Il est 9 heures du matin, ce mardi 22 juillet 2025. Dans la salle des conférences située au Centre d’accueil et de conférences du ministère de l’Équipement à Rabat, un débat houleux et de grandes annonces ont lieu. Mohamed Hajoui, le patron de l’administration juridique marocaine, sait que les mots qu’il va prononcer pèsent lourd. Très lourd. «Nous sommes à moins de neuf ans de l’échéance», lâche-t-il d’emblée. Neuf ans pour traduire des milliers de lois.
Une mobilisation institutionnelle sans précédent
L’allocution d’ouverture de Mohamed Hajoui, secrétaire général du gouvernement, donne immédiatement le ton. «Cette rencontre s’inscrit dans le sillage des directives Royales qui n’ont cessé de souligner que la promotion de l’amazigh constitue une responsabilité nationale partagée», affirme-t-il devant un parterre de hauts responsables, de juristes et d’experts linguistiques. Le haut fonctionnaire ne cache pas l’ampleur du défi : avec moins de neuf ans pour atteindre l’objectif fixé par la loi organique 16-26, les institutions marocaines doivent désormais passer à la vitesse supérieure.
Cette urgence temporelle trouve un écho particulier dans les propos d’Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la réforme de l’administration. «Entre 2002 et 2003, l’IRCAM a déjà réalisé un nombre considérable de traductions dans des domaines variés. Nous disposons donc d’une base solide», souligne-t-elle, avant d’énumérer les avancées concrètes : 488 agents d’accueil formés à l’amazighe dans les administration, 11 centres d’appel activés avec 72 téléopérateurs dédiés, sans oublier l’introduction historique de la langue dans les sessions parlementaires.
La dimension symbolique de cette journée n’échappe à personne. Trois conventions de partenariat sont signées sous les applaudissements nourris de l’assistance, matérialisant ainsi la volonté politique affichée. Ces accords-cadres visent à structurer la coopération entre les institutions et à définir des mécanismes opérationnels pour la traduction et la production de textes juridiques en amazigh. La signature des trois conventions prend alors une tout autre dimension. Plus qu’un rituel protocolaire, c’est un engagement solennel. Le SGG avec l’IRCAM. Le SGG avec le ministère de la Transition numérique. Des partenariats censés débloquer la situation.
Hassan Akyoud, directeur du Centre de traduction de l’IRCAM, confirme cette analyse tout en apportant des nuances importantes. «La traduction juridique vers l’amazigh nécessite bien plus qu’une simple transposition linguistique. Il s’agit de créer une langue juridique amazighe cohérente, accessible et juridiquement sûre», explique-t-il. L’expert pointe du doigt plusieurs obstacles structurels : l’absence de terminologie juridique standardisée, le manque de formation spécialisée pour les traducteurs et la faible structuration actuelle de la langue juridique amazighe.
Ces défis techniques se doublent d’enjeux institutionnels complexes. Rachid Tounfi, chercheur à l’IRCAM, plaide pour une approche qui dépasse la simple traduction : «Nous devons viser la production directe de textes juridiques en amazigh. Cela suppose de doter l’État de capacités linguistiques et juridiques durables». Cette vision ambitieuse nécessite une refonte profonde des processus de production normative, impliquant la formation de juristes capables de rédiger directement en amazigh.
Cette révélation bouscule les idées reçues et ouvre des perspectives inédites. Les Anflas (délégués tribaux) et les Tanfloust (conseils coutumiers) constituaient des institutions juridictionnelles élaborées, produisant un droit vivant adapté aux réalités locales. «Ce patrimoine normatif constitue une base légitime pour l’élaboration d’un droit amazigh positif contemporain», argumente l’avocat, suggérant que le Maroc pourrait s’inspirer de cette tradition juridique millénaire plutôt que de partir d’une page blanche.
Cette proposition trouve un écho favorable auprès d’Ahmed Boukouss, recteur de l’IRCAM, qui rappelle le rôle pionnier de son institution : «L’Institut offre son expertise et ses conseils pour les projets majeurs visant à activer le caractère officiel de la langue amazighe. Nous soutenons activement le développement des capacités des acteurs impliqués.» Toutefois, le recteur ne cache pas sa préoccupation face aux retards accumulés : «Les mesures prévues aux articles 9 et 10 de la loi organique, ainsi que le délai fixé par l’article 31, n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre».
ministériels».
Cette vision stratégique s’articule autour de plusieurs axes prioritaires. D’abord, la création d’un référentiel juridique amazigh unifié, projet phare mentionné dans les conventions signées. Ensuite, la mise en place de formations spécialisées pour constituer un vivier de traducteurs et de juristes compétents. Enfin, l’adoption de technologies innovantes pour accélérer le processus de traduction et garantir la cohérence terminologique. La ministre de la Transition numérique détaille les mécanismes de mise en œuvre : «Le Fonds de modernisation de l’administration publique, doté d’un milliard de dirhams à l’horizon 2025, soutiendra directement ces initiatives. Nous avons également mis en place une commission centrale de pilotage et des commissions thématiques spécialisées pour assurer le suivi opérationnel».
Une mission impossible?
En effet, pour la première fois, les principaux architectes de la politique linguistique marocaine se réunissent autour d’une ambition commune : transformer la reconnaissance constitutionnelle de l’amazigh en réalité juridique tangible. Cette journée d’étude, fruit d’un partenariat tripartite entre le Secrétariat général du gouvernement, le ministère de la Transition numérique et de la réforme de l’administration, et l’Institut Royal de la culture amazighe (IRCAM), symbolise l’accélération d’un processus longtemps resté au stade des déclarations d’intention.Une mobilisation institutionnelle sans précédent
L’allocution d’ouverture de Mohamed Hajoui, secrétaire général du gouvernement, donne immédiatement le ton. «Cette rencontre s’inscrit dans le sillage des directives Royales qui n’ont cessé de souligner que la promotion de l’amazigh constitue une responsabilité nationale partagée», affirme-t-il devant un parterre de hauts responsables, de juristes et d’experts linguistiques. Le haut fonctionnaire ne cache pas l’ampleur du défi : avec moins de neuf ans pour atteindre l’objectif fixé par la loi organique 16-26, les institutions marocaines doivent désormais passer à la vitesse supérieure.
Cette urgence temporelle trouve un écho particulier dans les propos d’Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la réforme de l’administration. «Entre 2002 et 2003, l’IRCAM a déjà réalisé un nombre considérable de traductions dans des domaines variés. Nous disposons donc d’une base solide», souligne-t-elle, avant d’énumérer les avancées concrètes : 488 agents d’accueil formés à l’amazighe dans les administration, 11 centres d’appel activés avec 72 téléopérateurs dédiés, sans oublier l’introduction historique de la langue dans les sessions parlementaires.
La dimension symbolique de cette journée n’échappe à personne. Trois conventions de partenariat sont signées sous les applaudissements nourris de l’assistance, matérialisant ainsi la volonté politique affichée. Ces accords-cadres visent à structurer la coopération entre les institutions et à définir des mécanismes opérationnels pour la traduction et la production de textes juridiques en amazigh. La signature des trois conventions prend alors une tout autre dimension. Plus qu’un rituel protocolaire, c’est un engagement solennel. Le SGG avec l’IRCAM. Le SGG avec le ministère de la Transition numérique. Des partenariats censés débloquer la situation.
Les défis colossaux de la traduction juridique
Derrière l’enthousiasme affiché, les intervenants ne masquent pas l’immensité de la tâche. Taoufik Mediani, conseiller juridique au Secrétariat général du gouvernement, dresse un constat sans complaisance : «Nous devons traduire plus de 110 ans de production législative. Des milliers de textes, dont beaucoup restent en vigueur, attendent leur version amazighe». Cette accumulation historique représente un défi technique et humain considérable, d’autant plus que les ressources spécialisées font cruellement défaut.Hassan Akyoud, directeur du Centre de traduction de l’IRCAM, confirme cette analyse tout en apportant des nuances importantes. «La traduction juridique vers l’amazigh nécessite bien plus qu’une simple transposition linguistique. Il s’agit de créer une langue juridique amazighe cohérente, accessible et juridiquement sûre», explique-t-il. L’expert pointe du doigt plusieurs obstacles structurels : l’absence de terminologie juridique standardisée, le manque de formation spécialisée pour les traducteurs et la faible structuration actuelle de la langue juridique amazighe.
Ces défis techniques se doublent d’enjeux institutionnels complexes. Rachid Tounfi, chercheur à l’IRCAM, plaide pour une approche qui dépasse la simple traduction : «Nous devons viser la production directe de textes juridiques en amazigh. Cela suppose de doter l’État de capacités linguistiques et juridiques durables». Cette vision ambitieuse nécessite une refonte profonde des processus de production normative, impliquant la formation de juristes capables de rédiger directement en amazigh.
L’héritage méconnu du droit coutumier amazigh
Une autre intervention importante lors de cette journée vient d’Ahmed Arahmouch, avocat au barreau de Rabat et président du Réseau amazigh pour la citoyenneté. Devant un auditoire captivé, il rappelle l’existence historique de systèmes juridiques amazighs sophistiqués : «Du XIe au XXe siècle, les communautés amazighes ont développé des corpus normatifs codifiés, couvrant des domaines aussi variés que la justice arbitrale, l’égalité successorale entre hommes et femmes, ou encore la protection de l’environnement».Cette révélation bouscule les idées reçues et ouvre des perspectives inédites. Les Anflas (délégués tribaux) et les Tanfloust (conseils coutumiers) constituaient des institutions juridictionnelles élaborées, produisant un droit vivant adapté aux réalités locales. «Ce patrimoine normatif constitue une base légitime pour l’élaboration d’un droit amazigh positif contemporain», argumente l’avocat, suggérant que le Maroc pourrait s’inspirer de cette tradition juridique millénaire plutôt que de partir d’une page blanche.
Cette proposition trouve un écho favorable auprès d’Ahmed Boukouss, recteur de l’IRCAM, qui rappelle le rôle pionnier de son institution : «L’Institut offre son expertise et ses conseils pour les projets majeurs visant à activer le caractère officiel de la langue amazighe. Nous soutenons activement le développement des capacités des acteurs impliqués.» Toutefois, le recteur ne cache pas sa préoccupation face aux retards accumulés : «Les mesures prévues aux articles 9 et 10 de la loi organique, ainsi que le délai fixé par l’article 31, n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre».
Une stratégie nationale en construction
Face à ces défis multidimensionnels, les participants convergent vers la nécessité d’une stratégie nationale cohérente et planifiée. Le secrétaire général du gouvernement esquisse les contours de cette approche : «Il nous faut adopter une méthodologie commune pour la publication des textes législatifs et réglementaires à caractère général en langue amazighe. C’est un travail collectif qui concerne tous les départementsministériels».
Cette vision stratégique s’articule autour de plusieurs axes prioritaires. D’abord, la création d’un référentiel juridique amazigh unifié, projet phare mentionné dans les conventions signées. Ensuite, la mise en place de formations spécialisées pour constituer un vivier de traducteurs et de juristes compétents. Enfin, l’adoption de technologies innovantes pour accélérer le processus de traduction et garantir la cohérence terminologique. La ministre de la Transition numérique détaille les mécanismes de mise en œuvre : «Le Fonds de modernisation de l’administration publique, doté d’un milliard de dirhams à l’horizon 2025, soutiendra directement ces initiatives. Nous avons également mis en place une commission centrale de pilotage et des commissions thématiques spécialisées pour assurer le suivi opérationnel».
