Le Matin : Plus de 30 mois après votre prise de fonction, avez-vous le sentiment (ou la conviction) d’avoir contribué à faire avancer le partenariat Maroc-UE ?
En quittant le Royaume à l’issue de votre mission, quelles images et quels souvenirs en garderez-vous ? qu’est-ce qui vous a le plus marqué en tant qu’ambassadrice ayant rencontré des officiels, des jeunes, des cadres, mais aussi des gens ordinaires du Maroc dans les zones reculées ?
Il y aurait tant à évoquer, mais ce que je retiens avant tout, ce sont les rencontres humaines. Officiels, étudiants, entrepreneurs, femmes en zones rurales, jeunes créateurs... tous m’ont convaincue que notre partenariat avec le Maroc était profondément ancré dans le réel. Il vit à travers des visages, des histoires et des ambitions partagées. J’avais pour principal fil conducteur, durant toutes ces années au Maroc, l’idée de faire progresser notre partenariat avec toujours plus d’ambition et de résultats concrets. J’ai aussi la conviction que le développement humain – que ce soit la formation, la valorisation des compétences et de l’inclusion, ou encore la mobilité – constitue le cœur battant de notre coopération, indissociable du développement économique, pour le Maroc comme pour l’Union européenne. C’est dans cet esprit que nous avons soutenu de nombreux partenariats dans la formation professionnelle, l’entrepreneuriat ou encore l’enseignement supérieur. Ce dont je suis la plus fière, c’est d’avoir contribué à faire de notre partenariat une relation plus proche du terrain, plus tournée vers l’avenir et plus utile à nos sociétés. Aujourd’hui, il repose sur des fondations solides grâce aussi à l’action déterminé des États membres de l’UE. Et j’ai confiance en sa capacité à continuer de grandir, au service de nos intérêts communs.
En 2021, l’UE propose un Partenariat renouvelé avec le Voisinage Sud – Un nouvel agenda pour la Méditerranée. Qu’est-ce que ce partenariat implique pour la coopération avec le Maroc ?
Le nouvel agenda pour la Méditerranée, lancé en 2021, a posé des bases importantes pour réorienter notre partenariat avec le Voisinage Sud. Il met l’accent sur les personnes, notamment les jeunes et les femmes, ainsi que sur des priorités essentielles comme l’inclusion, la croissance durable et la bonne gouvernance. Avec le Maroc, cela s’est traduit par un appui renforcé à une économie résiliente, à la cohésion sociale et à la convergence des valeurs.
Mais nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle phase, plus ambitieuse dans l’espace de convergence que nous avons en commun. Le Pacte pour la Méditerranée vient actualiser cette vision. Il sera bientôt présenté, en concertation avec nos partenaires méditerranéens. Il s’agit d’aller plus loin et de construire un véritable espace de convergence euro-méditerranéen, à travers des initiatives concrètes dans les domaines de l’énergie propre, de la résilience climatique, de la migration, de la mobilité, ou encore de l’éducation et de l’emploi. La récente visite, à Bruxelles, du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a d’ailleurs rappelé cette ambition commune de co-construction, et de faire émerger une Méditerranée du partenariat, du progrès partagé et de la stabilité durable. Les bouleversements actuels rendent ce choix plus nécessaire que jamais.
Le Maroc est l’un des principaux bénéficiaires de l'Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (20021-2027). À la date d’aujourd’hui, à combien s’élèvent les montants débloqués pour le Maroc et quels sont les secteurs concernés ?
Le Maroc est le premier bénéficiaire de la coopération de l’UE dans la région Afrique du Nord-Moyen-Orient, si l’on excepte la Palestine. Depuis 2021, plus d’un milliard d’euros ont été engagés sous forme de subventions, dont près de 810 millions en appuis budgétaires directs, versés au Trésor marocain. Cette modalité témoigne de la confiance que nous plaçons dans les politiques publiques du Royaume. Ces financements accompagnent les grandes réformes en cours : généralisation de la protection sociale, transition énergétique, adaptation au changement climatique, justice, migration, agroécologie, ou encore réforme de l’enseignement supérieur. À cela s’ajoute un soutien exceptionnel de 225 millions d’euros, complémentaire au prêt de jusqu’à 1 milliard d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour la reconstruction des régions touchées par le terrible séisme d’Al Haouz, en septembre 2023. Et si l’on prend en compte les prêts des banques européennes de développement – BEI, AFD, KfW, BERD – adossés à des garanties européennes, ce sont plus de 5,5 milliards d’euros qui ont été mobilisés depuis 2021. Et ce n’est pas fini. De nouveaux programmes sont en préparation pour soutenir le climat des affaires, la gestion des déchets, l’insertion professionnelle, notamment à travers le développement des compétences des jeunes, et d’autres secteurs cruciaux. C’est une coopération ancrée dans les priorités communes et tournée vers l’avenir.
Parmi les projets de coopération emblématiques entre Rabat et Bruxelles : le Partenariat vert lancé en 2022. Qu’est-ce qui a été fait jusqu’à présent ? Et qu’est-ce qui reste à faire ?
Vous avez raison de soulever ce point. Notre Partenariat vert signé en 2022 est le premier du genre dans le monde, entre l’Union européenne et un pays partenaire. Il a permis d’identifier nos priorités de coopération en soutien à l’ambition du Maroc, qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis bientôt trois ans, ce cadre a permis d’intensifier notre coopération dans des domaines essentiels : la transition énergétique, la décarbonation de l’économie, la gestion durable de l’eau, l’adaptation climatique ou encore le développement d’une économie verte et bleue. Mais permettez-moi d’insister sur le fait que des projets concrets sont déjà à l’œuvre. Ainsi, dans 32 villes marocaines, l’optimisation des réseaux a permis d’économiser plus de 130 millions de m³ d’eau. C’est un gain précieux dans un contexte de stress hydrique. D’autres projets soutiennent l’agriculture durable, l’entrepreneuriat rural, ou la montée en compétences des jeunes et des femmes dans les filières vertes.
Le Maroc aspire à devenir un modèle pour d’autres pays, notamment à l’égard du continent africain. Ce partenariat peut l’accompagner dans cette ambition. Alors que certains à travers le monde hésitent encore sur la voie à suivre, le Maroc et l’Union européenne montrent l’exemple, en mettant l’action climatique parmi les priorités de leur coopération. Ici, l’action climatique n’est pas un discours : c’est une priorité, traduite en actes. Et c’est par des partenariats solides qu’elle deviendra une réalité durable, au service des populations.
La coopération en matière de sécurité et de migration est citée souvent en exemple. Comment a-t-elle évolué au fil des années et comment s’adapte-t-elle pour faire face aux défis émergents ?
La sécurité de l’UE dépend aussi de la situation sécuritaire dans son voisinage. C’est pourquoi le Maroc est un partenaire important et efficace, dans la lutte contre le crime organisé et l’extrémisme violent. Cela vaut bien sûr aussi pour la gestion des frontières, dans un contexte de pression de la migration irrégulière, alimentée par des réseaux de trafics et de traite de plus en plus sophistiqués. Notre coopération couvre tous les volets de la gouvernance migratoire, dans un esprit de responsabilité partagée. Et nous discutons aujourd’hui de nouvelles pistes pour renforcer davantage ce partenariat stratégique. Mais, et j’insiste là-dessus, la migration ne peut être perçue comme un défi sécuritaire. C’est bien plus complexe que cela, et cela ne correspond pas aux valeurs que nous partageons, l’Union européenne et le Maroc. La mobilité fait partie de la richesse de nos échanges humains et culturels, ainsi que de notre histoire commune. C’est pourquoi, tout en intensifiant ensemble la lutte contre les flux irréguliers, nous développons davantage de voies de migration légale, notamment à travers ce que l’on appelle le «Partenariat de talents» entre l’UE et le Maroc. Vous savez, dans certains secteurs sous tension, l’Europe a exprimé un besoin de main-d’œuvre tandis qu’un certain nombre de Marocains, souhaitent vivre une expérience professionnelle en Europe. Avec nos partenaires marocains, nous avons construit ensemble des filières encadrées, en veillant à éviter toute fuite des compétences essentielles au développement du Maroc, voire à encourager une mobilité circulaire. C’est une approche gagnant-gagnant.
Concernant la question du Sahara, Bruxelles adopte une position prudente et neutre. Pourtant, l’Accord agricole entériné par le Parlement européen souligne que les produits agricoles et de pêche, issus des provinces du sud du Royaume, bénéficient des mêmes préférences tarifaires que ceux couverts par l’Accord d’association. Il en est de même pour l’Accord de pêche. Pourquoi selon vous l’UE hésite encore à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara ? une évolution de la position de Bruxelles est-elle envisageable, selon vous, vu les nouvelles positions de la France, de l’Espagne, du Royaume-Uni et de l’Allemagne... ?
Je comprends la très haute importance de ce sujet pour le Maroc. Comme l’a réaffirmé le Conseil européen, au lendemain des arrêts de la Cour de justice de l’UE, l’Union européenne attache une grande importance à son partenariat avec le Maroc, un partenariat ancien, profond et multidimensionnel. L’accord sur les produits agricoles continue de s’appliquer, jusqu’en octobre 2025. Je suis confiante que nous trouverons, ensemble, la meilleure voie à suivre pour garantir la continuité des échanges au-delà de cette échéance et faire franchir une nouvelle étape à notre partenariat.
Je vois dans les échanges récents au plus haut niveau, notamment à l’occasion de la récente visite du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Bruxelles le 14 juillet, un signe que cette dynamique est bien enclenchée, dans un climat de confiance réaffirmée. Je peux vous dire qu’une chose demeure certaine : l’Union européenne est, et restera, un partenaire fiable, sensible aux questions importantes pour le Maroc. Nous restons engagés à investir dans une relation mutuellement bénéfique, fondée sur la confiance et le respect.
Dans sa politique extérieure, le Maroc mise sur la diversification des partenariats. Comment l’UE voit-t-elle l’évolution croissante des relations économiques entre le Maroc et le Chine que Bruxelles considère comme une menace pour ses intérêts économiques (l'industrie automobile, par exemple) ?
Patricia Llombart Cussac : Tout d’abord, je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer dans vos colonnes. Je suis heureuse et fière d’avoir pu contribuer à faire vivre le partenariat entre l’Union européenne et le Maroc, dans un esprit d’innovation et d’ambition. J’ai eu à cœur de renforcer les liens de confiance, tout en élargissant notre coopération à de nouveaux domaines porteurs, en phase avec les défis mondiaux actuels. C’est notamment le cas de la transition verte, avec le Partenariat vert en faveur d’une économie plus durable et résiliente. Nous sommes également engagés, aux côtés du Maroc, dans sa mise en œuvre de la généralisation de la protection sociale, un projet ambitieux pour réduire les inégalités. Parallèlement, nous soutenons le développement des industries culturelles et créatives, où la jeunesse marocaine est très impliquée et dispose d’un grand potentiel. Nous avons lancé plusieurs projets innovants qui allient emploi, inclusion et rayonnement culturel. Enfin, j’ai aussi veillé à ce que notre coopération soit plus visible, plus concrète et plus proche des besoins exprimés sur le terrain. Ce travail de proximité, avec les partenaires institutionnels bien sûr, mais aussi avec la société civile, reste à mes yeux essentiel pour faire vivre un partenariat déjà solide, fondé sur des intérêts communs et tourné vers l’avenir.
En quittant le Royaume à l’issue de votre mission, quelles images et quels souvenirs en garderez-vous ? qu’est-ce qui vous a le plus marqué en tant qu’ambassadrice ayant rencontré des officiels, des jeunes, des cadres, mais aussi des gens ordinaires du Maroc dans les zones reculées ?
Il y aurait tant à évoquer, mais ce que je retiens avant tout, ce sont les rencontres humaines. Officiels, étudiants, entrepreneurs, femmes en zones rurales, jeunes créateurs... tous m’ont convaincue que notre partenariat avec le Maroc était profondément ancré dans le réel. Il vit à travers des visages, des histoires et des ambitions partagées. J’avais pour principal fil conducteur, durant toutes ces années au Maroc, l’idée de faire progresser notre partenariat avec toujours plus d’ambition et de résultats concrets. J’ai aussi la conviction que le développement humain – que ce soit la formation, la valorisation des compétences et de l’inclusion, ou encore la mobilité – constitue le cœur battant de notre coopération, indissociable du développement économique, pour le Maroc comme pour l’Union européenne. C’est dans cet esprit que nous avons soutenu de nombreux partenariats dans la formation professionnelle, l’entrepreneuriat ou encore l’enseignement supérieur. Ce dont je suis la plus fière, c’est d’avoir contribué à faire de notre partenariat une relation plus proche du terrain, plus tournée vers l’avenir et plus utile à nos sociétés. Aujourd’hui, il repose sur des fondations solides grâce aussi à l’action déterminé des États membres de l’UE. Et j’ai confiance en sa capacité à continuer de grandir, au service de nos intérêts communs.
Multidimensionnel et solide, c’est ainsi qu’on qualifie souvent – des deux côtés – le Partenariat entre le Maroc et l’UE. Qu’est-ce qui fait selon vous justement la singularité de ce partenariat ?
Ce qui rend notre partenariat si singulier, c’est sa profondeur, sa constance et notre volonté commune d’en faire un modèle. Nous avons bâti, brique après brique, un édifice solide, humain et résolument tourné vers l’avenir. C’est pour cela que nous parlons, avec le Maroc, de partenariat de «Prospérité partagée». Il s’incarne chaque jour à travers des actions concrètes, portées par les institutions, les entreprises et les sociétés civiles des deux rives. Même dans les moments plus difficiles, le dialogue n’a jamais été rompu. Cette capacité à se comprendre, à chercher ensemble des solutions, fait partie de nos forces.
Dans un monde instable, je suis convaincue que notre relation peut faire figure de repère. Le Maroc, sous la conduite de Sa Majesté, est pour nous un partenaire fiable et de confiance avec lequel nous pouvons nous projeter dans un dialogue bénéfique. Au-delà de nos valeurs communes, nous partageons une même vision des grands défis de notre époque : transitions énergétiques, résilience climatique, compétitivité économique ou encore enjeux géopolitiques. Le Royaume est aussi un partenaire naturel entre l’Europe et l’Afrique. Sa connaissance fine des dynamiques régionales, son engagement de long terme sur le continent et sa capacité d’initiative en font un partenaire précieux pour penser ensemble, avec les pays africains, des réponses communes aux défis du continent. C’est une perspective que l’Union européenne souhaite approfondir.
Ce qui rend notre partenariat si singulier, c’est sa profondeur, sa constance et notre volonté commune d’en faire un modèle. Nous avons bâti, brique après brique, un édifice solide, humain et résolument tourné vers l’avenir. C’est pour cela que nous parlons, avec le Maroc, de partenariat de «Prospérité partagée». Il s’incarne chaque jour à travers des actions concrètes, portées par les institutions, les entreprises et les sociétés civiles des deux rives. Même dans les moments plus difficiles, le dialogue n’a jamais été rompu. Cette capacité à se comprendre, à chercher ensemble des solutions, fait partie de nos forces.
Dans un monde instable, je suis convaincue que notre relation peut faire figure de repère. Le Maroc, sous la conduite de Sa Majesté, est pour nous un partenaire fiable et de confiance avec lequel nous pouvons nous projeter dans un dialogue bénéfique. Au-delà de nos valeurs communes, nous partageons une même vision des grands défis de notre époque : transitions énergétiques, résilience climatique, compétitivité économique ou encore enjeux géopolitiques. Le Royaume est aussi un partenaire naturel entre l’Europe et l’Afrique. Sa connaissance fine des dynamiques régionales, son engagement de long terme sur le continent et sa capacité d’initiative en font un partenaire précieux pour penser ensemble, avec les pays africains, des réponses communes aux défis du continent. C’est une perspective que l’Union européenne souhaite approfondir.
En 2021, l’UE propose un Partenariat renouvelé avec le Voisinage Sud – Un nouvel agenda pour la Méditerranée. Qu’est-ce que ce partenariat implique pour la coopération avec le Maroc ?
Le nouvel agenda pour la Méditerranée, lancé en 2021, a posé des bases importantes pour réorienter notre partenariat avec le Voisinage Sud. Il met l’accent sur les personnes, notamment les jeunes et les femmes, ainsi que sur des priorités essentielles comme l’inclusion, la croissance durable et la bonne gouvernance. Avec le Maroc, cela s’est traduit par un appui renforcé à une économie résiliente, à la cohésion sociale et à la convergence des valeurs.
Mais nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle phase, plus ambitieuse dans l’espace de convergence que nous avons en commun. Le Pacte pour la Méditerranée vient actualiser cette vision. Il sera bientôt présenté, en concertation avec nos partenaires méditerranéens. Il s’agit d’aller plus loin et de construire un véritable espace de convergence euro-méditerranéen, à travers des initiatives concrètes dans les domaines de l’énergie propre, de la résilience climatique, de la migration, de la mobilité, ou encore de l’éducation et de l’emploi. La récente visite, à Bruxelles, du ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a d’ailleurs rappelé cette ambition commune de co-construction, et de faire émerger une Méditerranée du partenariat, du progrès partagé et de la stabilité durable. Les bouleversements actuels rendent ce choix plus nécessaire que jamais.
Le Maroc est l’un des principaux bénéficiaires de l'Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (20021-2027). À la date d’aujourd’hui, à combien s’élèvent les montants débloqués pour le Maroc et quels sont les secteurs concernés ?
Le Maroc est le premier bénéficiaire de la coopération de l’UE dans la région Afrique du Nord-Moyen-Orient, si l’on excepte la Palestine. Depuis 2021, plus d’un milliard d’euros ont été engagés sous forme de subventions, dont près de 810 millions en appuis budgétaires directs, versés au Trésor marocain. Cette modalité témoigne de la confiance que nous plaçons dans les politiques publiques du Royaume. Ces financements accompagnent les grandes réformes en cours : généralisation de la protection sociale, transition énergétique, adaptation au changement climatique, justice, migration, agroécologie, ou encore réforme de l’enseignement supérieur. À cela s’ajoute un soutien exceptionnel de 225 millions d’euros, complémentaire au prêt de jusqu’à 1 milliard d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour la reconstruction des régions touchées par le terrible séisme d’Al Haouz, en septembre 2023. Et si l’on prend en compte les prêts des banques européennes de développement – BEI, AFD, KfW, BERD – adossés à des garanties européennes, ce sont plus de 5,5 milliards d’euros qui ont été mobilisés depuis 2021. Et ce n’est pas fini. De nouveaux programmes sont en préparation pour soutenir le climat des affaires, la gestion des déchets, l’insertion professionnelle, notamment à travers le développement des compétences des jeunes, et d’autres secteurs cruciaux. C’est une coopération ancrée dans les priorités communes et tournée vers l’avenir.
Parmi les projets de coopération emblématiques entre Rabat et Bruxelles : le Partenariat vert lancé en 2022. Qu’est-ce qui a été fait jusqu’à présent ? Et qu’est-ce qui reste à faire ?
Vous avez raison de soulever ce point. Notre Partenariat vert signé en 2022 est le premier du genre dans le monde, entre l’Union européenne et un pays partenaire. Il a permis d’identifier nos priorités de coopération en soutien à l’ambition du Maroc, qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis bientôt trois ans, ce cadre a permis d’intensifier notre coopération dans des domaines essentiels : la transition énergétique, la décarbonation de l’économie, la gestion durable de l’eau, l’adaptation climatique ou encore le développement d’une économie verte et bleue. Mais permettez-moi d’insister sur le fait que des projets concrets sont déjà à l’œuvre. Ainsi, dans 32 villes marocaines, l’optimisation des réseaux a permis d’économiser plus de 130 millions de m³ d’eau. C’est un gain précieux dans un contexte de stress hydrique. D’autres projets soutiennent l’agriculture durable, l’entrepreneuriat rural, ou la montée en compétences des jeunes et des femmes dans les filières vertes.
Le Maroc aspire à devenir un modèle pour d’autres pays, notamment à l’égard du continent africain. Ce partenariat peut l’accompagner dans cette ambition. Alors que certains à travers le monde hésitent encore sur la voie à suivre, le Maroc et l’Union européenne montrent l’exemple, en mettant l’action climatique parmi les priorités de leur coopération. Ici, l’action climatique n’est pas un discours : c’est une priorité, traduite en actes. Et c’est par des partenariats solides qu’elle deviendra une réalité durable, au service des populations.
La coopération en matière de sécurité et de migration est citée souvent en exemple. Comment a-t-elle évolué au fil des années et comment s’adapte-t-elle pour faire face aux défis émergents ?
La sécurité de l’UE dépend aussi de la situation sécuritaire dans son voisinage. C’est pourquoi le Maroc est un partenaire important et efficace, dans la lutte contre le crime organisé et l’extrémisme violent. Cela vaut bien sûr aussi pour la gestion des frontières, dans un contexte de pression de la migration irrégulière, alimentée par des réseaux de trafics et de traite de plus en plus sophistiqués. Notre coopération couvre tous les volets de la gouvernance migratoire, dans un esprit de responsabilité partagée. Et nous discutons aujourd’hui de nouvelles pistes pour renforcer davantage ce partenariat stratégique. Mais, et j’insiste là-dessus, la migration ne peut être perçue comme un défi sécuritaire. C’est bien plus complexe que cela, et cela ne correspond pas aux valeurs que nous partageons, l’Union européenne et le Maroc. La mobilité fait partie de la richesse de nos échanges humains et culturels, ainsi que de notre histoire commune. C’est pourquoi, tout en intensifiant ensemble la lutte contre les flux irréguliers, nous développons davantage de voies de migration légale, notamment à travers ce que l’on appelle le «Partenariat de talents» entre l’UE et le Maroc. Vous savez, dans certains secteurs sous tension, l’Europe a exprimé un besoin de main-d’œuvre tandis qu’un certain nombre de Marocains, souhaitent vivre une expérience professionnelle en Europe. Avec nos partenaires marocains, nous avons construit ensemble des filières encadrées, en veillant à éviter toute fuite des compétences essentielles au développement du Maroc, voire à encourager une mobilité circulaire. C’est une approche gagnant-gagnant.
Concernant la question du Sahara, Bruxelles adopte une position prudente et neutre. Pourtant, l’Accord agricole entériné par le Parlement européen souligne que les produits agricoles et de pêche, issus des provinces du sud du Royaume, bénéficient des mêmes préférences tarifaires que ceux couverts par l’Accord d’association. Il en est de même pour l’Accord de pêche. Pourquoi selon vous l’UE hésite encore à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara ? une évolution de la position de Bruxelles est-elle envisageable, selon vous, vu les nouvelles positions de la France, de l’Espagne, du Royaume-Uni et de l’Allemagne... ?
Je comprends la très haute importance de ce sujet pour le Maroc. Comme l’a réaffirmé le Conseil européen, au lendemain des arrêts de la Cour de justice de l’UE, l’Union européenne attache une grande importance à son partenariat avec le Maroc, un partenariat ancien, profond et multidimensionnel. L’accord sur les produits agricoles continue de s’appliquer, jusqu’en octobre 2025. Je suis confiante que nous trouverons, ensemble, la meilleure voie à suivre pour garantir la continuité des échanges au-delà de cette échéance et faire franchir une nouvelle étape à notre partenariat.
Je vois dans les échanges récents au plus haut niveau, notamment à l’occasion de la récente visite du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Bruxelles le 14 juillet, un signe que cette dynamique est bien enclenchée, dans un climat de confiance réaffirmée. Je peux vous dire qu’une chose demeure certaine : l’Union européenne est, et restera, un partenaire fiable, sensible aux questions importantes pour le Maroc. Nous restons engagés à investir dans une relation mutuellement bénéfique, fondée sur la confiance et le respect.
Dans sa politique extérieure, le Maroc mise sur la diversification des partenariats. Comment l’UE voit-t-elle l’évolution croissante des relations économiques entre le Maroc et le Chine que Bruxelles considère comme une menace pour ses intérêts économiques (l'industrie automobile, par exemple) ?
J’imagine que vous faites allusion à la décision, publiée en mars dernier, de l’Union européenne d’imposer des droits compensateurs aux jantes en aluminium produite au Maroc. Cette décision ne vise pas, comme j’ai pu le lire, à entraver l’accès de produits marocains au marché européen ou limiter les investissements étrangers au Maroc. Elle a pour seul objectif de garantir une concurrence équitable, dans le respect des règles de l’OMC et de notre Accord d’association avec le Maroc. Elle s’appuie sur une enquête rigoureuse, conduite de manière transparente et consultative, y compris avec les autorités marocaines.
En réalité, je suis surtout optimiste quant à l’évolution de notre partenariat économique. L’UE demeure le premier investisseur au Maroc, et le Royaume est aussi notre premier partenaire commercial en Afrique. En 2024, notre commerce bilatéral a atteint un niveau historique de 654 milliards de dirhams – un record qui coïncide avec les 25 ans de l’Accord d’association. Le commerce a été multiplié par cinq depuis 2000, et il génère de la croissance, de l’emploi et de la stabilité des deux côtés de la Méditerranée. Ce dynamisme s’appuie aussi sur un cadre commercial privilégié : le Maroc bénéficie d’un accès préférentiel au marché unique européen, qui absorbe deux tiers de ses exportations, et renforce ainsi son attractivité auprès des investisseurs internationaux.
Au-delà des volumes, il devient aussi plus équilibré. En 2024, les exportations marocaines vers l’UE ont couvert près de 79% des importations venues d’Europe (contre 77% en 2023 et 72% en 2022). C’est un taux en progression et bien plus favorables à ceux observés dans les échanges marocains avec la Chine ou encore les États-Unis. C’est aussi cela qui fait la singularité du partenariat euro-marocain. Je pense que toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour porter notre partenariat à un nouveau palier. En capitalisant sur ce que nous avons déjà construit, nous pouvons faire émerger une coopération plus stratégique, à la hauteur des incertitudes géopolitiques et géoéconomiques de notre temps.
En réalité, je suis surtout optimiste quant à l’évolution de notre partenariat économique. L’UE demeure le premier investisseur au Maroc, et le Royaume est aussi notre premier partenaire commercial en Afrique. En 2024, notre commerce bilatéral a atteint un niveau historique de 654 milliards de dirhams – un record qui coïncide avec les 25 ans de l’Accord d’association. Le commerce a été multiplié par cinq depuis 2000, et il génère de la croissance, de l’emploi et de la stabilité des deux côtés de la Méditerranée. Ce dynamisme s’appuie aussi sur un cadre commercial privilégié : le Maroc bénéficie d’un accès préférentiel au marché unique européen, qui absorbe deux tiers de ses exportations, et renforce ainsi son attractivité auprès des investisseurs internationaux.
Au-delà des volumes, il devient aussi plus équilibré. En 2024, les exportations marocaines vers l’UE ont couvert près de 79% des importations venues d’Europe (contre 77% en 2023 et 72% en 2022). C’est un taux en progression et bien plus favorables à ceux observés dans les échanges marocains avec la Chine ou encore les États-Unis. C’est aussi cela qui fait la singularité du partenariat euro-marocain. Je pense que toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour porter notre partenariat à un nouveau palier. En capitalisant sur ce que nous avons déjà construit, nous pouvons faire émerger une coopération plus stratégique, à la hauteur des incertitudes géopolitiques et géoéconomiques de notre temps.
Le porte-parole de l'UE réaffirme que ni l’Union européenne, ni aucun de ses États membres ne reconnaissent la pseudo «rasd»
Le porte-parole de l’Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères a réaffirmé le 27 juin 2025 que «ni l’UE, ni aucun de ses États membres ne reconnaissent la “rasd”». Cette déclaration est intervenue alors que certains relais séparatistes sur-communiquaient au sujet de la réunion ministérielle Union européenne-Union africaine, qui se tenait ce jour-là à Rome. Rappelant que les ministérielles de l’UE-UA sont co-présidées et coorganisées par l'UE et l'UA, le porte-parole de l’UE pour les Affaires étrangères a indiqué que «les modalités agréées prévoient que chaque partie soit responsable de l'invitation de ses propres membres». Il a, de ce fait, attribué à l’Union africaine la présence de cette entité dans la réunion ministérielle UE-UA, niant par là que l’UE ait invité la pseudo “rasd” à ladite réunion. «Les invitations aux membres africains sont envoyées par l'Union africaine», a-t-il dit. Dans ce cadre, le porte-parole a insisté que «la position de l'UE est bien connue : Ni l'UE, ni aucun de ses États membres ne reconnaissent la rasd» et que la présence de cette entité «à la réunion ministérielle de l’Union européenne-Union africaine n'a aucune influence sur cette position».Un partenariat vieux de plus d’un demi-siècle
Le Maroc et l'Union européenne (UE) sont liés par un partenariat stratégique qui ne cesse de se renforcer depuis plus d’un demi-siècle. Les relations euro-marocaines ont commencé avec la signature de l’accord commercial avec la Communauté économique européenne (CEE), le 31 mars 1969. Celui-ci n'était qu'une première étape vers un accord de coopération plus vaste. Sept ans plus tard, en 1976, un accord de coopération est signé à Rabat avec l'objectif d'établir une coopération entre les deux parties et de favoriser le développement économique et social du Maroc. L'accord, entré en vigueur le 1er novembre 1978, couvrait différents domaines de la coopération : échanges commerciaux, coopération financière et économique, main-d'œuvre.
Près de 8 ans plus tard, le champ de la coopération entre le Maroc et l’UE s’est élargi aux dimensions politiques et sécuritaires pour aboutir à la signature d’un Accord d’association en 1996, entré en vigueur en 2000. Avec la signature de cet accord euro-méditerranéen d’association, les relations entre Rabat et Bruxelles ont pris des dimensions nouvelles et autrement plus stratégiques. L’Accord fourni en effet un cadre approprié au dialogue politique entre l’UE et ses partenaires du Bassin méditerranéen. Conçu par l’UE comme un mécanisme lui permettant de travailler au développement de cette région dans «un climat de paix, de sécurité et de stabilité, dans le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux», ce partenariat tournait autour de trois grands volets : «politique et sécurité», «économie et finances» et «développement social et humain». Mais la coopération bilatérale s’est davantage renforcée dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV) lancée par l’UE en 2003.
Depuis 2008, le Maroc bénéficie d’un statut avancé dans ses relations avec l’Union européenne. Quelques années plus tard, un nouveau palier est franchi. Prévue dans le cadre de l’Accord d’association, une zone de libre-échange (pour les produits industriels) entre le Maroc et l’UE est devenue effective le 1er mars 2012. Dans son Titre II «Libre circulation des marchandises», l’accord d’association instaure une zone de libre-échange qui devait prendre effet après une période de transition de 12 ans.
Avec l’entré en vigueur le 1er octobre 2012 de l’Accord Maroc-UE pour les produits agricoles et de la pêche, les deux parties conviennent de la libéralisation des produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, excepté pour des produits sensibles des deux parties qui restent soumis à des conditions spéciales.
Début 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en visite dans le Royaume, réaffirme la volonté de l’UE de continuer à approfondir le partenariat «stratégique, étroit et solide» avec le Maroc. Signe de l’excellente santé des relations bilatérales, le Royaume est doté de la plus grande enveloppe du Voisinage Sud, avec près de 908 millions d’euros programmés pour 2021-2024 et 1,6 milliard d’euros annoncés pour 2021-2027 (un rythme annuel de 227 millions d’euros). La même dynamique s’est poursuivie en 2023. Rabat et Bruxelles ont signé début mars dans la capitale marocaine 5 programmes de coopération d'un montant total de 5,5 milliards de dirhams (près de 500 millions d'euros) pour appuyer les grands chantiers de réforme du Royaume.
Près de 8 ans plus tard, le champ de la coopération entre le Maroc et l’UE s’est élargi aux dimensions politiques et sécuritaires pour aboutir à la signature d’un Accord d’association en 1996, entré en vigueur en 2000. Avec la signature de cet accord euro-méditerranéen d’association, les relations entre Rabat et Bruxelles ont pris des dimensions nouvelles et autrement plus stratégiques. L’Accord fourni en effet un cadre approprié au dialogue politique entre l’UE et ses partenaires du Bassin méditerranéen. Conçu par l’UE comme un mécanisme lui permettant de travailler au développement de cette région dans «un climat de paix, de sécurité et de stabilité, dans le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux», ce partenariat tournait autour de trois grands volets : «politique et sécurité», «économie et finances» et «développement social et humain». Mais la coopération bilatérale s’est davantage renforcée dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV) lancée par l’UE en 2003.
Depuis 2008, le Maroc bénéficie d’un statut avancé dans ses relations avec l’Union européenne. Quelques années plus tard, un nouveau palier est franchi. Prévue dans le cadre de l’Accord d’association, une zone de libre-échange (pour les produits industriels) entre le Maroc et l’UE est devenue effective le 1er mars 2012. Dans son Titre II «Libre circulation des marchandises», l’accord d’association instaure une zone de libre-échange qui devait prendre effet après une période de transition de 12 ans.
Avec l’entré en vigueur le 1er octobre 2012 de l’Accord Maroc-UE pour les produits agricoles et de la pêche, les deux parties conviennent de la libéralisation des produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, excepté pour des produits sensibles des deux parties qui restent soumis à des conditions spéciales.
Début 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en visite dans le Royaume, réaffirme la volonté de l’UE de continuer à approfondir le partenariat «stratégique, étroit et solide» avec le Maroc. Signe de l’excellente santé des relations bilatérales, le Royaume est doté de la plus grande enveloppe du Voisinage Sud, avec près de 908 millions d’euros programmés pour 2021-2024 et 1,6 milliard d’euros annoncés pour 2021-2027 (un rythme annuel de 227 millions d’euros). La même dynamique s’est poursuivie en 2023. Rabat et Bruxelles ont signé début mars dans la capitale marocaine 5 programmes de coopération d'un montant total de 5,5 milliards de dirhams (près de 500 millions d'euros) pour appuyer les grands chantiers de réforme du Royaume.
