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Grèves dans le secteur de la santé : voici les principales revendications des professionnels

Le secteur de la santé vit tout au long de cette semaine au rythme d’une série de grèves paralysant les établissements hospitaliers, à l’exception des services d’urgence et de réanimation. Si le ministère de tutelle affirme qu’un accord a pu être trouvé, les professionnels estiment que beaucoup de points n’ont pas été clarifiés, en insistant sur la préservation des acquis hérités de la fonction publique. Entre le besoin des syndicats d’être rassurés et la volonté du gouvernement d’accélérer la réforme du secteur, le dénouement de ce dossier irait peut-être plus vite si les deux parties adoptaient le même langage.

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Le secteur de la santé n’est pas au mieux de sa forme et cette situation va probablement durer longtemps. La Coordination syndicale nationale du secteur, composée de plusieurs syndicats, a décidé de poursuivre ses mouvements de protestation. La grève qui a paralysé lundi 22 juillet tous les hôpitaux du Royaume, excepté les services d’urgence et de réanimation, devrait se poursuivre jusqu’au vendredi 26 juillet. Encore une semaine sans prestations sanitaires dans le secteur public, au grand dam des citoyens qui payent le prix de ce bras de fer entre le gouvernement et les professionnels de la santé. Dans un communiqué rendu public le 21 juillet, la Coordination fait également savoir qu’un sit-in aura lieu le 25 juillet prochain devant le Parlement, tout en imputant au gouvernement la responsabilité de l’enlisement des discussions.

Pourtant, le ministre de la Santé et de la protection sociale avait révélé, le 16 juillet à la Chambre des conseillers, avoir finalisé un accord avec les syndicats du secteur sur le cahier revendicatif qui devait être soumis au Chef du gouvernement. Le message du ministre était tellement rassurant qu’on a commencé à croire vraiment à un dénouement imminent de la crise, avant d’être surpris par le dernier communiqué de la coordination syndicale et l’escalade qui s’est ensuivie. Mais que se passe-t-il alors ? Que veulent réellement ces professionnels de la santé ? Comment mettre fin à cette situation qui vient paralyser un secteur en pleine restructuration ? Pour tenter de répondre à ces questions qui se posent et qui s’imposent, nous avons contacté Dr Oussama Loukili, membre du bureau national du Syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP).

Une confiance brisée

De prime abord, il semble qu’il existe une crise de confiance entre le département de tutelle et les professionnels de la santé. Les discussions menées jusqu’à présent n’ont pas été fructueuses et n’ont apporté rien de concret selon ces derniers. C’est que confirme le Dr Loukili qui souligne que les syndicats avaient bel et bien été convoqués par le ministère de la Santé pour la réunion du 12 juillet et que sur les 8 syndicats concernés, 7 ont répondu présent. «Le ministre a apporté des réponses à certains points de nos revendications, mais nous avons estimé que ce n’était pas suffisant. Aujourd’hui, nous n’avons rien de concret entre nos mains. C’est pourquoi nous avons décidé de maintenir le calendrier des grèves», explique-t-il.

À ce titre, il faut rappeler que la Coordination syndicale nationale du secteur a adressé, samedi dernier, une correspondance au Chef du gouvernement l’appelant à interagir avec les remarques et observations qu’elle a formulées à propos des solutions proposées par le ministre de tutelle lors de la rencontre du 12 juillet. À l’heure où nous mettions sous presse, les professionnels disent n’avoir reçu aucun feedback de la part du Chef de l’Exécutif, ce qui ne fait que «renforcer leur détermination à défendre leurs revendications». D’autant plus que la gestion du sit-in du 10 juillet dernier par les forces de l’ordre n’était pas de nature à apaiser les esprits et à créer un climat propice au dialogue. «L’utilisation des canons à eau et des matraques par les forces de l’ordre pour disperser le sit-in du 10 juillet n’a fait qu’aggraver la situation. Nous sommes aujourd’hui déterminés à aller jusqu’au bout», déclare Dr Loukili.

Les Groupements sanitaires territoriaux, un mal pour un bien ?

D’après notre interlocuteur, les lois entrées en vigueur récemment, particulièrement la loi 08.22 relative à la création des Groupements sanitaires territoriaux (GST) et la loi 09.22 relative aux garanties essentielles accordées aux ressources humaines des métiers de la santé ne sont pas vues d’un bon œil par les professionnels de la santé. Ces deux textes, souligne M. Loukili suscitent beaucoup d’inquiétude. Il faut rappeler dans ce sens que l’adoption de tels lois, essentiellement celle liée à la création des GST, intervient dans le cadre de la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée qui prévoit, entre autres, l’intégration de tous les établissements de soin publics, notamment les Centres hospitaliers et universitaires (CHU) et les centres hospitaliers régionaux (CHR), dans un seul établissement autonome. Le Groupement se chargera des soins hospitaliers, la formation et la recherche.

Avec cette nouvelle configuration, on comprend que chaque région sera appelée à gérer de manière autonome les prestations de santé offertes en disposant de son propre capital humain et matériel. Pour le Dr Loukili, ce projet est ambitieux, certes, puisqu’il suppose des structures médiales plus proches des citoyens, mais il soulève des interrogations quant à la capacité du GST à d’assurer son propre financement et, partant, le paiement des professionnels qui y exercent. «Si ce problème ne risque pas de se poser pour les grandes régions comme Casablanca-Settat, d’autres régions, moins loties en ressources et couvrant de larges périmètres ruraux, pourraient être confrontées à des difficultés budgétaires», s’inquiète-t-il.

Poussant la réflexion un peu plus loin, Dr Loukili rappelle que dans le sillage des changements juridiques qui ont touché le système de santé, les professionnels ont perdu leur statut de fonctionnaires de l’État et sont devenus des «salariés» qui vont par la suite dépendre des nouveaux GST. «Les médecins seront obligés d’avoir un certain niveau de rendement, sachant que les patients se dirigent de plus en plus vers le privé. Un phénomène qu’on a constaté ces derniers mois et qui a été encouragé, d’une part, par la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire et, d’autre part, par l’absence des moyens matériels et humains dans le public», explique-t-il. Les professionnels du secteur demandent ainsi que «la gestion de leurs salaires soit assurée par l’État et qu’ils soient directement payés par le ministère des Finances», précise Dr Loukili.

Autre crainte exprimée, et non des moindres : la mobilité géographique qui risque de devenir problématique. «Prenons l’exemple d’un médecin qui travaille à Casablanca. Sur le plan administratif, il relève de la région de Casablanca-Settat et peut donc être affecté, du jour au lendemain, à Sidi Bennour. Le problème c’est qu’il ne peut pas refuser cette affectation puisqu’il s’agit du même périmètre régional. La nouvelle loi ne précise ni la durée ni les modalités de cette mobilité», explique la même source, avant de préciser que la mobilité géographique était possible auparavant, mais elle était bien encadrée puisqu’elle ne devait pas dépasser trois mois, renouvelables une seule fois, avec l’accord du concerné. «On peut dire en définitive que nous sommes en train de perdre tous les avantages de la fonction publique ! Nous sommes convaincus de l’importance des GST, mais nous cherchons aussi à être rassurés et à protéger nos acquis. Nous avons eu beaucoup de réunions avec le ministère de tutelle dans ce sens et nous avons même signé un accord qui devait être entériné par le Chef du gouvernement. Mais malheureusement, nous n’avons eu aucun retour. La grève était pour nous le seul moyen pour défendre nos droits», poursuit M. Loukili.

Les nouvelles lois n’apportent pas assez de garanties

À maintes reprises, le responsable syndical réitère le besoin des professionnels de la santé d’être rassurés. «Nous avons besoin de garanties pour pouvoir exercer notre métier. Nous assistons aujourd’hui à une fuite des jeunes, qui n’arrivent même pas à supporter les 8 ans d’engagement avec le ministère, et nous nous inquiétons pour la relève, surtout avec la grève des étudiants en médecine», prévient notre interlocuteur. «En tant que responsables syndicaux, ajoute-t-il, nous n’avons pas d’informations à communiquer aux professionnels de la santé qui nous font confiance pour défendre leur cause. Mais ce qui est sûr aujourd’hui, c’est qu’en l’absence de partage du contenu des décrets d’application avec les syndicats, qui sont censés avoir un droit de regard, la modification pure et simple des textes de loi 08.22 et 09.22 demeure l’unique issue envisageable à ce dossier».
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