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Violence contre les femmes : ce qui a changé depuis l’adoption en 2018 de la loi 103.13

La Chambre des représentants a organisé, ce mardi, en partenariat avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), une rencontre d’étude sur «Les conditions et circonstances de mise en application de la loi n°103.13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes». L’occasion d’échanger autour des problématiques juridiques, réglementaires et pratiques ayant trait à la mise en application de ce texte. Les échanges ont été notamment marqués par l’intervention du ministère de la Justice qui a mis en exergue les progrès réalisés et les contraintes entravant une bonne application de cette loi.

Les participants à la rencontre d’étude organisée, ce mardi 3 octobre à la Chambre des représentants, autour des conditions et modalités d’application de la loi n°103.13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes se sont penchés sur les problèmes juridiques, réglementaires et opérationnels liés à la mise en œuvre de ce texte de loi, ainsi que les approches et mécanismes possibles pour les résoudre. Au cours de la première séance de travail de cette rencontre, et dans une allocution lue au nom du ministre de la Justice, il a été souligné qu’il était encore trop tôt pour évaluer la mise en œuvre de la loi 103.13, adoptée il y a 5 ans, avec son décret d’application, étant donné que le temps écoulé depuis son entrée en vigueur est relativement court, tout comme il est difficile aujourd’hui de parler de carences substantielles dans cette loi, considérée comme un acquis important.

>>Lire aussi : Leila Rhiwi : La violence à l’égard des femmes n’est pas une fatalité

Toutefois, et en attendant que les conditions objectives pour amender cette loi soient réunies, le ministère de la Justice a présenté un certain nombre de propositions pour modifier le Code pénal afin de renforcer la protection juridique des femmes victimes de violence. Ainsi, précise-t-on, le ministère veille à mettre en œuvre une politique pénale protectrice basée sur une approche de genre, et ce dans le cadre de la poursuite de l’application des engagements nationaux et internationaux du Maroc en faveur des droits des femmes en général, et des femmes victimes de violence en particulier, ainsi que dans celui de la mise en œuvre des Hautes Directives Royales visant à réformer en profondeur le système de la justice.

Prise en charge des femmes victimes de violences : des progrès importants accomplis

Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi 103.13, le ministère de la Justice a adopté un ensemble de mesures et d’initiatives, tout en adhérant pleinement au programme de coopération internationale visant à améliorer les performances des Cellules de prise en charge des femmes et des mineurs victimes de violences, indique-t-on. Les chiffres relatifs aux activités de ces Cellules font apparaître une augmentation significative des actions menées par les assistantes et les assistants sociaux qui, en 2021, ont assuré 84.458 accueils, 42.047 séances d’écoute et 617 enquêtes sociales.

S’agissant des moyens financiers nécessaires à l’application de cette loi, le ministère affecte des enveloppes substantielles à l’appui et à l’équipement de ces unités, ainsi qu’à la mise en place de conditions adéquates pour leur travail. Les architectes chargés de dessiner les plans des tribunaux sont désormais tenus d’inclure ces unités dans ces plans, tout en veillant à ce qu’elles soient situées au bon emplacement, avec une porte d’accès spécifique donnant sur l’avenue et à proximité de l’entrée principale du tribunal.

En outre, étant donné que l’accès à la justice est l’un des droits fondamentaux des citoyens, et pour faciliter l’accès des femmes à l’exercice de ce droit, le ministère de la Justice a œuvré à la qualification du service d’assistance sociale. Dans ce contexte, et du fait de la loi 38.15 relative à l’organisation judiciaire, définitivement adoptée en juillet dernier, le ministère a entrepris de créer des bureaux d’aide sociale dans tous les tribunaux de première instance et les Cours d’appel, ce qui est une avancée sans précédent. Les missions assignées à ces bureaux consistent à :

• Accueillir, écouter, orienter et accompagner les femmes victimes de violence,

• Mener des enquêtes sociales,

• Effectuer des visites d’inspection dans les centres d’hébergement,

• Assurer le suivi des décisions et mesures judiciaires,

• Assurer le suivi de la situation des femmes victimes de violences.


Toutes ces missions, explique-t-on, requièrent une formation pertinente et un haut niveau de professionnalisme et de concertation avec l’ensemble des acteurs institutionnels et de la société civile. Et pour assurer cette mission, le ministère a procédé récemment au recrutement de 100 assistants sociaux, qui s’ajoutent aux 312 déjà en poste. Ce recrutement a été conçu pour répondre aux exigences de représentativité territoriale, puisque des concours ont été organisés dans chaque région, avec une exigence de maîtrise de la langue amazighe (tarifit, tachilhit et hassania, en fonction des régions), indique-t-on.

Contraintes liées à la mise en œuvre de la loi 103.13

Des contraintes liées à la mise en œuvre de la loi 103.13 ont également été identifiées par le ministère de la Justice. Celles-ci portent notamment sur :

• Un décalage dans l’appréhension des dispositions de cette loi par les différentes parties prenantes. En conséquence, ces parties n’appliquent pas cette loi de manière uniforme.

• Une mise en œuvre incomplète et partielle des dispositions de la loi, notamment en matière de prévention et de protection.

• L’augmentation persistante de la violence physique à l’égard des femmes, tant dans les zones urbaines que rurales, même si les résultats de la première enquête nationale menée par le HCP montrent que la violence psychologique arrive en tête.

• Le taux de violence à l’égard des femmes reste généralement élevé dans toutes les régions, et la mise en œuvre effective de la loi 103.13 prendra du temps.

• Le fait que l’époux reste le principal auteur de violences envers les femmes, de sorte que la mesure par le biais de laquelle le tribunal le soumet à une thérapie psychologique appropriée reste hors de portée.

• Les commissions régionales et locales chargées de coordonner les différentes interventions de toutes les parties concernées par la violence à l’égard des femmes restent loin d’atteindre leurs objectifs, compte tenu du fait qu’elles sont placées sous supervision judiciaire, si bien que les mesures prises revêtent un caractère fort judiciaire.
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