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Subventions des moutons : l’opposition évoque la motion de censure contre le gouvernement

Au lendemain du dépôt d’une requête parlementaire pour la création d’une commission d’enquête sur le dossier sensible de l’importation du bétail, les partis de l’opposition affichent leur unité. Réunis mardi soir à Casablanca, lors d’une rencontre publique organisée par le groupe HEM, les leaders de l’opposition – à l’exception du PJD – ont haussé le ton face à la majorité, brandissant la menace d’un éventuel recours à une motion de censure contre le gouvernement Akhannouch.

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Le gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch est-il à nouveau sous la menace d'une motion de censure ? La question se pose après que les partis de l'opposition ont réitéré cette menace mardi soir à Casablanca, lors d'une conférence organisée par le groupe universitaire HEM. Réunies, à l’exception du Parti de la justice et du développement (PJD), les principales forces d’opposition (USFP, MP et PPS) ont dénoncé «l’hégémonie» de la majorité sur les institutions, qu'elles soient exécutives, législatives ou régionales. Une domination qu’elles jugent préjudiciable au pluralisme politique et au rôle de l’opposition dans le débat démocratique. Pour preuve, les partis de l’opposition évoquent la gestion des subventions à l’importation des moutons qui illustrent selon eux le peu de cas que le gouvernement fait de l’opinion publique et du principe de la reddition des compte. C’est la raison pour laquelle ils ont initié une procédure constitutionnelle visant à établir une commission parlementaire d’enquête. Cette dernière devra examiner en profondeur les mécanismes de soutien public qui ont été adoptés pour l’importation du bétail.

Une commission d’enquête comme test de bonne foi

Il faut dire que la démarche est autant politique que symbolique ! Les partis de l’opposition sont en effet conscients que leur initiative ne peut aboutir sans un appui de la majorité, car le règlement impose la demande d’un tiers des membres de la Chambre des représentants pour qu’une commission d’enquête voie le jour. Or l’opposition et les indépendants réunis ne disposent que de 101 sièges. «Nous sommes conscient que notre démarche ne pourra pas aboutir. Mais à travers cette proposition, nous offrons aux partis de la majorité une opportunité de faire preuve de leur bonne foi. Sont-ils les représentants de la nation ou de simples relais du gouvernement ? Défendent-ils les citoyens ou les lobbies qui les soutiennent ?» s’interroge vivement le secrétaire général du MP, Mohamed Ouzzine.

Vers une relance de la motion de censure ?

Mais si la constitution d’une commission d’enquête reste incertaine, le dépôt d’une motion de censure apparaît, lui, comme plus accessible. Il suffirait à l’opposition de réunir 80 signatures pour que la procédure soit enclenchée. «Nous n’avons pas pu déposer cette motion lors de la rentrée parlementaire d’avril dernier, mais rien ne nous empêche de retenter l’expérience et d’en faire un moment fort de redevabilité politique», affirme pour sa part Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS. Il propose même d’aller plus loin : transformer cette initiative en levier de débat public autour du rôle du Parlement dans la vie démocratique du pays. «Il existe un consensus entre toutes les composantes de l’opposition, y compris le Mouvement populaire et l’Union socialiste des forces populaires, pour envisager sérieusement ce recours. L’opposition a une carte à jouer et peut faire de cette motion un tournant politique à l’approche des législatives de 2026.»

2026, un enjeu décisif pour recomposer la majorité

Pour Benabdallah, l’unité des partis d’opposition sur des dossiers clés, malgré la divergence de leurs référentiels idéologiques, laisse présager une stratégie commune en vue des élections de 2026. «Il serait bénéfique pour les citoyens de voir émerger un futur gouvernement composé de forces politiques autres que les trois partis actuels», lance-t-il. Il faut rappeler que l’USFP avait déjà, en février 2024, lancé un appel en faveur d’une motion de censure, dans le but de susciter une prise de conscience des dérives du système majoritaire actuel. Une initiative restée lettre morte, mais qui trouve aujourd’hui un nouvel écho.

Prenant la parole, Driss Lachgar, secrétaire général de l’USFP, met en garde contre les dérives du système actuel : «Dans les autres modèles démocratiques, le parti arrivé en tête forme le gouvernement, tandis que le second joue pleinement son rôle d'opposition. Le modèle marocain, lui, présente des particularités : les trois partis arrivés en tête lors des dernières élections se retrouvent tous au pouvoir. Résultat : un déséquilibre politique profond, une concentration du pouvoir entre les mains de la majorité et une marginalisation des contre-pouvoirs.» Il dénonce une situation où l’exécutif échappe à toute forme de reddition des comptes : «Le gouvernement pratique une centralisation autoritaire, excluant toute voix divergente. L’administration est sous emprise, et les initiatives de l’opposition restent lettre morte. Le dialogue politique, pourtant essentiel, a disparu.»

«Constitution gelée et pluralisme mis à mal»

Pour Driss Lachgar, cette dynamique compromet les acquis de la Constitution de 2011. Selon lui, les avancées démocratiques qu’elle avait instaurées sont désormais «inapplicables» dans le contexte actuel. Il appelle à un retour à l’esprit initial de la réforme constitutionnelle : une démocratie fondée sur le pluralisme, les contre-pouvoirs et la participation active de l’opposition, comme ce fut le cas à d’autres étapes de l’histoire politique marocaine.

Ces critiques ont été partagées par les autres leaders de l’opposition, également présents, notamment Nabil Benabdallah (PPS) et Mohamed Ouzzine (MP). Ce dernier a jugé que le Maroc ne traversait pas seulement une phase de déséquilibre institutionnel, mais faisait face à un stade bien plus inquiétant : «Nous ne sommes plus simplement dans une logique de démesure du pouvoir. Nous avons franchi un cap : celui de la prédation». Un propos fort, prononcé au lendemain du dépôt par l’opposition d’une demande de création d’une commission d’enquête parlementaire sur les subventions publiques à l’importation de bétail.
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