On entend de plus en plus parler du virus Epstein-Barr (EBV), ce virus discret appartenant à la famille des herpèsvirus, souvent évoqué pour son lien avec la mononucléose infectieuse et certains cancers. Pourtant, malgré sa présence ancienne et son impact potentiel sur la santé, il demeure largement méconnu du grand public.
Au Maroc, les données disponibles restent rares et fragmentées. «Il y a quelques études, mais peu de données larges et représentatives pour la population générale», indique le Dr Ayman Ait Haj Kaddour, médecin conférencier. Les travaux menés concernent surtout des contextes hospitaliers ou oncologiques.
Ainsi, une étude réalisée à Fès, à l’Hôpital Hassan II, chez des patients nécessitant une biopsie pour pathologies nasopharyngées, a révélé que 50% des patients étaient infectés par l’EBV, détecté par PCR dans les tissus. «Parmi ceux atteints de carcinome nasopharyngé ou de lymphome, les taux étaient encore plus élevés, entre 70 et 85% selon le type,» précise le médecin.
Dans les biopsies de carcinome nasopharyngé (NPC) réalisées au Maroc, la présence du virus est quasiment constante. «Une étude a montré que 96% des tumeurs NPC étaient EBV-positives», ajoute le Dr Ait Haj Kaddour. Le tabagisme, l’âge avancé et la présence d’une maladie maligne figurent parmi les facteurs associés à la positivité du virus.
Cependant, le spécialiste souligne qu’«il n’existe pas encore d’estimation nationale fiable de la proportion d’adultes ordinaires déjà infectés».
Un virus transmissible avant tout par la salive
Concernant la transmission, le médecin rappelle que l’EBV se transmet principalement par la salive. «Les contacts qui mélangent les sécrétions buccales, comme embrasser, partager des ustensiles, des verres, des couverts ou même des brosses à dents, sont des voies classiques», explique-t-il. Le virus peut aussi se transmettre par les muqueuses oropharyngées (gorge, amygdales, salive), et plus rarement par transfusions sanguines, greffes d’organes ou sperme. Quant à la possibilité d’attraper le virus dans des lieux publics, notamment les restaurants, le médecin nuance : «EBV peut survivre un certain temps dans la salive sur des objets tant qu’ils restent humides, ce qui rend la transmission théoriquement possible via un verre ou des couverts récemment utilisés.» Mais il précise aussitôt que «le risque reste bien moindre que la transmission directe par contact salivaire». La charge virale diminue rapidement hors de l’hôte, surtout sur des surfaces sèches ou après nettoyage.
«Oui, en théorie, le partage d’un verre, d’une paille ou d’ustensiles avec quelqu’un en phase infectieuse peut transmettre le virus», reconnaît-il, avant de préciser que «le risque dépend de plusieurs facteurs : la fraîcheur du contact, l’humidité de l’objet, la charge virale et l’état infectieux de la personne».
Une infection qui ne disparaît jamais complètement
Une fois la première infection passée, le virus ne quitte jamais vraiment l’organisme. «Après une infection primaire – souvent asymptomatique chez l’enfant, parfois sous forme de mononucléose chez l’adolescent ou l’adulte – le virus entre dans une phase de latence», explique le Dr Ait Haj Kaddour.
Cette phase correspond à un état où le virus reste présent dans certaines cellules, notamment les lymphocytes B mémoire, sans produire activement de nouvelles particules infectieuses.
«Plusieurs types de latence existent, selon le profil de gènes viraux exprimés : latence 0, I, II ou III,» précise-t-il, ajoutant que ce profil dépend du type cellulaire et de la pression exercée par le système immunitaire.
Le virus peut toutefois se réactiver dans certaines situations : immunodépression, stress, maladies concomitantes ou traitements immunosuppresseurs. «La réactivation n’est pas forcément symptomatique, mais elle peut entraîner une excrétion virale dans la salive», indique le médecin.
Chez les personnes en bonne santé, l’EBV reste le plus souvent contrôlé : «L’hôte immunocompétent garde le virus à l’état latent avec de petites poussées possibles, mais maîtrisées».
Comment diagnostiquer ou suivre une infection ?
Selon le Dr Ait Haj Kaddour, plusieurs outils permettent de confirmer ou de surveiller une infection par EBV. «Le sérodiagnostic repose sur la recherche d’anticorps spécifiques», explique-t-il, citant les IgM anti-VCA, qui indiquent une infection récente, les IgG anti-VCA, témoignant d’une exposition passée, les IgG anti-EBNA, apparaissant plusieurs semaines après l’infection et les IgG anti-EA, parfois élevées en cas de réactivation.
Des tests PCR peuvent également détecter l’ADN viral dans le sang, les tissus ou les fluides biologiques, «particulièrement utiles chez les personnes immunodéprimées ou atteintes de cancers liés à l’EBV».
La quantification de la charge virale permet de suivre l’évolution du virus ou l’efficacité des traitements, notamment chez les patients transplantés.
Sur le plan clinique, le suivi dépend du contexte : «Chez les personnes infectées de manière aiguë, il faut surveiller les symptômes et rechercher des complications hépatiques ou spléniques», précise-t-il.
Chez les immunodéprimés ou les patients atteints de pathologies oncologiques, une attention particulière doit être portée à l’apparition de signes comme une perte de poids ou des ganglions persistants.
En revanche, «il n’existe pas de recommandation internationale pour un dépistage systématique de l’EBV chez les personnes asymptomatiques,» souligne le médecin. Le virus étant très répandu, la sérologie ne permet pas de déterminer qui développera une maladie grave.
En revanche, «chez les transplantés ou patients sous immunosuppression, un monitorage régulier par PCR est conseillé pour éviter les complications comme le lymphome post-transplant.»
Enfin, dans certains centres spécialisés, notamment en oncologie du carcinome nasopharyngé, les taux d’anticorps ou d’ADN viral circulant sont utilisés à des fins pronostiques.
Au Maroc, les données disponibles restent rares et fragmentées. «Il y a quelques études, mais peu de données larges et représentatives pour la population générale», indique le Dr Ayman Ait Haj Kaddour, médecin conférencier. Les travaux menés concernent surtout des contextes hospitaliers ou oncologiques.
Ainsi, une étude réalisée à Fès, à l’Hôpital Hassan II, chez des patients nécessitant une biopsie pour pathologies nasopharyngées, a révélé que 50% des patients étaient infectés par l’EBV, détecté par PCR dans les tissus. «Parmi ceux atteints de carcinome nasopharyngé ou de lymphome, les taux étaient encore plus élevés, entre 70 et 85% selon le type,» précise le médecin.
Dans les biopsies de carcinome nasopharyngé (NPC) réalisées au Maroc, la présence du virus est quasiment constante. «Une étude a montré que 96% des tumeurs NPC étaient EBV-positives», ajoute le Dr Ait Haj Kaddour. Le tabagisme, l’âge avancé et la présence d’une maladie maligne figurent parmi les facteurs associés à la positivité du virus.
Cependant, le spécialiste souligne qu’«il n’existe pas encore d’estimation nationale fiable de la proportion d’adultes ordinaires déjà infectés».
Un virus transmissible avant tout par la salive
Concernant la transmission, le médecin rappelle que l’EBV se transmet principalement par la salive. «Les contacts qui mélangent les sécrétions buccales, comme embrasser, partager des ustensiles, des verres, des couverts ou même des brosses à dents, sont des voies classiques», explique-t-il. Le virus peut aussi se transmettre par les muqueuses oropharyngées (gorge, amygdales, salive), et plus rarement par transfusions sanguines, greffes d’organes ou sperme. Quant à la possibilité d’attraper le virus dans des lieux publics, notamment les restaurants, le médecin nuance : «EBV peut survivre un certain temps dans la salive sur des objets tant qu’ils restent humides, ce qui rend la transmission théoriquement possible via un verre ou des couverts récemment utilisés.» Mais il précise aussitôt que «le risque reste bien moindre que la transmission directe par contact salivaire». La charge virale diminue rapidement hors de l’hôte, surtout sur des surfaces sèches ou après nettoyage.
«Oui, en théorie, le partage d’un verre, d’une paille ou d’ustensiles avec quelqu’un en phase infectieuse peut transmettre le virus», reconnaît-il, avant de préciser que «le risque dépend de plusieurs facteurs : la fraîcheur du contact, l’humidité de l’objet, la charge virale et l’état infectieux de la personne».
Une infection qui ne disparaît jamais complètement
Une fois la première infection passée, le virus ne quitte jamais vraiment l’organisme. «Après une infection primaire – souvent asymptomatique chez l’enfant, parfois sous forme de mononucléose chez l’adolescent ou l’adulte – le virus entre dans une phase de latence», explique le Dr Ait Haj Kaddour.
Cette phase correspond à un état où le virus reste présent dans certaines cellules, notamment les lymphocytes B mémoire, sans produire activement de nouvelles particules infectieuses.
«Plusieurs types de latence existent, selon le profil de gènes viraux exprimés : latence 0, I, II ou III,» précise-t-il, ajoutant que ce profil dépend du type cellulaire et de la pression exercée par le système immunitaire.
Le virus peut toutefois se réactiver dans certaines situations : immunodépression, stress, maladies concomitantes ou traitements immunosuppresseurs. «La réactivation n’est pas forcément symptomatique, mais elle peut entraîner une excrétion virale dans la salive», indique le médecin.
Chez les personnes en bonne santé, l’EBV reste le plus souvent contrôlé : «L’hôte immunocompétent garde le virus à l’état latent avec de petites poussées possibles, mais maîtrisées».
Comment diagnostiquer ou suivre une infection ?
Selon le Dr Ait Haj Kaddour, plusieurs outils permettent de confirmer ou de surveiller une infection par EBV. «Le sérodiagnostic repose sur la recherche d’anticorps spécifiques», explique-t-il, citant les IgM anti-VCA, qui indiquent une infection récente, les IgG anti-VCA, témoignant d’une exposition passée, les IgG anti-EBNA, apparaissant plusieurs semaines après l’infection et les IgG anti-EA, parfois élevées en cas de réactivation.
Des tests PCR peuvent également détecter l’ADN viral dans le sang, les tissus ou les fluides biologiques, «particulièrement utiles chez les personnes immunodéprimées ou atteintes de cancers liés à l’EBV».
La quantification de la charge virale permet de suivre l’évolution du virus ou l’efficacité des traitements, notamment chez les patients transplantés.
Sur le plan clinique, le suivi dépend du contexte : «Chez les personnes infectées de manière aiguë, il faut surveiller les symptômes et rechercher des complications hépatiques ou spléniques», précise-t-il.
Chez les immunodéprimés ou les patients atteints de pathologies oncologiques, une attention particulière doit être portée à l’apparition de signes comme une perte de poids ou des ganglions persistants.
En revanche, «il n’existe pas de recommandation internationale pour un dépistage systématique de l’EBV chez les personnes asymptomatiques,» souligne le médecin. Le virus étant très répandu, la sérologie ne permet pas de déterminer qui développera une maladie grave.
En revanche, «chez les transplantés ou patients sous immunosuppression, un monitorage régulier par PCR est conseillé pour éviter les complications comme le lymphome post-transplant.»
Enfin, dans certains centres spécialisés, notamment en oncologie du carcinome nasopharyngé, les taux d’anticorps ou d’ADN viral circulant sont utilisés à des fins pronostiques.
Dr Ayman Ait Haj Kaddour, médecin conférencier : «Plusieurs facteurs peuvent accroître la probabilité qu’une infection par EBV évolue vers un cancer»
Quels types de cancers sont aujourd’hui scientifiquement associés à une infection chronique ou latente par le virus Epstein-Barr (EBV) ?
Chaque cancer se caractérise par un type particulier de latence virale : latence II pour le carcinome nasopharyngé, latence I pour le lymphome de Burkitt, latence II pour certains Hodgkin, et latence III pour les PTLD.
Le point commun entre ces pathologies réside dans la capacité du virus à persister dans les cellules infectées, notamment les lymphocytes B, et à interférer avec leur contrôle immunitaire, ce qui peut favoriser leur transformation tumorale à long terme.
Quels sont les facteurs qui augmentent le risque qu’une infection par EBV évolue vers un cancer ?
Plusieurs facteurs peuvent accroître la probabilité qu’une infection par EBV évolue vers un cancer. Le premier est l’immunodépression, qu’elle soit due à une infection par le VIH, à des traitements immunosuppresseurs après une greffe ou au vieillissement du système immunitaire.
Le moment de l’infection primaire joue également un rôle : lorsqu’elle survient tardivement, à l’adolescence, la réponse immunitaire est souvent plus intense et peut favoriser des dérèglements cellulaires. Une charge virale élevée et des réactivations fréquentes du virus augmentent aussi le risque d’anomalies génétiques dans les cellules infectées. Certaines souches virales présentent un potentiel oncogène plus élevé, comme la variante marocaine du gène LMP-1 comportant une délétion de 30 pb, associée au carcinome nasopharyngé. Les facteurs environnementaux – tels que la consommation d’aliments salés ou fermentés, l’exposition à la fumée, aux poussières ou aux polluants – ainsi que des conditions socio-économiques défavorables peuvent également intervenir. Enfin, des prédispositions génétiques et des co-infections virales (comme avec le HPV) complètent ce tableau multifactoriel.
Quelles sont les mesures efficaces pour réduire le risque de transmission du virus, notamment dans les lieux publics ?
La transmission de l’EBV se fait principalement par la salive, mais certaines précautions permettent de réduire les risques, notamment dans les restaurants ou les espaces collectifs. Il est recommandé d’éviter le partage de verres, pailles ou ustensiles utilisés récemment, et de veiller au bon lavage de la vaisselle avec de l’eau chaude et du détergent. Une bonne hygiène des mains est essentielle, tant pour le personnel que pour les usagers, afin d’éviter la transmission indirecte via des surfaces contaminées. Les contacts rapprochés avec une personne en phase infectieuse doivent être limités, tout comme les échanges d’objets ayant été en contact avec la salive. La sensibilisation du personnel de restauration à ces règles d’hygiène et le bon entretien des surfaces contribuent à minimiser les risques. Enfin, le maintien d’une bonne immunité générale, grâce à une alimentation équilibrée et à l’évitement du tabac, aide à prévenir la réactivation du virus.
Dr Ayman Ait Haj Kaddour :
Chaque cancer se caractérise par un type particulier de latence virale : latence II pour le carcinome nasopharyngé, latence I pour le lymphome de Burkitt, latence II pour certains Hodgkin, et latence III pour les PTLD.
Le point commun entre ces pathologies réside dans la capacité du virus à persister dans les cellules infectées, notamment les lymphocytes B, et à interférer avec leur contrôle immunitaire, ce qui peut favoriser leur transformation tumorale à long terme.
Quels sont les facteurs qui augmentent le risque qu’une infection par EBV évolue vers un cancer ?
Plusieurs facteurs peuvent accroître la probabilité qu’une infection par EBV évolue vers un cancer. Le premier est l’immunodépression, qu’elle soit due à une infection par le VIH, à des traitements immunosuppresseurs après une greffe ou au vieillissement du système immunitaire.
Le moment de l’infection primaire joue également un rôle : lorsqu’elle survient tardivement, à l’adolescence, la réponse immunitaire est souvent plus intense et peut favoriser des dérèglements cellulaires. Une charge virale élevée et des réactivations fréquentes du virus augmentent aussi le risque d’anomalies génétiques dans les cellules infectées. Certaines souches virales présentent un potentiel oncogène plus élevé, comme la variante marocaine du gène LMP-1 comportant une délétion de 30 pb, associée au carcinome nasopharyngé. Les facteurs environnementaux – tels que la consommation d’aliments salés ou fermentés, l’exposition à la fumée, aux poussières ou aux polluants – ainsi que des conditions socio-économiques défavorables peuvent également intervenir. Enfin, des prédispositions génétiques et des co-infections virales (comme avec le HPV) complètent ce tableau multifactoriel.
Quelles sont les mesures efficaces pour réduire le risque de transmission du virus, notamment dans les lieux publics ?
La transmission de l’EBV se fait principalement par la salive, mais certaines précautions permettent de réduire les risques, notamment dans les restaurants ou les espaces collectifs. Il est recommandé d’éviter le partage de verres, pailles ou ustensiles utilisés récemment, et de veiller au bon lavage de la vaisselle avec de l’eau chaude et du détergent. Une bonne hygiène des mains est essentielle, tant pour le personnel que pour les usagers, afin d’éviter la transmission indirecte via des surfaces contaminées. Les contacts rapprochés avec une personne en phase infectieuse doivent être limités, tout comme les échanges d’objets ayant été en contact avec la salive. La sensibilisation du personnel de restauration à ces règles d’hygiène et le bon entretien des surfaces contribuent à minimiser les risques. Enfin, le maintien d’une bonne immunité générale, grâce à une alimentation équilibrée et à l’évitement du tabac, aide à prévenir la réactivation du virus.
Un virus à la fois commun et complexe
Loin d’être anecdotique, le virus Epstein-Barr touche une grande partie de la population mondiale, souvent sans symptômes. Mais dans certains contextes, il peut se transformer en véritable menace silencieuse. Au Maroc, l’absence de données nationales empêche d’en mesurer pleinement l’ampleur, mais les études hospitalières montrent déjà l’importance du sujet. Comme le rappelle le Dr Ait Haj Kaddour, «l’EBV n’est pas un virus rare, mais un virus mal compris. Il vit avec nous, parfois sans bruit, parfois avec des conséquences sérieuses. D’où la nécessité de mieux le connaître et de surveiller les populations à risque.»
