Les récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant le Sahara marocain n’en finissent pas d’étonner, surtout parmi les spécialistes du droit international. Depuis la tribune du Forum MD Sahara, ont été prononcés des propos forts qui appellent à une réflexion profonde sur le rôle et les limites de la justice européenne dans le contexte des relations internationales. Ces propos émanent de Jean-Yves de Cara, juge ad hoc à la Cour internationale de justice, appuyé par l’analyse des enjeux géopolitiques, au-delà de l’aspect purement juridique, d’Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).
Les récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), annulant deux accords agricoles et de pêche entre le Maroc et l’Union européenne (UE), ont été remises sur le tapis au cours de la quatrième édition du Forum MD Sahara, organisé par «Maroc Diplomatique» les 6 et 7 décembre à Dakhla. Pour Jean-Yves de Cara, professeur à l’Université Paris-Descartes et Sciences Po Paris, et juge ad hoc à la Cour internationale de justice, ces arrêts révèlent une «dérive vers un gouvernement des juges», une «Europe des juges» qui s’éloigne dangereusement de son rôle. «Il n’y a pas de pire tyrannie que celle qui s’abrite à l’ombre des lois et dans les pans de la justice», affirme-t-il avec force lors d’un panel consacré à des regards croisées sur les 25 de règne de S.M. le Roi Mohammed VI.
L’analyse de M. de Cara pointe du doigt une série de cinq décisions rendues le 4 octobre dernier, annulant de fait les accords commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc concernant le Sahara. Ces décisions, selon lui, «anéantissent tout ce qui a été négocié», surprenant par leur ampleur et leur portée. La première surprise, explique le professeur, réside dans l'implication du Polisario dans ces recours. «Pourquoi le polisario est-il parti à l'instance et a-t-il pu déclencher ce contrôle de la Cour ?», questionne-t-il. Il souligne l’existence d’une «véritable stratégie judiciaire» du mouvement séparatiste, avec plus de dix arrêts déjà rendus sur le sujet, soutenus par des associations de soutien comme la «Western Sahara Campaign».Un «droit des fictions» et des «hallucinations» juridiques !
La deuxième surprise, et non des moindres, porte sur l'intrusion de la CJUE dans un domaine relevant de la souveraineté territoriale d'un État non membre de l'UE. «Pourquoi la Cour européenne traite-t-elle de la souveraineté territoriale d’un État non membre de l’Union européenne», s'interroge M. de Cara. Il dénonce une Cour qui «est devenue créatrice d'un nouveau droit international, ce que j'appellerais un droit des fictions, qui fait qu'on pense à la formule de Jean-Jacques Rousseau : “le pays des chimères est en ce monde le seul digne d'être habité. Il n'est rien de si beau que ce qui n'est pas”».
Pour le juriste, la CJUE dépasse sa compétence, se substituant au Conseil de l’UE, seul organe habilité à mener des négociations internationales et à conclure des accords. «La Cour n’est pas un législateur. Elle n'est qu'un juge», rappelle-t-il. «Elle fait connaître, quand on le lui demande, un avis sur la compatibilité de l'accord international et des traités. Ce n'est pas un contrôle matériel», relève le professeur. Or, dans le cas du Sahara marocain, la Cour «annule ou paralyse l'effet d'accords internationaux, alors même qu'elle n'est pas dans sa compétence», précise-t-il. M. de Cara met en lumière deux «fictions» juridiques particulièrement préoccupantes : la reconnaissance du polisario comme partie prenante légitime dans ce processus, malgré le fait qu'il soit dépourvu de personnalité juridique internationale, et la création d'un «peuple du Sahara occidental» abstrait et fictif, détaché de la réalité démographique actuelle du territoire.
L’expert critique également l'interprétation de la Cour concernant l'effet relatif des traités, qualifiant cette approche de «sorte d'hallucination juridique». Cette interprétation, combinée à la non-considération de l'accord de Madrid de 1975 et de la Marche Verte, conduit, selon lui, à une remise en cause dangereuse de la souveraineté marocaine et engage la responsabilité internationale de l’Union européenne. «Appartient-il à un juge, quel qu'il soit, d'engager la responsabilité des États ?», interroge-t-il. Il conclut en pointant l’incompétence de la Cour en droit international : «Lisez la liste des juges, pas un n'a une formation minimale de droit international. Alors on pense à la formule de Chateaubriand : la médiocrité a son fanatisme, elle choisit ordinairement les plus belles victimes en l'espèce, le Sahara».
Pour le juriste, la CJUE dépasse sa compétence, se substituant au Conseil de l’UE, seul organe habilité à mener des négociations internationales et à conclure des accords. «La Cour n’est pas un législateur. Elle n'est qu'un juge», rappelle-t-il. «Elle fait connaître, quand on le lui demande, un avis sur la compatibilité de l'accord international et des traités. Ce n'est pas un contrôle matériel», relève le professeur. Or, dans le cas du Sahara marocain, la Cour «annule ou paralyse l'effet d'accords internationaux, alors même qu'elle n'est pas dans sa compétence», précise-t-il. M. de Cara met en lumière deux «fictions» juridiques particulièrement préoccupantes : la reconnaissance du polisario comme partie prenante légitime dans ce processus, malgré le fait qu'il soit dépourvu de personnalité juridique internationale, et la création d'un «peuple du Sahara occidental» abstrait et fictif, détaché de la réalité démographique actuelle du territoire.
L’expert critique également l'interprétation de la Cour concernant l'effet relatif des traités, qualifiant cette approche de «sorte d'hallucination juridique». Cette interprétation, combinée à la non-considération de l'accord de Madrid de 1975 et de la Marche Verte, conduit, selon lui, à une remise en cause dangereuse de la souveraineté marocaine et engage la responsabilité internationale de l’Union européenne. «Appartient-il à un juge, quel qu'il soit, d'engager la responsabilité des États ?», interroge-t-il. Il conclut en pointant l’incompétence de la Cour en droit international : «Lisez la liste des juges, pas un n'a une formation minimale de droit international. Alors on pense à la formule de Chateaubriand : la médiocrité a son fanatisme, elle choisit ordinairement les plus belles victimes en l'espèce, le Sahara».
Réalité virtuelle et excès de zèle judiciaire
Pour Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), il ne s’agit pas seulement d’une décision de justice contestée, mais d’une illustration majeure d’un changement d’époque. «Cette décision a été invalidée par le fait qu'un certain nombre de pays de l’Union européenne, qui reconnaissent la marocanité du Sahara, ont rappelé qu'elle a été prise en dehors d’une réalité, dans une réalité virtuelle», lance-t-il, soulignant l’inadéquation entre la vision juridique européenne et la réalité géopolitique sur le terrain. «Nos juges, parfois, sont dans des applications qui sont au-delà du caractère juridictionnel qui devrait les caractériser», déplore-t-il, pointant du doigt un certain excès de zèle judiciaire.
Du «lawfare» évident !
Mais au-delà de la critique du système judiciaire, l’analyse de M. Dupuy met en lumière un phénomène plus profond : la désoccidentalisation du monde. «Depuis l'accession de Sa Majesté au Trône, un monde nouveau est apparu. La fin d'une parenthèse de quatre siècles de domination occidentale», affirme-t-il avec force. Cette désoccidentalisation, selon lui, se traduit par un repositionnement stratégique des pays africains, qui aspirent à une reconnaissance sans équivoque de leur souveraineté nationale. «Le Maroc, comme beaucoup d’autres États, aspire à ce que tout le continent africain appelle désormais de ses vœux, la stricte reconnaissance de la souveraineté nationale», souligne-t-il.
Pour M. Dupuy, la vision occidentale, et notamment européenne, n’est plus le seul référentiel. «Tout ce qui concerne la question juridique ne doit pas être ramené à la Cour européenne de justice et, a fortiori, quand elle est mal intentionnée, ou quand un certain nombre d’éléments savent l’utiliser», explique-t-il, dénonçant ainsi un «lawfare» (guerre juridique) évident, l’utilisation abusive du droit à des fins politiques.
La diplomatie marocaine, modèle d’une nouvelle «grammaire géopolitique»
L’expert met en avant la diplomatie marocaine, qualifiée de «proactive, agile, souple, solidaire et subsidiaire», comme un modèle de cette nouvelle grammaire géopolitique. «S.M. le Roi Mohamed VI est parfaitement exemplaire dans la manière dont il exprime ce que souhaitent les Marocains», affirme-t-il, soulignant la cohérence du discours Royal avec les aspirations du peuple marocain et du continent africain. Il cite notamment le discours du 11 octobre dernier devant le Parlement, qui mettait l’accent sur l’interconnexion et la résilience nationale.
L’intégration régionale et la réussite du développement des provinces du Sud sont présentées comme des éléments clés de cette stratégie marocaine. «Le développement du Sahara se fait dans le cadre exclusif de l'autonomie proposée déjà depuis 2007», rappelle M. Dupuy, citant le Président français Emmanuel Macron. Pour l’expert, la décision de la France concernant le Sahara marocain marque ainsi non seulement une victoire diplomatique pour le Maroc, mais aussi un tournant géopolitique majeur, symbolisant l'émergence d'un ordre mondial multipolaire où la souveraineté nationale et la coopération régionale prennent le pas sur les visions occidentales hégémoniques.
L’intégration régionale et la réussite du développement des provinces du Sud sont présentées comme des éléments clés de cette stratégie marocaine. «Le développement du Sahara se fait dans le cadre exclusif de l'autonomie proposée déjà depuis 2007», rappelle M. Dupuy, citant le Président français Emmanuel Macron. Pour l’expert, la décision de la France concernant le Sahara marocain marque ainsi non seulement une victoire diplomatique pour le Maroc, mais aussi un tournant géopolitique majeur, symbolisant l'émergence d'un ordre mondial multipolaire où la souveraineté nationale et la coopération régionale prennent le pas sur les visions occidentales hégémoniques.