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Fièvre méditerranéenne : Pas moins de 10.000 cas au Maroc

Les mariages consanguins, encore très fréquents dans les pays arabes, peuvent entraîner des mutations génétiques ou une concentration accrue de gènes porteurs de certaines maladies rares telles que la fièvre méditerranéenne. Cette maladie, qui se manifeste généralement par une forte fièvre et des douleurs abdominales, touche environ 10.000 personnes au Maroc.

Le 29 février prochain marquera la Journée mondiale des maladies rares. Une occasion pour sensibiliser le public et soutenir les personnes atteintes de ces affections souvent méconnues. Parmi ces pathologies, la fièvre méditerranéenne familiale. Il s’agit d’une maladie auto-inflammatoire héréditaire due à une anomalie sur un gène qui régule l’inflammation. «Elle touche principalement les personnes originaires du bassin méditerranéen, en particulier les Arméniens, les Turcs, les Arabes et les Juifs sépharades. Elle serait apparue il y a plusieurs milliers d’années dans le bassin de la Mésopotamie à la suite d’une modification de l’information génétique (une mutation) au sein de ses populations.



Au Maroc, on estime qu’environ 10.000 personnes sont touchées par cette pathologie», souligne Dr Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie et présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc.

«Le gène muté causant la maladie est présent sur les deux chromosomes 16 chez les personnes atteintes de la fièvre méditerranéenne, l’un transmis par le père et l’autre par la mère. Un sujet n’ayant qu’un seul gène de la fièvre méditerranéenne ne développera pas la maladie, mais sera un porteur sain de celle-ci. Tout ceci explique que cette pathologie peut ne toucher aucun enfant ou toucher un enfant sur deux ou sur quatre ou même toute la descendance selon qu’un ou les 2 parents sont porteurs sains de la mutation ou eux-mêmes atteints par la maladie. De ce fait, les mariages consanguins (intrafamiliaux entre cousins), encore fréquents au Maroc, augmentent fortement le risque», développe-t-elle.

Des douleurs abdominales, le symptôme le plus fréquent

La fièvre méditerranéenne se manifeste généralement par des crises inflammatoires qui durent entre un et trois jours avec comme symptômes principaux : une forte fièvre (38°C-40°C) ne répondant pas aux antibiotiques, des douleurs abdominales (semblables à celles d’une appendicite), des douleurs thoraciques, articulaires, musculaires... «Les fortes douleurs au ventre sont la manifestation la plus caractéristique et la plus fréquente. Elles sont liées à l’inflammation du péritoine (membrane qui recouvre tous les organes de l’abdomen) et présente jusqu’à 90% des crises chez l’enfant. La crise commence brusquement chez un sujet en bonne santé. Très rapidement, la douleur, d’abord localisée en un point, s’étend à tout l’abdomen avec des irradiations. Le patient se plie en deux, évite tout changement de position qui aggraverait sa sensation de douleur et est pris de nausées et/ou vomissements», explique Dr Moussayer. Et d’ajouter qu’«ensuite viennent en fréquence, les douleurs thoraciques dans 50% des cas (par inflammation de la plèvre qui recouvre les poumons et/ou du péricarde qui recouvre le cœur). Les symptômes apparaissent brusquement, arrivent rapidement à leur intensité maximale et régressent totalement en 24 à 48 heures.

Douleurs articulaires et musculaires et éruption cutanées accompagnent souvent ce tableau. Chacun de ces symptômes peut rappeler d’autres affections comme une appendicite, une péritonite, un rhumatisme, une infection... ce qui complique au début l’établissement du diagnostic».

Pas de traitement curatif

D’après la présidente de l’AMRM, les crises se répètent à des intervalles différents. «Entre ces poussées, la personne ne présente plus aucun signe, ce qui peut être à l’origine d’une incompréhension de la part de la famille et parfois des soignants. Les premiers épisodes apparaissent le plus souvent pendant la petite enfance, vers 2 ou 3 ans, augmentent en nombre pendant l’enfance et l’adolescence puis se poursuivent à l’âge adulte de manière plus ou moins régulière. Le stress, la fatigue, l’exposition au froid, des repas riches en graisse, des infections, certains médicaments et les règles peuvent déclencher les crises», développe le médecin. «Dans bien des cas, la maladie va au-delà des douleurs physiques des fièvres. Les crises à répétition provoquent une fragilité psychologique, surtout quand la pathologie n’est pas clairement identifiée et parfois mise en doute (“c’est dans ta tête !”). L’attente de la prochaine crise suscite aussi des angoisses qui favorisent sa venue. Le patient vit alors souvent sa maladie dans un état d’anxiété permanent et de repli sur soi», souligne Dr Moussayer.

Comme pour la plupart des maladies rares, il n’existe aucun traitement curatif pour la fièvre méditerranéenne. En revanche, il existe un médicament très efficace, la colchicine, qui est capable d’inhiber, voire d’espacer les crises dans 90% des cas et surtout d’enrayer le risque de dépôts des produits de l’inflammation appelée amylose, susceptibles d’endommager les organes et principalement les reins (jusqu’à nécessiter une dialyse ou greffe d’organes). Issue d’une fleur – la colchique –, ce médicament fait partie d’une pharmacopée ancestrale déjà utilisée chez les babyloniens au IIIe siècle avant J.-C. pour calmer les inflammations. Elle est aussi utilisée pour traiter les crises de goutte depuis les années 1950.
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