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Des températures élevées en décembre : les explications des experts d’un hiver en attente

La météo au Maroc semble avoir perdu toute logique saisonnière. Après un début d’automne frisquet marqué par des intempéries et des chutes de neige, les températures sont soudainement remontées à des niveaux anormalement élevés, perturbant ainsi le rythme quotidien des populations. Ces perturbations soulèvent des questions sur la capacité du pays à faire face à des dérèglements climatiques de plus en plus fréquents. Explications des experts.

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Le mois de décembre annonce traditionnellement l'arrivée des premières vagues de froid, mais cette année, il déroute les attentes. Après une baisse des températures en octobre, marquée par des pluies et même des chutes de neige qui laissaient présager un automne classique, le climat s'est vite retourné.

Depuis, les températures sont reparties à la hausse et persistent à des niveaux inhabituels pour la saison, reportant l'arrivée du froid hivernal. «On ne sait plus comment s’habiller. Le matin, il fait frais, mais dès midi, on croirait qu’on est toujours en été. Cette instabilité nous rend vulnérables, et je suis tombé malade plusieurs fois à cause de ces changements brusques», se plaint Sofia, 42 ans. Hamid, père de famille, partage un sentiment similaire. «Mes enfants sont souvent malades ces derniers temps. Ils sortent en pull le matin, et rentrent en sueur l’après-midi. On espérait un temps plus frais en décembre, malheureusement, c’est loin d’être le cas. On aimait bien cette période où il faisait froid dès novembre, où l’on sortait les gros manteaux et où l’on savourait des boissons chaudes pour se réchauffer. Cela nous manque vraiment. Maintenant, c’est comme si l’été s’éternisait, nous laissant dans une étrange attente de l’hiver».

Un anticyclone saharien bouleverse les températures

Selon Houssein Youabed, responsable de la communication à la Direction générale de la météorologie (DGM), cette situation anormale s’explique par des dynamiques atmosphériques complexes. «À partir de la semaine du samedi 23 novembre 2024, le Maroc a connu une hausse significative des températures, particulièrement dans les régions du Sud, du Centre et des plaines de l’Atlantique nord. Ce phénomène est dû à un anticyclone positionné sur l’Afrique du Nord, qui, combiné à une dépression en Europe occidentale, a favorisé la remontée de masses d’air chaud et sec en provenance du Sahara», a déclaré à Youabed au journal «Le Matin». Et de préciser que «les conséquences de ces perturbations ne se sont pas fait attendre. Les températures relevées ont dépassé les moyennes saisonnières, avec des écarts allant de 3 à 12 degrés Celsius. Par exemple, Rabat a atteint 34 °C, alors que la moyenne saisonnière est de 20 °C. Mohammedia, de son côté, a enregistré 33,4 °C», précise Youabed.

Pour cette première semaine de décembre, la tendance devrait progressivement s’inverser. «L’anticyclone demeure centré sur l’Afrique du Nord, mais une légère baisse des températures est attendue sur les plaines du Nord et du Centre», ajoute le météorologue. Les conditions météorologiques durant cette semaine seront globalement stables sur l’ensemble du pays, bien qu’elles soient un plus au-dessus de la moyenne saisonnière. Ainsi, le Maroc reste sous l’influence d’une météo capricieuse qui retarde l’arrivée de l’hiver. Une situation qui soulève des questions sur les impacts à long terme de ces perturbations climatiques inhabituelles.

Un climat marocain bouleversé par le réchauffement climatique

En effet, ces anomalies météorologiques sont symptomatiques des bouleversements climatiques qui touchent le pays depuis plusieurs décennies. Dr Abderrahim Haidar, spécialiste en sciences de l’environnement, explique que ces changements sont liés à l’intensification du réchauffement climatique. «Il faut savoir que le réchauffement climatique mondial impacte directement le climat marocain, intensifiant les vagues de chaleur, même en hiver. Bien que le littoral marocain, long de 3.500 km, bénéficie généralement d’hivers doux et pluvieux, les températures anormalement élevées sont amplifiées par les masses d’air chaud en provenance du Sahara. Le faible couvert nuageux accentue également l’ensoleillement, réchauffant rapidement les zones arides et semi-arides. Par ailleurs, dans les zones urbaines, la densité des infrastructures crée un effet d’îlot de chaleur qui aggrave les températures locales», explique Dr Haidar. «Ainsi, le Maroc connaît des hivers plus chauds, des périodes de sécheresse prolongées et une diminution des précipitations essentielles à l’agriculture et aux ressources en eau. Ces perturbations menacent directement les écosystèmes fragiles du pays ainsi que son économie, largement tributaire des ressources naturelles», affirme-t-il.

Le spécialiste insiste, également, sur les causes profondes de ce réchauffement à savoir l’augmentation des gaz à effet de serre, principalement dû à la combustion d’énergies fossiles. Ces gaz piègent la chaleur dans l’atmosphère, créant un déséquilibre radiatif qui amplifie les températures, même en hiver.

Des conséquences déjà visibles

Les impacts de ces anomalies climatiques se font déjà ressentir notamment à travers la diminution des ressources en eau, les risques accrus d’incendies de végétation, la dégradation des sols et le stress hydrique exacerbant la désertification. «Les zones arides et semi-arides, comme le Souss, le Saïss et le sud du pays, sont les plus touchées. Les rivières et réservoirs subissent une baisse significative de leur débit, et dans les montagnes de l’Atlas et du Rif, la neige fond plus tôt en raison des températures élevées», souligne Dr Haidar.

Ces phénomènes perturbent également la biodiversité. Les cycles de reproduction et de migration de la faune sont affectés, et les écosystèmes agricoles sont soumis à des changements imprévisibles, menaçant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des populations rurales.

Une adaptation essentielle, mais insuffisante

Face à ces défis environnementaux croissants, le Maroc s’efforce néanmoins de tirer parti de sa géographie et de ses ressources naturelles pour limiter les impacts du changement climatique. «Pour limiter ces impacts, il est crucial de renforcer les stratégies de gestion des ressources naturelles, de promouvoir des pratiques agricoles durables et de restaurer les écosystèmes dégradés. D’une part, nous disposons d’un potentiel pour les énergies renouvelables à savoir les vastes espaces sahariens propices au développement de centrales solaires (Noor Ouarzazate, par exemple). De même, les côtes peuvent exploiter l'énergie éolienne. D’autre part, le Maroc investit dans des barrages et des projets de dessalement pour contrer le stress hydrique en vue de sécuriser ses Infrastructures hydrauliques. En plus, la stratégie de reforestation et de préservation des écosystèmes montagneux aide à lutter contre l'érosion et à maintenir les réserves en eau».

Le Maroc se trouve donc à un tournant critique. Si les initiatives pour s'adapter et limiter les impacts du réchauffement climatique sont encourageantes, elles soulignent aussi l'urgence d'agir davantage. Alors que les saisons se décalent et perdent de leur prévisibilité, on ne peut que se demander si nous sommes réellement préparés à affronter un avenir où les anomalies climatiques pourraient devenir la norme...

Impact des changements climatiques sur la santé : les explications de Dr Ayman Aït Haj Kaddour

Des températures élevées en décembre : les explications des experts d’un hiver en attente

Le Matin : Quelles sont les principales conséquences des fortes chaleurs sur la santé, en particulier à cette période de l'année ?

Dr Ayman Aït Haj Kaddour : Les fortes chaleurs en dehors des périodes habituelles peuvent avoir plusieurs conséquences sur la santé. Il s’agit notamment du déséquilibre thermique et la déshydratation. En effet, les températures élevées augmentent la transpiration, ce qui peut entraîner une déshydratation, surtout chez les personnes âgées, les enfants et les patients atteints de maladies chroniques. Ces conditions météorologiques provoquent aussi une exacerbation des maladies respiratoires. Les fortes chaleurs, combinées à une pollution accrue (ozone, particules fines), aggravent des maladies respiratoires chroniques comme l'asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Les variations de température entre la journée et la nuit augmentent également la sensibilité des voies respiratoires, favorisant les infections saisonnières telles que les rhumes et bronchites. Les températures anormalement élevées prolongent aussi la saison de pollinisation de certaines plantes, ce qui intensifie les allergies respiratoires comme la rhinite allergique. Enfin, cette situation a un impact sur le système immunitaire, car les changements climatiques brusques fatiguent l’organisme et peuvent affaiblir les défenses immunitaires, rendant les individus plus vulnérables aux infections bactériennes et virales (grippe, Covid-19...).

Quels groupes de population sont les plus vulnérables face à ces conditions climatiques inhabituelles ?

Certains groupes sont, en effet, particulièrement sensibles aux effets des fortes chaleurs comme les personnes âgées, car leur capacité à réguler la température corporelle est réduite, augmentant le risque de déshydratation, d’insolation et de troubles cardiovasculaires. Les nourrissons et enfants en bas âge, du fait que leur système thermorégulateur est encore immature, ce qui les rend plus vulnérables aux coups de chaleur et aux infections. Aussi, les personnes atteintes de maladies chroniques, notamment celles souffrant de maladies cardiaques, respiratoires ou rénales, car la chaleur aggrave ces conditions. Sans oublier les travailleurs en extérieur comme les agriculteurs, les ouvriers et autres professionnels exposés aux températures élevées qui risquent des coups de chaleur et des problèmes de déshydratation.

Quels conseils donneriez-vous aux citoyens pour s’adapter à ces conditions inhabituelles tout en se préparant à un éventuel retour à des températures hivernales normales ?

Ces fortes chaleurs en décembre sont un signal clair des changements climatiques en cours, ce qui nécessite une adaptation à long terme, tant au niveau individuel que sociétal. Voici quelques recommandations pour préserver la santé dans ces conditions climatiques : 1. Hydratation régulière : Boire au moins 1,5 à 2 litres d’eau par jour, même sans sensation de soif, pour éviter la déshydratation. 2. Adapter l’alimentation : Privilégier les fruits et légumes riches en eau (concombres, pastèques, oranges) et réduire les repas riches en graisses ou en sucres qui augmentent la sensation de chaleur. 3. Protéger les voies respiratoires : Aérer les espaces tôt le matin ou tard le soir, lorsque les températures sont plus basses. Utiliser des humidificateurs pour limiter la sécheresse de l’air, qui peut irriter les voies respiratoires. 4. Adapter les activités physiques : Éviter les efforts intenses aux heures les plus chaudes de la journée et privilégier des vêtements légers en coton. 5. Anticiper le retour à des températures hivernales : Avoir des vêtements adaptés pour éviter les refroidissements soudains. Renforcer le système immunitaire par une alimentation équilibrée et éventuellement des suppléments en vitamines C et D après consultation médicale. 6. Sensibiliser les populations vulnérables : Les autorités et les familles doivent informer les personnes à risque des signes d’alerte (vertiges, fatigue intense, crampes) et des mesures à prendre en cas de malaise.
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