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La «chirurgie éveillée» au Maroc, une prouesse médicale à visage humain

Imaginez une opération chirurgicale alors que le patient est pleinement conscient ? Allongé sur la table d’opération, il parle, discute… pendant que les chirurgiens lui retirent une tumeur du crâne ? La scène est bien réelle. Il y a encore quelques années, cela relevait presque de la science-fiction. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui la «chirurgie éveillée». D’après les experts, cette technique, contrairement aux interventions sous anesthésie générale, permet d’opérer au plus près des zones critiques du cerveau – celles du langage, de la motricité ou encore de la mémoire – tout en préservant les fonctions essentielles. Cette approche unique est rendue possible grâce à la conscience du patient, qui coopère activement avec l’équipe médicale pendant l’intervention. Mais au-delà de la prouesse médicale, il s’agit d’une véritable révolution humaine. Car guérir ne se limite pas à prolonger la vie. Guérir, c’est aussi préserver ce qui fait l’essence même de notre humanité : la parole qui nous permet de communiquer, la mémoire qui forge notre identité, les émotions qui donnent du sens à notre existence. Et c’est cette philosophie de la médecine qu’une équipe médicale marocaine s’emploie à adopter avec rigueur et excellence. À Rabat, plus de 180 patients ont déjà été opérés par «chirurgie éveillée», avec un taux de réussite dépassant les 98% et des résultats remarquables. Ce succès repose avant tout sur une coordination étroite entre neurochirurgiens, anesthésistes, orthophonistes et psychologues cliniciens, tous engagés dans une pratique à la fois de haute précision et profondément humaine. Le quotidien «Le Matin» a rencontré le Dr Mohamed El Hassani, orthophoniste et psychologue clinicien, membre des équipes marocaines en «neurochirurgie éveillée». Dans cet entretien, il revient sur les enjeux, les défis et les espoirs portés par cette avancée médicale majeure au Maroc.

Le Matin : Qu’est-ce qui différencie la «chirurgie éveillée» des autres formes classiques de la chirurgie ?

Dr Mohamed El Hassani :
La «chirurgie éveillée» se distingue par le fait que le patient est conscient et peut interagir avec l’équipe médicale pendant l’opération, en particulier lors de l’ablation de tumeurs proches des zones fonctionnelles du cerveau (langage, motricité, mémoire).

Cette interaction permet de cartographier le cerveau en temps réel grâce à la stimulation corticale directe, et de préserver les fonctions essentielles.

Contrairement à la chirurgie classique réalisée sous anesthésie générale, la «chirurgie éveillée» est personnalisée, plus précise et beaucoup plus sûre sur le plan fonctionnel.

En quoi la «chirurgie éveillée» représente-t-elle une avancée majeure pour le traitement des tumeurs cérébrales au Maroc ?

C’est une avancée considérable, car elle permet d’intervenir sur des zones cérébrales hautement sensibles, tout en minimisant le risque de séquelles graves comme l’aphasie ou l’hémiplégie. Au-delà de l’aspect technique, c’est un saut qualitatif pour la médecine marocaine, qui prouve sa capacité à intégrer les pratiques les plus avancées au niveau international. Cette chirurgie donne une nouvelle perspective aux patients : celle de guérir sans perdre leur identité cognitive ou langagière. C’est un message fort d’humanité et de modernité.

Où sont formés les chirurgiens pratiquant cette technique ?

Les neurochirurgiens sont formés initialement au Maroc, dans des centres hospitaliers universitaires de haut niveau, notamment à Rabat et Casablanca. Ensuite, plusieurs d’entre eux poursuivent leur spécialisation dans des pays à la pointe de la neurochirurgie, comme les États-Unis, la Belgique, le Japon ou d’autres pays d’Asie. Cette double formation – locale et internationale – est l’un des secrets du succès marocain.

À noter, par ailleurs, qu’un travail de recherche de cinq ans sur la stimulation cérébrale a abouti à la première thèse de doctorat (PhD) au Maroc sur ce sujet. Ce travail pionnier a posé les bases scientifiques de la «chirurgie éveillée» telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, en lien étroit avec les avancées en neuropsychologie et en neurosciences cliniques.

Comment se présente l’avenir de cette chirurgie au Maroc ? Peut-elle être généralisée dans tous les centres hospitaliers ?

L’avenir est prometteur, mais la généralisation dépendra de plusieurs facteurs, notamment la formation continue des équipes, l’équipement des blocs opératoires et l’intégration de cette approche dans les parcours universitaires. Il ne s’agit pas simplement d’une technique, mais d’un véritable travail d’équipe interdisciplinaire entre neurochirurgiens, anesthésistes, orthophonistes et psychologues. Aujourd’hui, seuls quelques centres sont capables de l’appliquer avec rigueur, mais la dynamique est lancée et, à terme, il est possible d’imaginer que plusieurs CHU au Maroc puissent proposer cette chirurgie de pointe.

Quels sont les autres pays africains et arabes où ce type de chirurgie est pratiqué ?

La «chirurgie éveillée» commence à émerger dans quelques pays africains et arabes, mais elle reste encore rare. On la retrouve en Tunisie, en Égypte, aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite. Cependant, le Maroc reste pionnier en Afrique francophone, et même dans le monde arabe, avec une expérience qui s’est construite sur plusieurs années, dans un esprit de recherche, d’excellence et d’innovation. Plus de 180 patients ont été opérés à Rabat par cette méthode, avec un taux de réussite de 98%, sans aphasie ni hémiplégie.

L’expérience s’est également étendue à la chirurgie pédiatrique, avec des résultats tout aussi encourageants. Quel sentiment cela vous inspire-t-il ?

C’est une grande fierté et une preuve tangible que l’excellence médicale n’est pas un vain mot au Maroc. Derrière ces chiffres impressionnants, qui témoignent d’un taux de réussite de plus de 98%, il ne s’agit pas simplement de statistiques abstraites, mais bien de vies humaines véritablement préservées. Chaque intervention réussie signifie qu’un patient a pu retrouver non seulement sa santé, mais aussi son identité, ses capacités cognitives, sa parole et son autonomie. L’extension récente de cette technique à la chirurgie pédiatrique représente, quant à elle, un message encore plus fort et porteur d’espoir. En effet, prendre en charge des enfants, souvent les patients les plus vulnérables et les plus sensibles, exige une précision extrême et une rigueur sans faille. Cela montre clairement que notre système médical est aujourd’hui capable de relever les défis les plus complexes, et ce avec un haut niveau d’exigence. Cet accomplissement suscite un sentiment profond de gratitude envers toutes les équipes médicales qui s’investissent sans relâche, ainsi qu’une grande responsabilité collective.

Quel est votre message au public ?

Ayez pleinement confiance en la médecine marocaine, qui, aujourd’hui, rassemble des femmes et des hommes d’une compétence exceptionnelle.

Ces professionnels, formés tant au Maroc qu’à l’étranger, mettent leur savoir-faire et leur engagement au service de la vie et du bien-être des patients.

La «chirurgie éveillée» incarne parfaitement cette excellence médicale et humaine. Elle nous rappelle avec force que guérir ne se limite pas à prolonger la vie. Guérir, c’est aussi préserver ce qui fait l’essence même de notre humanité : la parole qui nous permet de communiquer, la mémoire qui forge notre identité, les émotions qui donnent du sens à notre existence.

Ce message est avant tout un message d’espoir pour tous ceux qui doivent affronter la maladie, mais c’est aussi une profonde reconnaissance envers ces équipes médicales qui, chaque jour, travaillent avec passion, détermination et rigueur.

Ils repoussent sans cesse les limites du possible, innovent et font preuve d’une dévotion sans faille afin d’offrir à leurs patients le meilleur de la médecine moderne, ici même, au Maroc.
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