivité économique de notre région, nous développons des zones d’activité et mettons l’accent sur la formation des compétences locales, notamment grâce à un partenariat récent avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Notre approche consiste à mener de front plusieurs chantiers essentiels pour jeter les bases solides du développement de notre région, couvrant un large éventail de domaines allant des infrastructures urbaines à l’éducation, en passant par la gestion de l’eau et le développement économique.
Vos nombreux projets nécessitent un financement conséquent. Les régions sont appelées à diversifier leurs sources de financement à travers des solutions innovantes. Quelle est l’expérience de votre région dans ce domaine ?
En matière de financement, les régions bénéficient d’une garantie de l’État, comme l’ont confirmé l’ancien et l’actuel ministre des Finances. Nous disposons d’un budget de 10 milliards de dirhams, une enveloppe que le gouvernement marocain a maintenue malgré les difficultés récentes telles que le tremblement de terre, la pandémie de Covid-19 et la sécheresse. Nous en sommes profondément reconnaissants. Cependant, ce budget n’est pas suffisant pour réaliser tous nos projets au rythme souhaité. C’est pourquoi nous devons innover en matière de financement. Le gouvernement marocain offre aujourd’hui plusieurs instruments et outils de financement. Grâce à la collaboration avec les ministères de l’Intérieur et des Finances, nous avons obtenu l’accord pour l’ensemble de nos projets sur le plan financier. L’État a été d’un grand soutien pour notre région. Après avoir évalué la santé financière de notre région, qui s’avère très bonne, nous estimons pouvoir financer jusqu’à 60% de nos besoins par nos propres moyens. Il nous reste donc à trouver entre 30 et 40% de financements complémentaires. Actuellement, nous collaborons avec trois bailleurs de fonds principaux. Le Fonds d’équipement communal (FEC) nous accompagne sur les projets routiers. Bien que les montants actuels ne soient pas très élevés, environ 100 millions de dirhams, nous envisageons d’augmenter cette collaboration, le FEC étant disposé à accroître son engagement. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) nous soutient dans le domaine de l’eau, apportant son expertise et un financement de 131 millions de dirhams pour la localité de Bouizakarne, un montant qui pourrait augmenter selon les besoins.
Enfin, la Société financière internationale (SFI) nous accompagne sur des projets d’infrastructure et de mise à niveau urbaine et portuaire. Leur enthousiasme à travailler avec notre région est tel qu’ils ont élargi leur ligne de crédit initiale de 40 millions de dollars à l’ensemble des projets de notre Plan de développement régional ayant un caractère urbain. Cette marque de confiance est très encourageante pour nous. Ces partenariats diversifiés nous permettent d’innover dans nos approches de financement et de répondre aux besoins croissants de notre région en matière de développement.
Le Conseil innove-t-il donc en matière de recherche de financement ?
Effectivement, nous explorons activement des solutions de financement innovantes, en nous inspirant d’autres collectivités territoriales. Par exemple, nous étudions de près l’expérience de la commune d’Agadir, qui a réalisé un emprunt obligataire très intéressant, démontrant une gestion financière ingénieuse. Nous envisageons la possibilité d’adopter une approche similaire à l’avenir. Nous explorons également l’option des partenariats public-privé, qui est actuellement à l’étude. Ces pistes nous permettent d’envisager des moyens novateurs pour financer nos projets de développement.
Dans le cadre de la nouvelle Charte de l’investissement, quelles actions sont prévues pour stimuler l’investissement dans votre région ?
La nouvelle Charte de l’investissement représente une opportunité exceptionnelle pour notre région. En effet, nos quatre provinces répondent à l’ensemble des critères établis par cette Charte. Cela signifie que les investisseurs choisissant de s’implanter à Guelmim-Oued Noun pourraient bénéficier de primes allant jusqu’à 30%, ce qui correspond au maximum prévu par la Charte. Nous estimons que ces mesures incitatives sont extrêmement attractives et devraient considérablement stimuler l’investissement dans notre région. Ces avantages financiers substantiels positionnent Guelmim-Oued Noun comme une destination privilégiée pour les investisseurs, ce qui devrait contribuer significativement à notre développement économique. Notre stratégie consiste à capitaliser sur ces incitations pour attirer une diversité d’investisseurs et de projets, en mettant en avant les atouts spécifiques de notre région ainsi que les avantages financiers offerts par la nouvelle Charte de l’investissement.
Les incitations sont en place, mais observez-vous un réel intérêt des investisseurs ? Y a-t-il un engouement pour votre région actuellement ?
Nous constatons effectivement un engouement certain, particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables. Cependant, notre ambition est d’élargir cet intérêt à d’autres secteurs économiques. Concernant les énergies renouvelables, notre vision dépasse le cadre classique. Nous aspirons à développer un écosystème intégré qui englobe l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’amont à l’aval. Cela inclut des aspects d’industrialisation tels que la production de batteries ou l’électrolyse. Notre approche se veut donc très concrète et orientée vers la création d’une véritable filière industrielle. Parallèlement, nous nous efforçons de mettre en lumière d’autres opportunités d’investissement dans la région. Le tourisme est l’un de nos axes prioritaires. La pêche, déjà un moteur économique important, offre de nouvelles perspectives, notamment dans la transformation des ressources halieutiques.
L’agriculture suscite également un intérêt croissant. Nous mettons l’accent sur des pratiques agricoles durables, respectueuses de l’environnement et adaptées au stress hydrique que connaît notre région. Cette approche innovante devrait, nous l’espérons, attirer de nouveaux investissements. Il est encourageant de constater que plusieurs projets d’investissement sont déjà en cours d’évaluation. Ces demandes sont traitées par le Centre régional d’investissement (CRI) et la Commission nationale d’investissement. Nous espérons que le gouvernement pourra bientôt annoncer officiellement ces projets. Notre stratégie consiste donc à diversifier l’attrait de notre région au-delà des énergies renouvelables, en mettant en avant nos atouts dans des secteurs variés comme le tourisme, l’agriculture durable et la transformation des produits de la pêche. Nous sommes confiants que cette approche globale, combinée aux incitations existantes, continuera à stimuler l’intérêt des investisseurs pour Guelmim-Oued Noun.
En tant que région, vous avez évoqué de nombreux projets liés aux énergies renouvelables, avec un potentiel de création d’emplois estimé à 55.000 d’ici 2035. Comment envisagez-vous l’avenir de la région dans ce domaine ?
Notre région occupe une position géographique stratégique, équidistante de Tanger et Lagouira. Cette situation centrale nous confère un potentiel exceptionnel en matière d’énergies renouvelables, l’un des plus prometteurs du Royaume. Nous disposons d’un capital humain adaptable et qualifiable pour ce secteur d’avenir. L’infrastructure portuaire existante à Tan-Tan pourrait être complétée par un nouveau port spécialisé dans les énergies renouvelables, s’inscrivant dans la lignée des ports de nouvelle génération initiés par Sa Majesté, tels que Tanger Med, Nador West Med, ou Dakhla Atlantique. Un tel port, qu’il s’agisse de Tan-Tan Atlantique ou d’un autre projet, dédié aux énergies renouvelables, serait un véritable catalyseur pour le secteur. En parallèle, la création de zones d’activité économique permettrait d’attirer des industries liées à la production d’énergie renouvelable et au dessalement pour l’hydrogène vert. Notre stratégie vise à encourager l’implantation locale de ces industries, tout en recherchant activement des investisseurs prêts à utiliser cette énergie sur place, que ce soit par le biais d’industries se rapprochant des sources d’énergie ou par l’exportation via des projets comme Xlinks. Le Maroc bénéficie déjà d’une expérience dans l’interconnexion énergétique avec l’Espagne, et nous espérons bientôt étendre cette expertise vers l’Afrique avec le projet Maroc-Nigeria. En conjuguant tous ces éléments et en guidant les investisseurs vers une économie intégrée, nous pouvons créer un écosystème dynamique. Le renforcement des infrastructures, notamment par le biais de partenariats public-privé (PPP), est crucial. La priorité actuelle serait la construction d’un nouveau port dédié aux énergies renouvelables, qui pourrait être réalisé en PPP.
Quelle zone serait la plus appropriée pour ce projet de nouveau port ?
La localisation la plus stratégique pour ce projet serait sans doute Tan-Tan. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la feuille de route officielle évoque déjà un projet portuaire dans cette zone. L’établissement d’un port spécialisé dans cette région entraînerait naturellement la création d’importantes plateformes industrielles à proximité. Comme vous le savez, la présence de telles infrastructures industrielles est un élément clé pour développer une économie intégrée, tant en amont qu’en aval. C’est dans cette optique que nous avons lancé l’initiative «Guelmim-Oued Noun/Hydrogène Vert», également connue sous le nom de «GON H2 Valley». Ce projet vise à mettre en place des unités pilotes à échelle réduite, offrant ainsi un aperçu concret de ce que pourrait devenir notre région dans un avenir proche, si Dieu le veut.