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Transition énergétique : comment le Maroc conjugue développement et durabilité

À l’heure où le changement climatique redessine les contours des équilibres planétaires, le Maroc s’érige en acteur de la transition énergétique, combinant rigueur politique et excellence technologique. Dans ce contexte, le Moroccan Institute for Policy Analysis (MIPA) lève le voile sur une analyse critique du secteur énergétique marocain, tissée au fil des échanges entre experts, décideurs publics et acteurs de la société civile. Inscrit dans le cadre du projet régional «Pont Vert pour une Transition écologique juste» (2023-2025), ce rapport, dévoilé le 20 juin, porte un focus sur les défis majeurs et les horizons prometteurs qui jalonnent la route de la transition énergétique et de la résilience climatique du Royaume, au moment où se joue l’équilibre fragile entre impératifs environnementaux et aspirations de développement. Car les avancées du Royaume en la matière ne vont pas sans obstacles : les défis techniques, financiers et réglementaires ainsi que les impératifs sociaux imposent un travail de coordination et d’adaptation permanente des cadres normatifs et opérationnels.

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Le Maroc est aujourd’hui confronté à des pressions environnementales majeures, marquées par une désertification accélérée, un stress hydrique exacerbé et une dégradation des écosystèmes essentiels tels que les zones forestières, côtières et oasiennes. Ces phénomènes, conjugués à une élévation notable des températures moyennes et à une recrudescence des sécheresses, notamment dans les régions centrales et méridionales, menacent non seulement la biodiversité nationale mais aussi les conditions de vie et la sécurité alimentaire des populations.

Dans ce contexte, le Royaume a déployé une stratégie de transition énergétique, articulée autour d’objectifs précis et de dispositifs institutionnels renforcés, visant à réduire la dépendance aux énergies fossiles et à développer les énergies renouvelables. Cette démarche, saluée comme exemplaire au sein de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), exige toutefois une consolidation accrue face à des défis structurels variés.

Pressions climatiques et impacts environnementaux : un constat alarmant

Depuis les années 1960, le Maroc enregistre une augmentation moyenne des températures de 0,2°C par décennie, un rythme supérieur de 2% à la moyenne mondiale. Selon les données recueillies dans l’étude du Moroccan Institute for Policy Analysis (MIPA), publiée le 20 juin 2025, cette élévation thermique s’accompagne d’une intensification notable des sécheresses, particulièrement dans des zones écologiquement sensibles telles qu’Oujda, Taza, Errachidia et Béni Mellal.

En 2018, le secteur énergétique concentrait à lui seul 65,1% des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES), selon les données présentées par le MIPA. Dans ce total, la production d’électricité dominait avec 36,1% des émissions, suivie de près par le secteur du transport (29%). Ce constat met en lumière le poids considérable des infrastructures énergétiques dans la contribution au réchauffement climatique, en dépit des efforts engagés pour initier une transition vers des sources plus durables.

Mais au-delà de l’aspect environnemental, la dégradation continue des ressources naturelles (forêts, nappes phréatiques, zones côtières et oasiennes) engendre des répercussions majeures sur la santé publique, les conditions de vie et le tissu social. Cette imbrication des vulnérabilités impose, comme le souligne l’étude du MIPA, une réponse politique intégrée et rigoureuse, articulant urgence climatique, justice sociale et sécurité hydrique dans une vision stratégique de long terme.

Obstacles à surmonter pour une transition réussie

Malgré les avancées notables du Maroc en matière de transition énergétique, des contraintes structurelles continuent d’entraver la pleine concrétisation des ambitions affichées. L’étude menée souligne que les obstacles financiers figurent parmi les plus lourds : l’absence de dispositifs incitatifs suffisamment attractifs, la faiblesse des infrastructures de soutien à l’investissement vert, ainsi que la persistance de pratiques de mal gouvernance constituent autant de freins à l’accès aux mécanismes de financement climatique.

Sur le plan technique et réglementaire, le déploiement des énergies renouvelables pâtit d’un cadre juridique encore inadapté aux besoins du secteur, notamment en ce qui concerne l’intégration des petits producteurs au réseau national. Cette lacune limite la diversification de l’offre et freine l’émergence d’un tissu énergétique décentralisé.

À cela s’ajoute une fragmentation organisationnelle manifeste : l’absence de coordination efficace entre les différentes institutions et échelons de gouvernance réduit l’efficience des politiques publiques et compromet la synergie nécessaire à une transition cohérente. Enfin, les freins sociaux ne sauraient être négligés. Le déficit de sensibilisation des populations et l’absence d’une culture énergétique largement diffusée limitent l’adhésion citoyenne aux transformations en cours, pourtant essentielles à la durabilité du changement.

Le financement vert et le rôle crucial du secteur bancaire

L’étude indique par ailleurs que le secteur bancaire marocain, bien qu’ayant déjà affirmé son rôle clé dans le financement climatique, reste en deçà des exigences imposées par l’ampleur de la transition énergétique en cours. Entre 2016 et 2021, près de 3 milliards de dollars ont été consacrés au Plan Maroc Vert, tandis qu’environ 1,2 milliard de dollars a été dirigé vers les projets d’énergies renouvelables. Ces chiffres traduisent un engagement notable, mais ils révèlent également l’écart persistant entre les ressources mobilisées et les besoins croissants d’un basculement résolu vers un modèle bas carbone, déplore l’étude.

Alors que la transition énergétique ne saurait se concevoir comme un simple cumul d’initiatives isolées, la consolidation et l’élargissement des dispositifs incitatifs financiers s’imposent avec acuité. La pérennité et l’attractivité du secteur dépendent aujourd’hui, selon l’étude, de la capacité à élaborer des mécanismes novateurs, conciliant rigueur économique et impératifs de durabilité. Il s’agit, en ce sens, de rediriger les flux financiers avec discernement vers les filières à faible intensité carbone, tout en renforçant la confiance des investisseurs et en architecturant une offre bancaire adaptée à la complexité et à la diversité des projets verts. Cette mutation financière est indispensable pour asseoir les fondations d’une transition énergétique ambitieuse et résiliente, insiste l’étude.

Recommandations stratégiques pour accélérer la transition

Une refonte rigoureuse du cadre législatif s’impose alors, pour offrir un terreau favorable au développement des projets énergétiques de petite et moyenne envergure, souvent porteurs d’innovation et d’adaptation locale, recommande l’étude. Ce chantier juridique doit s’accompagner d’une gouvernance intégrée, impliquant une multiplicité d’acteurs (publics, privés et associatifs) et s’appuyer sur des mécanismes de suivi et d’évaluation rigoureux, gages de transparence et d’efficacité.

Parallèlement, la décentralisation énergétique apparaît comme un levier fondamental pour diversifier l’offre et renforcer la résilience des territoires. Encourager les initiatives locales et communautaires, en valorisant les ressources endogènes telles que la biomasse agricole ou les déchets organiques, c’est ouvrir la voie à une transition plus juste et adaptée aux spécificités régionales, propose l’étude.

Pour accompagner ce mouvement, les investissements doivent être stimulés par des partenariats public-privé renouvelés et solidement encadrés. L’octroi d’incitations fiscales ciblées aux entreprises œuvrant dans les filières vertes, ainsi que la promotion d’une production locale d’équipements, constituent, selon l’étude, des priorités afin de réduire la dépendance technologique et de consolider une industrie nationale durable.

Au cœur de cette dynamique, la formation technique et le développement des compétences locales jouent un rôle irremplaçable. Il s’agit d’outiller les professionnels pour qu’ils maîtrisent les spécificités liées à l’installation, à la maintenance et à la gestion des infrastructures renouvelables, gages d’un déploiement efficace et pérenne, insiste l’étude du MIPA.

La recherche appliquée doit, elle aussi, bénéficier d’un soutien accru, particulièrement dans les domaines stratégiques que sont la réduction des coûts technologiques, le développement de l’hydrogène vert et la modélisation des vulnérabilités climatiques. Le renforcement des liens entre universités, centres de recherche et secteur privé est essentiel pour stimuler l’innovation et assurer une réactivité face aux défis émergents.

Enfin, l’étude met l’accent sur la sensibilisation qui constitue la «pierre angulaire» d’une transition énergétique réussie. Diffuser une culture énergétique solide, à travers des campagnes médiatiques ciblées, des programmes éducatifs ambitieux et la création de centres d’information territoriaux, permet de faire des citoyens des acteurs éclairés et engagés, capables de porter le changement avec conviction et responsabilité.
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