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Ce qu'il faut faire pour développer la transplantation d’organes au Maroc (Amal Bourquia)

Bien que des lois et des infrastructures soient en place, le Maroc peine à développer la transplantation d’organes, notamment les dons post-mortem. À l’occasion de la Journée mondiale du don et de la transplantation d’organes, Pre Amal Bourquia, néphrologue et présidente de l’association «Reins», dresse un état des lieux préoccupant de cette pratique au Maroc. Dans cet entretien accordé au journal «Le Matin», elle appelle à une mobilisation collective pour relancer cette pratique salvatrice et évoque des solutions juridiques et technologiques qui pourraient transformer la situation dans les années à venir.

Amal Bourquia.
Amal Bourquia.
Le Matin : Quelle est la situation actuelle du don d’organes et des greffes au Maroc ?

Pre Amal Bourquia : Au Maroc, bien que la législation et les infrastructures existent, la pratique de la transplantation d’organes reste encore sous-développée. Pour le rein, presque le seul organe transplanté dans le pays, on recense environ 640 transplantations rénales depuis 1986, avec une forte dépendance aux dons d’organes de personnes vivantes. Le nombre d’inscrits sur les registres pour le don post-mortem est toujours dérisoire, ne dépassant pas 1.300 personnes. Le taux de dons d’organes post-mortem reste très faible par rapport à d’autres pays comme l’Arabie Saoudite. Cette situation rappelle, une fois de plus, le besoin urgent de renforcer la sensibilisation, les ressources médicales et les politiques publiques. Le développement de la transplantation d’organes au Maroc pour sauver des vies est un véritable défi national.

>> Lire aussi : Transplantation d’organes : Il y a un besoin accru d’information même chez les médecins (Pre Amal Bourquia)

Quelles initiatives ont été mises en place pour sensibiliser le public à l’importance du don d’organes et comment évaluez-vous leur efficacité ?

Très peu d’initiatives ont été entreprises pour promouvoir le don d’organes, la grande majorité étant réalisée par l’association «Reins», à travers des campagnes médiatiques et des efforts de sensibilisation via des publications, des médias et les réseaux sociaux. «Reins» joue un rôle clé, mais l’impact global reste limité en raison du manque de diffusion à grande échelle. Il est nécessaire d’intensifier les campagnes et d’impliquer davantage les autorités publiques et la société civile pour accroître la sensibilisation et l’inscription des donneurs.

Quels sont les défis et les avantages associés aux dons d’organes de personnes vivantes par rapport aux dons post-mortem au Maroc ?

Les dons d’organes de personnes vivantes, comme les dons de rein ou de foie, sont plus couramment utilisés au Maroc, car les dons post-mortem restent rares en raison de défis culturels et logistiques. Toutefois, les dons de vivants comportent des risques pour le donneur, notamment des complications chirurgicales et des répercussions sur sa santé à long terme. Les dons post-mortem pourraient grandement augmenter le nombre d’organes disponibles sans mettre en danger la santé des donneurs, mais cela nécessite une meilleure coordination et un travail conjoint de plusieurs équipes médicales.

Comment la culture marocaine influence-t-elle les attitudes envers le don d’organes ?

En effet, la culture marocaine et les croyances religieuses influencent fortement la perception du don d’organes. Certaines interprétations religieuses et des tabous entourant la mort et l’intégrité du corps peuvent freiner les dons post-mortem. Cependant, plusieurs «Fatwas» et la législation marocaine ont clarifié que le don d’organes est permis dans l’Islam s’il permet de sauver une vie. Une meilleure éducation religieuse et un dialogue plus ouvert pourraient contribuer à dissiper certains malentendus.

Comment peut-on, selon vous, améliorer la situation du don d’organes et des greffes au Maroc dans les années à venir ?

Il est essentiel d’intensifier les efforts de sensibilisation, de rendre le processus de don plus accessible et transparent, et d’encourager l’inscription des donneurs volontaires. Nous avons élaboré des recommandations issues d’une réflexion collective pour une vraie relance du don et de la transplantation d’organes au Maroc qui résument l’ensemble des actions à entreprendre pour relancer véritablement la transplantation d’organes, une thérapeutique que nous avons lancée il y a plus de 34 ans. Un des volets essentiels est le juridique ; on devrait privilégier le registre de refus et considérer toute personne n’ayant pas exprimé de son vivant son refus comme volontaire potentiel au don. Les hôpitaux doivent être mieux équipés et formés pour gérer les transplantations d’organes, avec des équipes médicales spécialisées.

En cette Journée mondiale du don et de la transplantation d’organes, «Reins» rappelle encore une fois l’importance d’une mobilisation collective et d’essayer d’engager quelques-unes des actions issues de cette réflexion. La réussite de cette pratique salvatrice dépend d’un effort global impliquant non seulement les acteurs de la santé, mais aussi les décideurs politiques, les technologues et les communautés locales. Le numérique, l’environnement et les enjeux sociaux sont intimement liés dans ce domaine, et seule une approche intégrée permettra de maximiser l’impact des transplantations tout en minimisant les disparités et les effets néfastes sur notre planète.

Quelles avancées récentes dans les techniques de transplantation et de soins post-opératoires ont été observées dans le pays ?

De grandes améliorations ont été observées à l’échelle mondiale dans la gestion des soins postopératoires, réduisant ainsi le taux de rejet des organes et les complications post-greffe. Cependant, le Maroc n’a pas enregistré de progrès significatifs en matière d’introduction de nouvelles technologies pour les greffes de donneurs vivants ou de donneurs en état de mort cérébrale. Une bonne collaboration entre les centres médicaux et la potentialisation des compétences pourrait contribuer à améliorer cette situation par exemple à recourir des robots introduits récemment au Maroc dans la chirurgie des transplantations.

Comment l’intelligence artificielle pourrait-elle contribuer à améliorer les processus de matching et de gestion des greffes d’organes au Maroc, et quelles sont les applications potentielles déjà explorées ou mises en œuvre ?

Les avancées dans les technologies numériques transforment le processus de don et de greffe d’organes, en facilitant le suivi des donneurs, l’optimisation des transplantations et la gestion des patients en attente de greffe. L’intelligence artificielle (IA) pourrait jouer un rôle clé dans l’amélioration des processus de matching entre donneurs et receveurs, en analysant des données complexes comme la compatibilité tissulaire et les antécédents médicaux, et pourrait aider à la gestion des listes d’attente et à la prédiction des risques de rejet. L’IA pourra déterminer comment le corps d’un patient réagit aux immunosuppresseurs et guider les traitements médicamenteux pour n’administrer que la dose minimale nécessaire. Bien que l’IA ne soit pas encore largement utilisée dans le domaine des greffes au Maroc, son potentiel est prometteur, et des initiatives pourraient être lancées pour explorer cette technologie, en collaboration avec des experts en santé numérique. L’IA deviendra un outil décisionnel important pour les médecins et les innovations en la matière pourraient façonner un bon avenir pour la transplantation d’organes. Le recours à cet outil précieux pour améliorer les résultats pour les patients et sauver des vies pourrait transformer le paysage des dons et des transplantations d’organes au Maroc dans les années à venir.
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