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Samira Sitaïl : la CAN 2025, un message d’unité pour toute l’Afrique

Pour le Maroc, le football n’est jamais qu’un jeu. C’est aussi une façon de parler d’Afrique, d’identité, de diplomatie. Dans un entretien accordé à Brut Afrique, Samira Sitaïl, ambassadrice du Royaume en France, revient sur la CAN 2025 pour mieux tracer, en creux, les contours d’un Maroc qui se pense comme trait d’union africain, fort de sa pluralité, sûr de son rôle et de plus en plus à l’aise dans l’exercice de son influence.

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Ce que prépare le Maroc avec la Coupe d’Afrique des nations ne se limite pas à l’organisation d’un événement sportif. L’ambassadrice du Royaume à Paris, Samira Sitaïl, le dit d’emblée dans l'interview qu’elle a accordée, le 14 novembre 2025, à Brut Afrique : «Ce que prépare le Royaume, c’est un message d’unité». Le choix des mots n’est pas anodin. Il traduit une conviction, ou plutôt une ligne de conduite : celle d’un Maroc qui ne conçoit plus son action à l’échelle nationale, mais continentale. Le football joue ici un rôle-clé, mais aussi un rôle familier. «On voit bien, particulièrement sur notre continent, combien le sport rassemble, combien il unit, combien il peut contribuer à gommer les aspérités», explique-t-elle.

À l’heure où l’Afrique cherche des espaces de cohésion, le terrain devient un espace de narration politique et le Maroc s’y engage sans forcer le trait. Par ailleurs, cette unité, le Maroc l’incarne également à l’intérieur de ses frontières. Plus de quarante nationalités africaines résident aujourd’hui dans le Royaume, rappelle l’ambassadrice. Et selon elle, elles attendent la CAN «comme un moment de partage, de fierté, d’appartenance». Le Maroc devient ainsi, sans déclaration tapageuse, le reflet d’un continent multiple. «Le Maroc est à l’image de ce continent, de son dynamisme, de sa diversité», affirme-t-elle. Et ce qu’il propose, à travers la CAN, c’est de transformer cette diversité en symbole d’unité.

Une diaspora qui se réveille

Au-delà de ses frontières, le Maroc parle aussi à sa diaspora, et celle-ci répond. Samira Sitaïl observe un phénomène qu’elle qualifie d’«exceptionnel» : des Marocains établis à l’étranger, parfois depuis vingt ans, se manifestent aujourd’hui pour renouer avec leur nationalité. «Je n’ai pas renouvelé mes papiers depuis 15 ans, depuis 20 ans, je souhaite le faire aujourd’hui», lui disent certains. Ce regain d’attachement ne se résume pas à un effet Qatar 2022. Il s’inscrit, selon elle, dans un mouvement plus profond. «Ce n’est pas seulement le football. C’est la fierté de faire partie de cette nation plurielle.» Elle insiste sur cette idée : la fierté marocaine ne repose pas sur un récit uniforme, mais sur une reconnaissance réelle des identités qui la composent.

«Nous avons le droit de porter nos spécificités»

Ce pluralisme est au cœur du discours de l’ambassadrice. Arabe, africaine, juive, amazighe : l’identité marocaine ne se laisse pas réduire. «La marocanité est structurante, mais à l’intérieur de cette unité qui est la nôtre, nous avons le droit d’avoir et de porter nos spécificités», explique-t-elle. Elle rappelle un moment clé : la Constitution de 2011, qui a fait de l’amazigh la deuxième langue officielle du pays. «Ce n’est pas uniquement pour flatter la fierté des Marocains qui portent cette identité en eux», précise-t-elle, mais bien pour affirmer un socle politique : l’unité par la reconnaissance. Ce positionnement n’est pas qu’interne. Il se traduit aussi à l’extérieur, à travers une diplomatie que Samira Sitaïl n’hésite pas à qualifier de soft power. Elle en donne une définition simple : «Le soft power, ce sont les valeurs que vous portez. Qu’elles soient diplomatiques, sportives, climatiques ou politiques.» Et ces valeurs, selon elle, sont aujourd’hui visibles à travers l’image que projette le Maroc.

Une diplomatie d’influence qui assume ses ambitions

Le Maroc se sait observé, mais ne cherche plus à se faire valider. Il avance selon sa propre grille de lecture, nourrie par sa géographie et son histoire. «Le Maroc est porteur d’une vision, avec les moyens qui sont les siens, une géostratégie particulière, une ouverture sur l’Atlantique, une ouverture sur la Méditerranée, une proximité avec le continent africain», énumère Samira Sitaïl. À cela s’ajoute un ensemble de valeurs : respect, tolérance, vivre-ensemble... que le Royaume met en avant non comme slogans, mais comme boussole.
Interrogée sur les relations avec la France, l’ambassadrice parle d’un climat de confiance restauré. «Les relations entre le Maroc et la France, c’est d’abord une très grande force dans la confiance que nous entretenons entre nos deux pays, entre nos deux Chefs d’État.» Et même les sujets de friction n’échappent plus à cette dynamique : «Ceux qui nous fâchaient il y a quelques mois ou quelques années sont aujourd’hui traités de la manière la plus normalisée, la plus décomplexée possible.» Une manière de dire que le Maroc n’évite pas les dossiers sensibles, mais les aborde désormais avec assurance. Ainsi, dans ce court entretien, Samira Sitaïl parle de football, mais en dit beaucoup plus, la CAN 2025 ne sera pas qu’un tournoi. Si l’on en croit ses mots, ce sera aussi un moment diplomatique, identitaire, presque philosophique : une manière pour le Maroc de redire qui il est, et ce qu’il entend représenter.
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