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Soutien aux TPME : Les détails du dispositif gouvernemental

Piliers discrets mais essentiels de l’économie marocaine, les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) sont aujourd’hui placées au cœur d’un vaste plan de relance. Avec 500.000 emplois à créer d’ici 2026 et 550 milliards de dirhams d’investissements à mobiliser, le Maroc fait le pari d’une croissance portée par l’ancrage local, l’emploi stable et l’initiative privée. Pour accompagner cette ambition, un nouveau dispositif public de soutien cible directement les TPME, en leur offrant des aides sur mesure pour investir, recruter et se développer partout sur le territoire.

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Cinq cent mille emplois créés d’ici 2026, 550 milliards de dirhams d’investissement mobilisés et 66% de l’investissement total porté par le secteur privé d’ici 2035. Ces chiffres ne relèvent pas d’un vœu pieux, ce sont les objectifs du Nouveau Pacte de l’investissement, pierre angulaire de la stratégie de relance économique du Maroc. L’enjeu : réconcilier ambition macroéconomique, inclusion territoriale et dynamisation du tissu productif, dans la droite ligne des orientations fixées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, lors de son discours du 14 octobre 2022 à l’ouverture du Parlement. Le Souverain y appelait à faire de l’investissement productif un levier central de relance, tout en insistant sur la nécessité de lever les blocages structurels. «Nous misons aujourd’hui sur l’investissement productif comme levier fondamental de relance de l’économie nationale, et pour permettre au Maroc de s’insérer dans les secteurs d’avenir», déclarait-il alors. Trois ans plus tard, l’enjeu prend forme sur le terrain. Un nouveau dispositif public d’aide aux entreprises vise désormais une catégorie longtemps négligée, mais aujourd’hui centrale : les très petites, petites et moyennes entreprises. Ce sont elles que l’on charge aujourd’hui d’ancrer l’investissement dans les territoires, de créer de l’emploi durable et de faire émerger un nouveau modèle de croissance à la fois local, inclusif et pérenne.

Une situation difficile

Le poids des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) dans l’économie marocaine est grand, mais leur fragilité l’est tout autant. Selon le dernier rapport de l’Observatoire marocain de la TPME (2024), le Maroc compte près de 370.000 entreprises formelles actives, dont près de 80% sont des micro-entreprises, avec un chiffre d’affaires annuel inférieur à un million de dirhams. Huit sur dix emploient moins de dix salariés. Un maillage dense, mais éclaté, parfois précaire, souvent invisible. La concentration géographique est tout aussi marquée : plus de la moitié de ces entreprises sont installées dans trois régions seulement, à savoir Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, laissant des pans entiers du territoire à l’écart de l’initiative privée.
Autre ligne de fracture : l’accès au crédit. En 2018, d’après une étude citée par «The African Scientific Journal», les grandes entreprises captaient 60,5% des prêts bancaires, contre seulement 4,1% pour les microstructures. Le déséquilibre est flagrant et persistant. Et pourtant, c’est sur ce socle que le Maroc veut désormais construire. En leur confiant un rôle central dans le Pacte de l’investissement, l’État leur demande non seulement de produire, mais d’absorber l’informel, de mailler les régions, de créer de l’emploi stable et d’incarner l’esprit d’entreprise de nouvelle génération.

Un nouveau dispositif sur-mesure

Dans le cadre du Nouveau Pacte de l’investissement, un dispositif public de soutien ciblé a été mis en place à destination des TPME. Il s’appuie sur une approche triptyque : encourager l’investissement productif, favoriser la création d’emplois durables et contribuer à un rééquilibrage territorial de l’activité économique. Ce mécanisme repose sur un système de subventions modulables et cumulables, pouvant atteindre jusqu’à 30% du montant total de l’investissement engagé. Trois types de primes sont prévues. La première est liée à l’emploi : elle varie selon le nombre de postes stables créés dans le cadre du projet. La deuxième est une prime territoriale, qui tient compte de la localisation du projet et offre un soutien accru dans les zones les moins attractives. La troisième est sectorielle, destinée aux activités jugées prioritaires au regard des orientations économiques de l’État. Pour pouvoir bénéficier de ce soutien, les projets doivent répondre à plusieurs conditions. L’investissement total envisagé doit être compris entre 1 et 50 millions de dirhams, avec un apport en fonds propres représentant au moins 10% du montant global. Le projet doit en outre permettre la création d’emplois formels, occupés par des Marocains inscrits à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

À qui s’adresse ce soutien ?

Le dispositif s’adresse à toute entreprise marocaine de droit privé, dont le chiffre d’affaires annuel se situe entre 1 et 200 millions de dirhams, ou aux jeunes entreprises créées depuis moins de trois ans, qui sont dispensées de ce critère de revenu. Des restrictions sont toutefois posées : aucune entreprise ne peut bénéficier du dispositif si plus de 25% de son capital est détenu par une structure dépassant les 200 millions de dirhams de chiffre d’affaires. L’idée est claire : éviter l’effet d’aubaine pour les grandes entreprises.

Des aides substantielles, mais sélectives

Le montant des subventions accordées varie en fonction de plusieurs critères liés à l’emploi, à la localisation et au secteur d’activité. La prime liée à la création d’emplois peut atteindre jusqu’à 10% de l’investissement total, à condition que le projet permette de générer au moins 10% de postes stables en proportion du montant engagé. S’ajoute une prime territoriale, modulée selon le lieu d’implantation du projet. Les zones classées dans la catégorie A ouvrent droit à une aide équivalente à 10% de l’investissement, tandis que celles relevant de la catégorie B peuvent bénéficier d’une subvention portée à 15%. Ce dispositif vise à renforcer l’attractivité des territoires les moins dotés en infrastructures économiques. Une troisième prime, dite sectorielle, peut compléter l’aide à hauteur de 10% supplémentaires pour les projets inscrits dans les secteurs jugés prioritaires par l’État. L’ensemble de ces aides peut ainsi atteindre un plafond cumulé de 30% du montant total de l’investissement. Pour être considéré comme éligible, chaque poste créé doit correspondre à un emploi marocain en contrat à durée indéterminée, occupé pendant au moins 18 mois. Le versement effectif des subventions intervient uniquement après la signature d’une convention d’investissement, validée en amont par la commission régionale compétente.

Un maillon administratif encore fragile

Sur le terrain, la mise en œuvre repose sur les Centres régionaux d’investissement (CRI), qui assurent accompagnement, validation et suivi des projets. Mais cette architecture décentralisée suppose une capacité d’exécution homogène sur l’ensemble du territoire. Le risque ? que la lourdeur administrative, la méconnaissance des critères ou encore le manque d’ingénierie financière freinent l’appropriation du dispositif par les TPME, notamment les plus petites, celles qui en auraient pourtant le plus besoin.
Ainsi, au-delà du soutien financier, ce dispositif offre aux TPME une occasion rare de structurer leur croissance. Formaliser un projet, recruter durablement, s’ancrer dans un territoire : autant de leviers qui peuvent renforcer leur position dans l’économie réelle. Il marque aussi un changement de posture. Là où les aides étaient souvent ponctuelles et mal ciblées, on parle désormais de visibilité à moyen terme, de critères clairs, d’un cadre lisible. Cela crée les conditions d’une relation plus équilibrée entre l’État et les petites entreprises. Bien mis en œuvre, ce plan peut faire émerger une nouvelle génération de TPME plus solides, plus visibles et mieux connectées à la dynamique nationale. Non pas seulement soutenues, mais pleinement actrices du développement.
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