La flambée des cas de coqueluche en Europe suscite des préoccupations croissantes. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a annoncé le 8 mai dernier, que la maladie a touché près de 60.000 personnes entre 2023 et avril 2024, soit une multiplication des cas par plus de dix par rapport à 2021 et 2022. Des décès ont également été enregistrés dans quelques pays. Doit-on s’inquiéter de cette situation au Maroc ? Allons-nous assister à une explosion similaire des cas de coqueluche, comme ce qui s’est produit précédemment avec la rougeole ?
Le Maroc n’est pas à l’abri
Contacté par nos soins à ce sujet, Pr Ahmed Aziz Bousfiha, professeur en pédiatrie et chef de se service des maladies infectieuses à l’Hôpital d’enfants Abderrahim Harouchi, nous affirme qu’il faudra, en effet, s’attendre à une augmentation des cas. «La situation en Europe nous laisse prévoir que nous allons certainement assister à une augmentation des cas de coqueluche au Maroc, comme ce qui s’est passé il y a quelques mois avec la rougeole», estime l’expert. Et d’ajouter que «la perturbation des calendriers de vaccination dans plusieurs pays durant la période de la pandémie et le scepticisme des gens à l’égard des vaccins durant cette période ont entraîné ce qu’on appelle la dette immunitaire qui a contribué à la situation actuelle caractérisée par le retour en force de certaines maladies comme la rougeole et la coqueluche». Le médecin appelle par ailleurs les parents des nourrissons, en particulier ceux âgés de moins de 3 mois, à rester très vigilants. «Ces nourrissons sont le plus à risque de contracter cette maladie et de faire des complications comme l’arrêt respiratoire, l’apnée, voire le décès», explique-t-il.
Les services de santé en état d’alerte
Une source du ministère de la Santé et de la protection sociale a assuré, dans une déclaration au journal «Le Matin» que la situation actuelle de la coqueluche au Maroc ne relévait aucun phénomène inhabituel. «La tendance actuelle est stable avec l’enregistrement de cas sporadiques semblables aux années précédentes. Néanmoins, dans le contexte actuel d’existence de foyers épidémiques de rougeole au Maroc, toutes les structures sanitaires et les professionnels de santé sont en état d’alerte pour détecter l’émergence de phénomènes inhabituels», souligne notre source. Et de préciser qu’«un système de surveillance de la coqueluche existe et est implanté au niveau de la Direction de l’épidémiologie et de lutte contre les maladies relevant du ministère de la Santé. Il est basé sur la déclaration obligatoire de tous les cas suspects de la coqueluche et la confirmation au laboratoire. Les données remontent du niveau local au niveau central avec une analyse de la situation et une évaluation du risque pour une éventuelle riposte en cas de déclenchement de foyers épidémiques».Une maladie évitable grâce à la vaccination
Le ministère de la Santé insiste aussi sur le fait que la coqueluche demeure un problème de santé publique à l’échelle mondiale et l’une des maladies évitables par la vaccination. «C’est une maladie cible de la vaccination. Grâce au Programme national de l’immunisation, la vaccination contre la coqueluche (vaccin coquelucheux à cellules entières associé aux anatoxines diphtérique et tétanique) a été introduite dans le programme national d’immunisation (PNI) au début des années 1980. Actuellement, la stratégie de vaccination marocaine comprend une primo-vaccination à l’âge de 2,3 et 4 mois et deux rappels à l’âge de 18 mois et 5 ans», indique la même source.Ahmed Aziz Bousfiha, professeur en pédiatrie : «Il faut absolument lutter contre les contaminations mère-nourrisson!»
Quels sont les signes et symptômes de la coqueluche dont le public devrait être conscient ?La coqueluche porte bien son nom. C’est une maladie qui ne cause pas beaucoup de fièvre chez les jeunes nourrissons. Elle se manifeste plutôt par une toux très particulière en quintes à cause du volume très petit des voies aériennes des nourrissons. On remarque ainsi des accès de toux successifs rapprochés qui se terminent par un petit arrêt respiratoire et une reprise de respiration en chant de coq.
À force de tousser, le nourrisson peut aussi vomir. Entre les quintes de toux, l’enfant ne présente pas d’autres symptômes et paraît tout à fait normal. Même sa respiration et sa radiographie des poumons sont normales, car la coqueluche entraîne une irritation des bronches et non des alvéoles. Pour les enfants plus grands et les adultes, les signes cliniques changent. Il s’agit tout simplement d’une toux banale chronique qui se prolonge.
Quelle est l’efficacité de la vaccination contre la coqueluche ?
La vaccination contre la coqueluche est moyenne sur deux plans. Il faut tout d’abord savoir que l’immunisation contre la maladie n’est pas totale, même si on prend les trois doses (de 2, 3 et 4 mois). L’immunité n’atteint que 50% à peu près. La deuxième raison qui rend ce vaccin assez moyen, c’est la durée de protection qui ne dépasse pas les 6-7 ans. Au-delà de cet âge, les enfants se retrouvent alors non immunisés contre la coqueluche, même s’ils ont été vaccinés. Ils peuvent facilement l’attraper et la transmettre. Néanmoins, nous devons voir la partie remplie du verre. Ce vaccin protège tout de même à 50% les tout-petits qui sont les plus vulnérables face à cette maladie.
Y a-t-il des mesures spécifiques pour protéger les nourrissons qui sont particulièrement sensibles à la coqueluche ?
Il faut respecter les règles d’hygiène en général lorsqu’on est en contact avec des nourrissons. Il faut éviter de tousser à côté d’eux, surtout les tousseurs chroniques. Il faut absolument lutter contre les contaminations mère-nourrisson, car les tout-petits sont généralement contaminés par leurs mamans et développent des formes sévères de la maladie.