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Hiver et prise de poids : comment adapter son alimentation sans excès

Quand l’hiver s’installe, le corps semble changer de rythme. Fatigue plus marquée, appétit en hausse, activité physique en baisse… Beaucoup ont le sentiment que la saison froide favorise inévitablement la prise de poids. Mais ces perceptions reposent-elles sur de réels mécanismes biologiques ou sur des habitudes de vie modifiées par le froid et le manque de lumière ? Dans cet entretien, Dre Nouhaïla Kharrat, nutritionniste-diététicienne, décrypte l’impact réel de l’hiver sur le métabolisme, démêle les idées reçues et livre des clés concrètes pour adapter son alimentation, préserver son énergie et éviter les excès sans frustration.

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Hiver et prise de poids : comment adapter son alimentation sans excès



Le Matin : Pouvez-vous nous expliquer comment le froid affecte le métabolisme de notre corps ?

Nouhaïla Kharrat : Lorsque le corps est exposé au froid, il met en place des mécanismes de défense afin de maintenir une température interne stable, autour de 37 degrés. Ce processus, appelé thermorégulation, est indispensable à la survie et nécessite de l’énergie. Pour produire de la chaleur, l’organisme peut provoquer des frissons musculaires et activer certains tissus spécialisés, notamment la graisse brune, connue pour sa capacité à brûler des calories afin de générer de la chaleur.

En théorie, cette adaptation entraîne une légère augmentation du métabolisme de base. Cependant, dans la vie quotidienne moderne, cet effet reste relativement limité. La majorité des individus passent l’hiver dans des environnements chauffés, portent des vêtements chauds et sont rarement exposés à un froid intense et prolongé. Le corps n’a donc pas besoin de mobiliser massivement ses réserves énergétiques pour se réchauffer.

Dans ces conditions, la manière dont le corps utilise les calories ne change pas fondamentalement selon la saison. Les calories issues de l’alimentation servent toujours aux mêmes fonctions : produire de l’énergie pour bouger, maintenir les fonctions vitales, soutenir le fonctionnement du cerveau et assurer le renouvellement cellulaire. Le froid peut stimuler légèrement la dépense énergétique, mais cette variation est souvent insuffisante pour justifier une augmentation importante des apports alimentaires.


Pourquoi certaines personnes ont-elles tendance à prendre du poids plus facilement en hiver ?

La prise de poids en hiver est un phénomène multifactoriel. L’une des premières explications réside dans la diminution de l’activité physique. Les journées plus courtes, le froid, la pluie et parfois la fatigue réduisent les occasions de bouger. Les déplacements à pied diminuent, les activités sportives en extérieur sont moins fréquentes et le temps passé en position assise augmente.

À cela s’ajoutent des changements dans le comportement alimentaire. L’hiver est traditionnellement associé à des plats plus riches, plus gras et plus copieux, souvent perçus comme réconfortants. Les plats mijotés, les sauces, les fromages et les desserts occupent une place plus importante dans l’alimentation. Les envies de sucre et de féculents augmentent également, À cela s’ajoutent des changements hormonaux influencés par la baisse de la luminosité. La diminution de l’exposition à la lumière naturelle affecte la production de sérotonine, un neurotransmetteur impliqué dans la régulation de l’humeur, de l’appétit et du bien-être. Une baisse de sérotonine peut favoriser les envies de sucre et de féculents, souvent recherchés pour leur effet réconfortant. Parallèlement, la mélatonine, hormone du sommeil, peut être produite en plus grande quantité, ce qui augmente la sensation de fatigue et réduit la motivation à bouger.

D’autres hormones entrent également en jeu. La leptine, hormone de la satiété et la ghréline, hormone de la faim, peuvent voir leur équilibre perturbé par le manque de sommeil, le stress et la fatigue hivernale. Ce déséquilibre favorise une augmentation de l’appétit et une diminution de la sensation de satiété.

Enfin, le facteur émotionnel joue un rôle majeur. Le froid, le manque de soleil, le stress et parfois un certain isolement favorisent une alimentation émotionnelle. On mange alors davantage pour se réconforter, lutter contre l’ennui ou compenser la fatigue. Ce déséquilibre progressif entre apports et dépenses énergétiques explique pourquoi certaines personnes prennent du poids plus facilement durant la saison froide.

Quels types d’aliments sont recommandés pour maintenir un métabolisme actif en hiver ?

Pour soutenir un métabolisme efficace en hiver, il est essentiel de privilégier la qualité des aliments plutôt que de se concentrer uniquement sur les calories. Les protéines jouent un rôle central. Elles participent au maintien de la masse musculaire, essentielle à une bonne dépense énergétique, et leur digestion demande plus d’énergie que celle des glucides ou des lipides. On les retrouve dans les œufs, les poissons, les viandes, les volailles, les légumineuses et les produits laitiers.

Les légumes de saison occupent également une place clé. Choux, carottes, poireaux, fenouil, courges ou épinards sont riches en fibres, vitamines et minéraux. Ils contribuent au bon fonctionnement métabolique, soutiennent le système immunitaire et favorisent une bonne satiété, tout en apportant peu de calories.

Les glucides complexes, issus des céréales complètes, des légumineuses et des tubercules, fournissent une énergie stable et durable, évitant les variations brutales de glycémie. Enfin, les bonnes graisses, présentes dans les huiles végétales comme l’huile d’olive, d’argan, de colza ou de noix de coco, les fruits à coque, les graines comme le lin ou les sésames , l’avocat et les poissons gras, soutiennent l’équilibre hormonal et participent à la sensation de satiété, limitant ainsi les excès alimentaires.

Comment ajuster ses apports alimentaires sans tomber dans le piège des excès caloriques ?

L’hiver ne doit pas être synonyme de restriction, mais d’adaptation. Ajuster ses apports alimentaires commence par une meilleure écoute de ses sensations. Il est important de distinguer la faim réelle des envies de manger liées au froid, à la fatigue ou aux émotions.

Structurer ses repas reste une stratégie efficace : trois repas principaux équilibrés, complétés si nécessaire par une à deux collations, permettent de répartir l’énergie sur la journée et de limiter les grignotages. Privilégier les plats faits maison aide également à mieux contrôler les quantités de matières grasses, de sucre et de sel.

Manger lentement et bien mastiquer, dans un environnement calme, favorise la perception de la satiété et évite de consommer plus que nécessaire. Enfin, l’hydratation ne doit pas être négligée en hiver. La sensation de soif est souvent moins présente, mais un manque d’eau peut être confondu avec la faim et conduire à des apports alimentaires excessifs.


Le corps a-t-il vraiment besoin de plus d’énergie en hiver ou est-ce surtout un mythe ?
Pour la majorité de la population, il s’agit surtout d’un mythe. Les besoins énergétiques n’augmentent réellement que dans des situations de froid intense et prolongé, comme chez les personnes travaillant à l’extérieur ou vivant dans des environnements non chauffés.

Dans un mode de vie moderne, l’augmentation des besoins reste minime. Le sentiment de faim plus important observé en hiver est souvent lié à des facteurs comportementaux, culturels et émotionnels plutôt qu’à un réel besoin physiologique. Augmenter significativement les portions sous prétexte qu’il fait froid n’est donc pas nécessaire. La qualité et l’équilibre des repas sont bien plus déterminants que leur quantité.


Que pensez-vous des “aliments thermogéniques” pour stimuler la dépense énergétique en hiver ?

Les aliments dits thermogéniques, comme le piment, le gingembre, la cannelle, le thé vert ou le café, suscitent beaucoup d’intérêt en hiver et sont souvent mis en avant pour leur capacité à stimuler la thermogenèse. Ils peuvent provoquer une légère augmentation de la dépense énergétique et une sensation de chaleur, en activant le système nerveux et certains mécanismes métaboliques.

Cependant, cet effet reste modéré, transitoire et très variable selon les individus. Les aliments thermogéniques ne transforment pas le métabolisme et ne permettent pas de brûler significativement plus de calories sur le long terme. Leur rôle est donc marginal dans la gestion du poids. Ils ne peuvent en aucun cas compenser une alimentation déséquilibrée ou un mode de vie sédentaire.

Ils peuvent néanmoins avoir un intérêt dans une alimentation équilibrée : ils apportent du goût, favorisent la diversité alimentaire et peuvent aider à mieux apprécier des plats simples et peu caloriques. L’erreur serait de les considérer comme une solution miracle plutôt que comme un simple complément.


Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut perdre du poids tout en restant bien nourri pendant la saison froide ?

Perdre du poids en hiver est tout à fait possible, à condition d’adopter une approche réaliste et durable. Le premier conseil est d’éviter les régimes trop restrictifs, qui augmentent la frustration et le risque de reprise de poids. Les repas doivent rester chauds, rassasiants et équilibrés afin de répondre aux besoins du corps, mais cela ne signifie pas des repas riches en calories vides ou pauvres en nutriments. Il est tout à fait possible de préparer des plats réconfortants à base de légumes, de protéines de qualité, de bonnes graisses et de féculents bien dosés, sans excès calorique.

Maintenir une activité physique régulière, même modérée, est essentiel. La marche quotidienne, les exercices à domicile ou les activités en salle permettent de préserver la masse musculaire et de soutenir le métabolisme. Le sommeil joue également un rôle clé : un manque de repos perturbe les hormones de la faim et favorise la prise de poids.

Enfin, la constance est primordiale. L’hiver peut devenir une période idéale pour renforcer de bonnes habitudes alimentaires, apprendre à mieux écouter son corps et poser les bases d’une meilleure santé métabolique sur le long terme.
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