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Les parlementaires décortiquent les lacunes de la loi sur la violence faite aux femmes

Légèreté des peines en cas de violence intrafamiliale, faible protection des victimes, ce qui induit leur exposition à de nouvelles violence, difficulté à classifier les délits, difficulté à authentifier les violences conjugales et domestiques, ce qui fait que les auteurs échappent à toute poursuite judicaire. Ces problématiques et bien d’autres ont été soulevées, mardi dernier, par le rapport d’évaluation des conditions et des modalités de mise en œuvre de la loi n°103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes, réalisé par un groupe thématique parlementaire et présenté lors de la séance annuelle consacrée à l'évaluation des politiques publiques à la Chambre des représentants.

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Cinq années après sa mise en œuvre, la loi n°103.13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes a fait l’objet d’une évaluation qui a porté sur les conditions et modalités de son application.

Réalisée par un groupe thématique parlementaire, cette évaluation a fait l’objet d’un rapport qui a été présenté et discuté mardi dernier, lors de la séance annuelle consacrée à l'évaluation des politiques publiques à la Chambre des représentants.

Des lacunes à combler

Les élaborateurs de ce document pointent ainsi du doigt plusieurs problématiques relevées dans la pratique. Il y a lieu de citer l’impunité des agresseurs, l’abandon par les victimes de violence sexuelle des poursuites judiciaires lorsque la violence est intrafamiliale (les agresseurs sont des proches) et la difficulté de prouver la violence. Dans le détail, le rapport soulève la question de l’absence de mesures préventives claires visant à prévenir la violence contre les femmes, les textes se limitant à des termes vagues. Une lacune qui a eu pour conséquence de ne pas pouvoir disposer de mécanismes forts pour lutter contre l'impunité et a fait que les auteurs de ces actes échappent souvent à toute condamnation. Le document point en outre du doigt une certaine négligence relevée chez les autorités publiques chargées de la mise en œuvre de la loi, en matière d’évaluation des risques pouvant menacer la vie d’une victime, une fois que cette dernière porte plainte, ce qui a eu pour conséquence l’exposition de la victime à de nouvelles violences.

Des peines souvent légères

Par ailleurs, l’analyse d’un ensemble de décisions judiciaires relatives à la violence sexuelle a permis de relever le recours des magistrats à des peines légères lorsque l’auteur entretient un lien de parenté avec la victime. En effet, bien que la loi exige l'aggravation de la peine en cas de violence contre les proches, les tribunaux accordent souvent à l'accusé des circonstances atténuantes et suspendent, dans certains cas, l'exécution de la peine lorsque la plaignante renonce à sa plainte. À noter que certains tribunaux vont même jusqu’à incriminer les victimes plaignantes !

D’autres difficultés sont par ailleurs relevées, note le rapport, en matière de qualification de certains délits, tels que l'abandon familial, l'expulsion du domicile conjugal et le refus de la réintégration de l’épouse au domicile. En effet, les magistrats sont souvent partagés et hésitent à classifier ces délits comme relevant de la violence économique ou psychologique. Il en va de même pour les enlèvements, la séquestration et les menaces contre les femmes, qui peuvent constituer de la violence physique ou psychologique.

Un système de protection défaillant

S’agissant de la question relative à la preuve des crimes de violence contre les femmes, le rapport a conclu que bien que le législateur ait durci les peines pour certains crimes et criminalisé de nouveaux actes qui ne l'étaient pas auparavant, il a soumis la preuve de ces crimes aux règles générales de preuve, telles qu'elles sont prévues dans le Code de procédure pénale. Une disposition qui a fait qu’un certain nombre de tribunaux refusent de se baser uniquement sur le témoignage de la victime et lui impose d'apporter la preuve de ce à quoi elle a été exposée, ce qui rend la preuve du crime pratiquement impossible, particulièrement lorsque les victimes dénoncent des crimes de violence conjugale et domestique, qui se déroulent souvent dans des espaces fermés, tard dans la nuit et dans des lieux privés. Une situation qui renforce l'hésitation des victimes à signaler le crime et les pousse même à renoncer à porter plainte ou à aller jusqu'au procès.

Par ailleurs le rapport a pointé la défaillance du système de protection des femmes victimes de violence. En effet, note le document, il existe une faible mise en œuvre des mesures de protection et de suivi psychologique, qui varie d'ailleurs d’un tribunal à l’autre. En outre, les dispositions de la loi actuelle ont omis de préciser la partie qui supporterait le coût de la prise en charge médicale de la victime (l’accusé ou l’État). De même, la loi a négligé de faire allusion à la nécessité de prévoir une assistance judiciaire gratuite aux femmes victimes de violence, comme c'est le cas dans la loi relative à la traite des êtres humaines.

Des mesures urgentes à appliquer

S’agissant des recommandations, le rapport a préconisé la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures. Le groupe thématique a ainsi appelé dans ce document à la création de centres d'autonomisation économique pour les femmes en tant que mesure préventive pour les protéger contre toute forme de violence ou d'exploitation. Il a été par ailleurs recommandé d'instituer des mécanismes et des garanties pour empêcher le contact entre l'agresseur et la victime, tels que les bracelets électroniques et les dispositifs de surveillance domiciliaire. Le rôle crucial de la police judiciaire a été également mis en avant pour prouver les crimes de violence contre les femmes, notamment en menant des recherches, en effectuant des déplacements et des inspections, ainsi que pour garantir le droit au double recours (recours en injonction et recours civil) et considérer le témoignage de la victime comme une preuve dans les deux cas.

En ce qui concerne la prise en charge des femmes victimes de violence, le groupe de travail a plaidé pour le renforcement du personnel chargé de l'application de la loi au niveau de la police judiciaire et des tribunaux, y compris le personnel d’assistance sociale, et pour l'amélioration de l’accès aux services pour les femmes victimes de violence dans les zones rurales. Les recommandations soulignent également l’importance d'augmenter le budget du ministère chargé des Femmes de manière à faciliter la mise en œuvre des différents mécanismes et procédures liés à la lutte contre la violence à l'égard des femmes, ainsi que l'allocation de fonds par les départements impliqués dans l’application de la loi pour mettre en œuvre les procédures qui relèvent de leur compétence.

Le rapport souligne par ailleurs l’importance d’augmenter les allocations financières pour les soins, l'hébergement et l'accueil et d’en faire une priorité pour les départements concernés, de fournir des financements suffisants à la Commission nationale pour la prise en charge des femmes victimes de violence et aux commissions régionales et locales, d'augmenter les ressources humaines travaillant dans ce domaine et de valoriser le rôle des travailleurs sociaux dans le processus de lutte contre ce phénomène.

Enfin, et dans le souci de garantir la durabilité de la loi, le groupe de travail thématique a proposé la formation d’un comité spécial chargé de surveiller la mise en œuvre des recommandations et la création d’une plateforme participative dotée d’indicateurs efficaces pour suivre et évaluer les résultats obtenus. Il appelle également à intensifier les efforts médiatiques pour sensibiliser l’opinion publique à la lutte contre les stéréotypes de genre.
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