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Violence dans les séries et jeux vidéo : Comment protéger les jeunes d’une influence nocive ?

De plus en plus de parents sont préoccupés par la violence omniprésente dans les divertissements de leurs enfants. Entre les jeux vidéo, qui sont devenus des terrains virtuels pour différents actes de brutalité, et certaines séries et anime japonais qui ajoutent une dose supplémentaire de violence à l’écran, ils ne peuvent s’empêcher de se demander si cette exposition constante à un contenu violent peut conduire à une banalisation de la violence aux yeux des jeunes, et altérer leur perception de la réalité. Dans cet entretien, Dre Yousra Lahlou, docteure en Psychologie clinique et Psychopathologie, répond aux questions du journal «Le Matin» sur l’impact des jeux vidéo et des séries violentes sur les enfants.

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Le Matin : Quel est l’impact des jeux vidéo et des séries contenant de la violence sur les jeunes ?



Dre Yousra Lahlou :
Les enfants et les adolescents peuvent, aujourd’hui, avoir facilement accès aux jeux vidéo et aux séries. Les moyens techniques et technologiques actuels permettent à la fois aux jeunes d’y avoir accès facilement, mais également de plonger dans un monde virtuel propre à eux qui peut les déconnecter ponctuellement de la réalité dans laquelle ils se trouvent.

Il est à noter que les jeux vidéo et les séries ne constituent pas une entité homogène, que chacun d’eux présente des caractéristiques particulières – le type de jeu ou de série, les missions à accomplir pour gagner – et que certains d’entre eux peuvent effectivement contenir de la violence.

Les études concernant l’impact de l’usage des jeux vidéo et des séries avec un contenu violent sont récentes. Elles présentent des résultats disparates. En effet, certaines études affirment un lien entre jeux vidéo violents et comportements violents tandis que d’autres réfutent ces mêmes liens.



L’impact des jeux vidéo et des séries avec un contenu violent sur le développement psychique et comportemental du jeune me semble faire intervenir plusieurs variables et, par conséquent, être multifactoriel. En effet, plusieurs paramètres devraient être pris en compte pour évaluer cet éventuel impact en lien notamment avec les facteurs de risque et les facteurs de protection dont dispose le jeune, et ce mis à part le fait que le jeu vidéo ou que la série en question présente un contenu violent.

Même si certains enfants et adolescents font le même usage des jeux vidéo et des séries contenant de la violence, les conséquences qui peuvent être amenées à se manifester peuvent être disparates. En effet, des différences inter-individuelles existent. L’âge du joueur, ses dispositions psychiques, l’environnement dans lequel il se trouve, son histoire subjective et les objectifs visés à travers le jeu sont des paramètres qui peuvent influer sur les éventuels impacts que ces jeux vidéo et ces séries peuvent avoir. Tous les jeunes ne sont donc pas impactés de la même manière face à la même exposition à la violence.



Il est à noter que la plupart du temps, les jeux vidéo violents ne rendent pas violent à eux seuls. Cependant, un usage inadéquat des jeux vidéo violents peut constituer un facteur aggravant et un terrain fertile pour renforcer certains troubles du comportement ou de la personnalité préexistants. Un usage inadapté des jeux vidéo et des séries peut donc être une donnée parmi d’autres d’un tableau clinique qui peut dans certains cas relever d’une psychopathologie.

Un usage inadapté des jeux vidéo et des séries avec un contenu violent associé à d’autres facteurs peut avoir des répercussions sur le développement du jeune dans certains cas. Ces répercussions peuvent se retrouver à plusieurs niveaux et peuvent concerner les capacités cognitives (concentration, raisonnement), les capacités sociales (relation avec autrui, sociabilité), les capacités émotionnelles (développement de l’empathie, intelligence émotionnelle, gestion des émotions) et comportementales.

Comment la sur-exposition à la violence virtuelle peut-elle influencer les perceptions des enfants et des adolescents sur la violence réelle et son acceptabilité ?

La sur-exposition à la violence virtuelle peut influer ou non, sur les perceptions des jeunes sur la violence réelle et son acceptabilité en fonction de plusieurs paramètres qui vont souvent au-delà du jeu en lui-même. En effet, l’usage du jeu vidéo ou de la série avec un contenu violent rentre en connexion avec d’autres aspects de la personnalité du jeune, mais également avec l’âge du joueur, ce qui peut influer ou non, selon des degrés, sur la perception de la violence réelle et de son acceptabilité. La sur-exposition à la violence virtuelle n’implique donc pas forcément une banalisation de la violence réelle, et ne rend donc pas forcément la violence réelle plus acceptable.

Il est ainsi important de maintenir une barrière entre ce qui relève du jeu, et, par conséquent, du virtuel, et ce qui a trait à la vie réelle, tant au niveau psychologique que comportemental.

Existe-t-il des différences dans la façon dont les enfants réagissent à la violence des jeux vidéo par rapport à celle des séries ?

Bien sûr, le lien à la violence n’est pas le même dans les jeux vidéo et dans les séries, et les jeunes y sont confrontés d’une manière différente. Lorsque le jeune joue à un jeu violent, il est dans une position active, la violence est recherchée, voire souhaitée. Il la pratique vis-à-vis des autres ou la subit de leur part tandis que lorsque le jeune visionne de la violence dans une série, il est dans une position plus passive. Aussi, les processus psychiques qui interviennent dans ces deux cas ne sont pas les mêmes.

Quels sont les signes les plus courants qui montrent que la violence des jeux vidéo ou des séries affecte les jeunes de manière négative sur le plan psychologique ?

Comme évoqué précédemment, il me semble que la confrontation à la violence dans les jeux vidéo ou dans les séries est un facteur qui rentre en lien avec d’autres facteurs pour impacter les jeunes de manière négative sur le plan psychologique.

Le signe principal qui devrait alerter l’entourage et notamment les parents est une frontière entre ce qui se passe dans le virtuel et ce qui passe dans la réalité de plus en plus fine, à travers la reproduction de cette violence – qui devrait normalement être contenu dans le virtuel – dans d’autres sphères de la vie. Par exemple, des comportements violents ou agressifs à la maison ou à l’école de manière intense et répétée.

Une diminution de la qualité et de la quantité des relations sociales par rapport à avant, avec un repli sur soi, un isolement, voire une désocialisation sont également des signes d’un impact de la violence des jeux vidéo et des séries sur le plan psychologique.

Dans ces cas, il ne faudrait pas hésiter à se faire accompagner par un professionnel de santé.

Quelles sont les stratégies que les parents peuvent utiliser pour limiter l’impact de l’exposition de leurs enfants et adolescents à la violence dans les jeux vidéo et les séries ?

Les jeux vidéo et les séries contenant de la violence font partie du monde d’aujourd’hui et sont faciles d’accès. Ils séduisent les jeunes qui y trouvent souvent de l’intérêt. Il est important d’accompagner au mieux les jeunes dans cet usage et d’encadrer ces pratiques. L’entourage et notamment les parents devraient mettre du dialogue, poser des mots sur ce qui peut se passer sur ces supports et discuter avec le jeune. En effet, la confrontation à la violence ne devrait pas rester à l’état brut, mais devrait être enveloppée d’une parole d’un adulte pour la contenir lors des moments où le jeune y fait face. L’adulte proche du jeune pourrait également l’aider à travailler sur ses capacités de compassion, d’empathie et d’entraide. Il ne s’agit pas d’interdire l’usage des jeux vidéo et des séries présentant un contenu violent, mais d’encadrer cet usage, c’est-à-dire quand les utiliser, dans quel contexte et pendant combien de temps.

Afin de limiter l’exposition, mais surtout l’attrait des jeunes à la violence, l’environnement et notamment l’environnement familial et scolaire ne devrait lui-même pas être violent. Les enfants ont tendance à reproduire par imitation ce qui peut se passer, et parfois à reproduire une scène de violence dont ils ont été témoins ou victimes dans le but de parvenir à l’intégrer psychiquement.

Enfin, il s’agit également de considérer si l’usage des jeux vidéo et des séries contenant de la violence se présente simultanément avec d’autres manifestations.

Il est tout de même à noter que les jeux vidéo présentant un contenu violent n’affectent pas uniquement de manière négative le jeune sur un plan psychologique dans certains cas. En effet, les jeux vidéo peuvent également permettre au jeune de se redonner confiance en soi – dans le cas d’une victoire dans un jeu par exemple –, de canaliser ses pulsions et par conséquent ses tensions internes dans un cadre défini et peuvent également constituer un espace de rencontre et de sociabilisation, bien que virtuel.

Comment peut-on aider les enfants à développer des compétences de pensée critique pour comprendre et filtrer les différents actes de violence auxquels ils sont exposés sur les écrans ?

Il est important de nous intéresser à ce que regardent les jeunes et à quoi ils jouent, ce qui leur plaît dans ces jeux et dans ces séries, ce qu’ils y trouvent comme bénéfices et les missions que le jeu leur permet de gagner par exemple. Comme évoqué précédemment, l’entourage et notamment les parents devraient discuter avec le jeune de ce qui se passe sur ces supports afin de participer à maintenir une barrière étanche entre ce qui relève du virtuel et ce qui relève du réel.

L’adulte pourrait également aider le jeune à travailler dans le quotidien sur ses capacités de compassion, d’empathie et d’entraide.
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