«Un signal à l’ONU comme au reste du monde»
M. Hannoun va plus loin en affirmant que cette prise de position pourrait être une étape préliminaire vers une reconnaissance formelle de la souveraineté marocaine sur le Sahara. «C’est le sens de l’histoire, et c’est également un signal à l’ONU comme au reste du monde : le statu quo n’est plus tenable, et le plan marocain s’impose désormais comme la seule solution sérieuse et stabilisatrice dans une région marquée par l’instabilité et la menace terroriste», relève-t-il. Il ajoute que cette nouvelle position, d'une grande portée stratégique, est loin d'être fortuite : elle s’inscrit dans un continuum historique. «Dès le XVIIIe siècle, plusieurs traités entre Londres et Rabat ont acté des relations d’égal à égal entre deux Royaumes souverains, incluant de manière implicite les territoires sahariens comme relevant de l’autorité du Sultan du Maroc», rappelle le professeur. «Il s’agit tout particulièrement du traité du 13 mars 1895 par lequel le Royaume-Uni reconnaît la souveraineté marocaine sur les terres allant de l'Oued Draa au Cap Boujdour», précise-t-il.
Le professeur Abouddahab souligne de son côté l'importance des liens historiques et culturels entre le Maroc et le Royaume-Uni qui ont pesé dans cette décision : «La Grande-Bretagne connaît bien le Maroc et vice-versa. C'est une monarchie et le Maroc est aussi une monarchie. Les relations entre les deux pays remontent au 13e siècle déjà et il y a un respect mutuel de part et d'autre», relève-t-il.
Une dynamique diplomatique confirmée
«Il y a un consensus international aujourd'hui sur la centralité du plan marocain d'autonomie comme étant une base nécessaire pour parvenir à une solution mutuellement acceptable et qui soit conforme aux arrangements des Nations unies», se réjouit-il, soulignant que cette nouvelle position britannique est «une sorte de couronnement des efforts déployés par le Maroc sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et sous Son leadership remarquable».
M. Abouddahab souligne par ailleurs que 2025, année du 50e anniversaire de la Marche verte, est également perçue par les Britanniques comme une date butoir pour la résolution définitive du dossier. Il précise que l'engagement britannique ne se limite pas à une déclaration de principe : David Lammy a affirmé que le Royaume-Uni s'emploiera, aux niveaux bilatéral, régional et mondial, à donner au plan d'autonomie une base opérationnelle. «Cette approche rappelle celle de la France et d'autres pays partageant la même position», ajoute-t-il.
L’expert insiste dans ce sens sur le poids du Royaume-Uni et le rôle qu’il peut jouer dans ce sens en tant que membre du Groupe des amis du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, aux côtés de pays comme les États-Unis, la France ou l'Espagne. Il rappelle également l’influence du pays sur la scène internationale, notamment en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et membre de divers forums internationaux, ainsi que ses liens étroits avec les pays européens.
Coopération bilatérale et investissements
Désormais, les verrous ont sauté !», se félicite notre expert qui met en avant l'importance du cinquième round du Dialogue stratégique entre les deux pays, rehaussé par ce tournant important dans les relations diplomatiques bilatérales. Ce dialogue, lancé à Londres le 5 juillet 2018, est un mécanisme clé pour renforcer les liens historiques et approfondir la coopération bilatérale. Il aborde des thématiques cruciales, notamment les volets politique et sécuritaire, économique, humain et culturel. S'y ajoutent des discussions sur des enjeux régionaux, internationaux et multilatéraux. Autant dire que les deux Royaume comptent aller encore plus loin dans leur coopération stratégique et bien entendu le Sahara marocain constitue une des pièces maîtresses de leur partenariat.
Entretien avec Mohamed Badine El Yattioui, expert en relations internationales et professeur d’études stratégiques au Collège de défense nationale des Émirats arabes unis : La nouvelle position de Londres ouvre la voie à une résolution définitive de ce conflit artificiel
Le Matin : Pour commencer, pouvez-vous nous dire en quoi l'appui britannique au plan d'autonomie marocain constitue-t-il une avancée diplomatique majeure ?
Mohamed Badine El Yattioui : L'appui du Royaume-Uni est en effet une avancée significative pour plusieurs raisons. Premièrement, le Royaume-Uni est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui lui confère un poids diplomatique considérable. Sa position, qualifiant le plan d'autonomie de «crédible et réaliste», renforce la dynamique favorable au Maroc, notamment dans la perspective de la célébration des 50 ans de la Marche Verte en novembre. Deuxièmement, cette position conforte l’alignement des grandes puissances sur l’approche du Maroc. En effet, le dossier franchit donc un cap important avec cette position qui s'ajoute à celles de la France et des États-Unis, et l’Espagne, ainsi que d’autres capitales influentes. Sans oublier la Chine qui manifeste également une position favorable au Maroc dans ce dossier. Autant d’élément qui convergent ouvrant potentiellement la voie à une résolution définitive de ce conflit artificiel.
Avec cette nouvelle position, comment se présente selon vous la prochaine résolution du Conseil de sécurité ?
Une résolution du Conseil de sécurité en octobre, si elle bénéficiait du soutien des quatre autres membres permanents et éventuellement de l'abstention de la Russie, pourrait avoir des conséquences positives majeures. Car elle pourrait idéalement inclure la reconnaissance du plan d'autonomie comme base de résolution du conflit, mais aussi sa mise en œuvre concrète, ainsi que la reconnaissance des provinces du Sud comme partie intégrante du territoire marocain.
Au-delà de la dimension politique, quelles sont les implications de cette évolution sur le plan économique ?
Sur le plan bilatéral, il est évident que cette évolution dynamisera les relations maroco-britanniques, notamment sur le plan économique. Cela concerne aussi bien le commerce que les investissements, avec de nombreux projets déjà en cours et qui devraient connaître une accélération significative. On peut également espérer de nouveaux investissements britanniques dans les provinces du Sud, à l’image de ce que la France et les États-Unis ont déjà entrepris. L'ouverture d'un consulat britannique à Dakhla ou Laâyoune serait également un signal fort de cette nouvelle dynamique.
Quelles sont les raisons objectives selon vous ayant poussé Londres à franchir ce pas ?
Le ministre britannique des Affaires étrangères a été clair : le Royaume-Uni considère le plan d'autonomie comme la solution la plus pragmatique et réaliste pour résoudre ce conflit artificiel. Il offre une sortie positive et permet à la région du Maghreb, du Nord de l’Afrique et du Sahel de retrouver la stabilité, alors que de nombreux pays de la région sont confrontés à des défis sécuritaires ainsi qu’à des problématiques de gouvernance. À ce titre, le plan d’autonomie est considéré comme un moyen d’éviter que la situation empire dans cette région sahélo-saharienne. Pour les Britanniques, l’approche marocaine est la meilleure sur la table, d’autant plus qu’elle émane d’un acteur dont la crédibilité n’est plus à démontrer et qu’elle s’adosse à un leadership reconnu pour sa légitimité et sa continuité, incarné par Sa Majesté le Roi Mohamed VI.
Comment pourrait se traduire concrètement l'engagement britannique dans la région ?
Le Royaume-Uni fait preuve de pragmatisme en utilisant UK Export Finance, bras armé du pays pour les projets de coopération, pour investir dans les provinces du Sud. Il envisage également de s'appuyer sur le futur port de Dakhla et d'autres infrastructures, dans le but de stimuler le développement de l'Afrique de l'Ouest et du Sahel. Cette démarche constitue une reconnaissance claire de la souveraineté marocaine sur son Sahara, ainsi que du rôle du Maroc en tant que leader régional et puissance stabilisatrice. En optant pour cette position, le Royaume-Uni agit dans le sens du codéveloppement entre l'Europe et l'Afrique et entre pays africains eux-mêmes. Désireux de ne pas laisser la France et l'Espagne seules actrices européennes dans cette région, il souhaite y jouer un rôle de premier plan. Traditionnellement plus présents en Afrique de l'Est et Australe, avec quelques colonies en Afrique de l'Ouest, les Britanniques, sortis de l'Union européenne (Brexit), cherchent ainsi de nouveaux relais de croissance pour maintenir leur influence et développer leurs relations économiques. Avec le Maroc, ils ont un partenaire de confiance.
