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Droit de pétition en ligne : «E-Participation», un dispositif numérique inefficace ?

Adopté pour faciliter la soumission des pétitions en ligne, le Décret n° 2.23.980 semblait ouvrir une nouvelle ère pour la démocratie participative au Maroc. Pourtant, la plateforme «E-Participation» ne permet toujours pas la validation des signatures, bloquant ainsi l’exercice de ce droit.

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Alors que la digitalisation des services publics devait simplifier l'accès aux droits, il semblerait que la plateforme «E-Participation» se heurte encore à de nombreux obstacles. Selon le Centre marocain de la citoyenneté (CMC), la plateforme numérique, censée faciliter l’exercice du droit de pétition, est toujours inopérante, empêchant les citoyens d’exercer pleinement ce droit.

«Le droit de pétition est un outil clé pour permettre aux citoyens d’influencer les décisions publiques et de soumettre des propositions aux autorités compétentes. Pourtant, malgré les dispositions prévues par la Constitution marocaine, son application reste limitée par des problèmes administratifs et techniques», indique le CMC, rappelant que le décret n° 2.23.980, adopté le 21 décembre 2023, a instauré un cadre pour la soumission numérique des pétitions, visant à simplifier leur dépôt et à encourager la participation citoyenne. Toutefois, selon le CMC, cette avancée législative demeure sans effet concret. «À ce jour, elle ne permet pas la collecte des signatures requises, bloquant ainsi la progression des pétitions et empêchant leur soumission dans les délais prévus», souligne le CMC.

Un droit inaccessible faute d’outil opérationnel

Le Centre précise, par ailleurs, que face à cette situation, une pétition officielle, enregistrée sous le numéro 711824 en janvier 2024, a été déposée afin de demander l’amélioration de l’accessibilité de la plateforme et de garantir un mécanisme numérique efficace. Cependant, les citoyens impliqués dans cette initiative n’ont pas pu aller au bout du processus, notamment en raison de l’impossibilité de collecter les signatures électroniques, condition indispensable pour la validation des pétitions.

«Actuellement, la plateforme ne permet que la préparation de la pétition, mais bloque encore l’étape de signature et de validation finale, empêchant ainsi son dépôt officiel. Un dysfonctionnement qui porte atteinte au principe même de la démocratie participative, alors que l’outil numérique aurait dû en simplifier l’exercice», souligne le CMC.

Un appel urgent à débloquer la situation

Alertées à plusieurs reprises, les autorités compétentes n’ont, à ce jour, pris aucune mesure pour résoudre ces blocages. «Plusieurs courriers ont été envoyés, suivis d’un rappel officiel le 27 juin 2024, mais aucune réponse concrète n’a été apportée», déplore le CMC.

Dans ce contexte, les signataires de la pétition appellent à une intervention rapide et efficace pour résoudre ces problèmes techniques et administratifs. Selon le CMC, «il est impératif que des solutions soient mises en place pour permettre aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits et de contribuer activement à la gestion des affaires publiques». L’absence d’action prolongée risque de fragiliser la confiance des citoyens envers les institutions et d’entraver l’essor d’une gouvernance plus ouverte et participative.

Questions au président du Centre marocain de la citoyenneté

Rachid Essedik : «Pour garantir une adoption plus large de cet outil, il est impératif que le gouvernement mène une véritable campagne de sensibilisation et d’information»

Droit de pétition en ligne : «E-Participation», un dispositif numérique inefficace ?
Rachid Essedik.



Le Matin : Le Décret n° 2.23.980 adopté en décembre 2023 était censé faciliter la soumission des pétitions sous forme numérique. Pourquoi, selon vous, la plateforme «E-Participation» n’est-elle toujours pas pleinement opérationnelle ?

Rachid Essedik :
À ce stade, nous n'avons pas encore reçu de réponse officielle du département concerné. Nous comprenons que la mise en œuvre d'une telle plateforme puisse nécessiter du temps et des ajustements techniques. Toutefois, nous espérons qu'une clarification sera apportée prochainement afin d’assurer un déploiement complet de la plateforme «E-Participation» et de permettre aux citoyens d’exercer pleinement leur droit de pétition numérique.

Selon le CMC, quelles actions faut-il entreprendre pour accélérer la mise en œuvre de cette plateforme et garantir le droit de pétition numérique ?

Tout d'abord, il est essentiel que le gouvernement communique de manière claire et transparente sur l’état d’avancement de la plateforme «E-Participation», d’autant plus qu’il a lui-même exprimé son mécontentement quant à la faible utilisation des outils de démocratie participative par les citoyens.

Ensuite, une priorité absolue est d’assurer l’activation complète de toutes les étapes du processus, en particulier la collecte des signatures électroniques, qui reste aujourd’hui inopérante et empêche les pétitions numériques d’aboutir.

Enfin, pour garantir une adoption plus large de cet outil, il est impératif que le gouvernement mène une véritable campagne de sensibilisation et d’information afin d’encourager les citoyens et les acteurs de la société civile à utiliser pleinement cette plateforme

Le Maroc ambitionne de renforcer la transparence et l’inclusion citoyenne dans la gestion des affaires publiques. Pensez-vous que l’inefficacité actuelle du droit de pétition pourrait nuire à cette ambition ?

Effectivement, l’inefficacité actuelle du droit de pétition numérique constitue un frein majeur à l’ambition du Maroc de renforcer la transparence et l’inclusion citoyenne dans la gestion des affaires publiques. D’un côté, la mise en place d’outils comme la plateforme «E-Participation» est une avancée positive, mais de l’autre, leur fonctionnement limité empêche les citoyens d’exercer pleinement leurs droits. Si les mécanismes censés favoriser la participation ne sont pas opérationnels ou accessibles, cela risque de créer une perte de confiance dans les engagements en faveur de la démocratie participative.

En outre, un droit qui existe en théorie, mais qui ne peut être appliqué dans la pratique compromet l’objectif d’une gouvernance ouverte et participative. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics agissent rapidement pour lever ces obstacles et garantir un accès effectif aux outils de participation citoyenne.

Dans d’autres pays, des plateformes similaires ont été mises en place avec succès. Existe-t-il des modèles étrangers dont le Maroc pourrait s’inspirer pour améliorer son système de participation numérique ?

En effet, le Maroc s’est inspiré de certaines expériences internationales en matière de participation numérique, ce qui démontre une volonté d’adopter les meilleures pratiques en la matière. Cependant, la différence réside dans la mise en œuvre concrète. Par rapport des expériences internationales, l’Estonie est souvent citée comme un modèle en matière de gouvernance numérique. Sa plateforme Rahvaalgatus permet aux citoyens de soumettre des pétitions en ligne, de recueillir des signatures électroniques et de suivre en toute transparence le traitement de leurs demandes par les autorités.

Un autre exemple notable est le Royaume-Uni, avec sa plateforme «Petitions.parliament.uk», qui permet aux citoyens de soumettre des pétitions et d’obtenir une réponse officielle du gouvernement lorsqu’un seuil de signatures est atteint. Si une pétition recueille un nombre significatif de signatures, elle peut même faire l’objet d’un débat parlementaire.

Enfin, quel appel souhaitez-vous lancer aux autorités compétentes pour garantir une meilleure prise en compte des préoccupations des citoyens en matière de participation démocratique ?

Nous souhaitons que les autorités compétentes agissent rapidement pour garantir une participation citoyenne effective et assurer la mise en œuvre complète de la plateforme «E-Participation». L’activation immédiate de toutes les fonctionnalités de la plateforme, en particulier la collecte des signatures électroniques.

Une communication claire et régulière sur l’état d’avancement du projet et les éventuelles contraintes techniques ou réglementaires. Si des difficultés persistent, il serait plus judicieux de reporter officiellement le lancement de la plateforme tout en permettant aux citoyens de continuer à utiliser l’ancienne procédure.

La simplification du processus d’enregistrement des citoyens sur la plateforme. Actuellement, ce processus est complexe et passe par plusieurs étapes, dont une transition vers une autre plateforme liée aux listes électorales pour récupérer le numéro d’enregistrement, ce qui représente un frein à l’accessibilité.

La mise en place d’un accompagnement des citoyens et des acteurs de la société civile à travers des campagnes d’information et des formations adaptées.

La démocratie participative ne doit pas être un concept théorique, mais un droit réellement exercé par les citoyens. Il est donc impératif que le gouvernement transforme ses engagements en actions concrètes.

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