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Jeudi 22 Mai 2025
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Crèches clandestines : Décès de deux nourrissons à Casablanca, le débat relancé

Le décès tragique de deux nourrissons dans une crèche clandestine à Casablanca remet brutalement sur la table la question de la sécurité des enfants dans les structures de garde non réglementées. En effet, ces crèches, gérées par des femmes sans formation et souvent installées dans des conditions insalubres, représentent un véritable danger pour les plus vulnérables. Dans ce contexte, il devient urgent d'agir. La nécessité d'une régulation stricte et d'une réforme législative s’impose plus que jamais pour garantir non seulement la sécurité des enfants, mais également l’encadrement des nourrices dans des conditions dignes et sûres.

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Le drame qui a frappé deux familles à Casablanca est d’une ampleur indescriptible. Deux nourrissons, âgés de 8 mois et 2 ans, ont perdu la vie dans une crèche informelle. Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes exactes de cette tragédie, mais il est déjà évident que cet incident cache des pratiques interdites mais tolérées. En effet, les crèches «irrégulières», qui se multiplient dans les quartiers populaires du Maroc, représentent un véritable danger pour les enfants en bas âge. Ces établissements non autorisés sont souvent gérés par des femmes sans aucune formation, qui transforment leurs maisons – parfois une simple chambre – en lieux d’accueil pour les enfants, sans respecter les normes de sécurité et d’hygiène qui doivent être de rigueur dans de telles structures. Ce phénomène a d’ailleurs fait l’objet d’une enquête approfondie menée par «Le Matin» dans le cadre de notre émission «Lkessa ou mafiha», ayant permis de jeter la lumière sur ce phénomène.

Une tragédie annoncée

L’enquête avait en effet révélé des conditions de garde inacceptables : les enfants sont souvent logés dans des pièces trop petites, mal ventilées et insalubres. Mais ce n’est pas tout. Des témoignages de parents ont mis en évidence des pratiques inhumaines parfois : des enfants qu’on contraint de dormir en leur administrant des médicaments, des nourrissons négligés, laissés dans leurs couches sales pendant des heures, ou encore des violences physiques pour faire cesser les pleurs – coups, tirages de cheveux et même des enfants attachés à des lits pour les empêcher de bouger. Mais le plus révoltant est, que ces enfants, totalement vulnérables, sont incapables de se défendre. Ne pouvant alerter leurs parents ni protester, ils restent les victimes silencieuses d’un système qui les expose à des dangers constants, sans qu’aucune personne n'intervienne à temps pour les protéger.
Les parents, souvent contraints de travailler pour subvenir aux besoins de leur famille, sont pris entre le marteau et l’enclume. Ils n’ont d’autre choix que de confier leurs enfants aux propriétaires de ces crèches avec tous les risques que cela représente pour leur progéniture. Car, si un grand nombre de parents se tournent vers ces crèches «illégales», c’est en grande partie en raison des tarifs attractifs qu’elles proposent. Les tarifs mensuels varient entre 500 et 1.500 dirhams, bien loin des 3.000 dirhams, voire plus, demandés par les crèches qui travaillent selon les normes réglementaires imposées par la loi. Dans des quartiers populaires où les options sont rares et les salaires souvent faibles, ces crèches deviennent une solution pour ne pas dire un pis-aller. La flexibilité des horaires, souvent étendue jusqu’à 18 h, voire plus, constitue également un argument de taille pour les parents cherchant à concilier travail et garde d'enfants.

Une régulation nécessaire, mais pas d’interdiction

Compte tenu de toutes ces considérations, les experts s’accordent à dire que l’interdiction pure et simple des crèches irrégulière ne réglerait pas le problème. Ces structures répondent à un besoin immédiat pour les familles vulnérables, notamment celles où les deux parents travaillent. Mais laisser l'activité sans régulation n'est pas une option envisageable non plus. La solution, selon ces experts, réside dans l’instauration d’un cadre législatif clair qui permettra de garantir la sécurité des enfants avec des normes strictes en matière de sécurité, d’hygiène, de formation des nourrices et de contrôle des établissements.
Par ailleurs, il est essentiel d’imposer une limitation du nombre d'enfants par nourrice, et de mener des inspections régulières pour vérifier le respect des règlements en vigueur. Il est également crucial de souligner que la régulation de cette activité est indispensable pour répondre à un autre enjeu majeur : l’autonomisation financière des femmes et leur accès au marché de l’emploi. En encadrant au mieux ces structures, on permettra non seulement de protéger les enfants, mais aussi d’offrir aux nourrices une possibilité d’exercer leur métier dans de meilleures conditions, tout en contribuant à l’équilibre socio-économique des familles.

Déclaration de Naïma Benyahia, ministre de la Solidarité, de l'insertion sociale et de la famille

«Il est évident que la question des conditions d’accueil des enfants, en dehors des structures officiellement reconnues, mérite une grande vigilance. Conscient de ces enjeux, notre ministère a engagé une étude approfondie sur la protection sociale, incluant une analyse comparée des bonnes pratiques internationales en matière d’accueil d’enfants à domicile. Cette réflexion nous a conduit à envisager la nécessité de mettre en place un cadre réglementaire précis pour toute activité d'accueil, afin de garantir un environnement sûr et adapté. Nous avons également lancé la réforme de la loi sur les travailleurs sociaux, un texte législatif dans lequel des avancées considérables ont été réalisées. Cette loi veillera à ce que seules les personnes formées et qualifiées puissent intervenir dans le domaine social. Elle définira clairement les métiers sociaux, les qualifications nécessaires et offrira la possibilité d'un complément de formation pour améliorer les pratiques de prise en charge des enfants et des familles. Ce cadre législatif permettra, in fine, de mieux encadrer l'ensemble du secteur social et d’améliorer la sécurité des enfants et des familles.»
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