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Le CESE appelle à donner une nouvelle impulsion à la vie associative

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a préconisé de donner une nouvelle et forte impulsion à la vie associative et de redynamiser son rôle dans le développement.

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a récemment publié les résultats d’une enquête nationale sur les institutions sans but lucratif (ISBL), communément appelées société civile. L’enquête dresse un bilan positif du développement de ce

secteur, «une composante essentielle de la vie économique et sociale». Or si au plan quantitatif l’essor de la société civile est patent, au plan du rôle et des missions et surtout au plan de la contribution à l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, le tableau n’est pas aussi reluisant.



En effet, la vision optimiste du HCP n’est pas partagée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui, dans une récente alerte, reconnaît certes le «dynamisme» et la «crédibilité» du secteur, mais pointe «un certain essoufflement de la vie associative». Ainsi, le diagnostic du HCP, qui voit dans les ISBL des «institutions qui visent des objectifs sociaux, culturels, éducatifs, philanthropiques», apparaît en décalage avec l’analyse du CESE. Ce dernier appelle à l’émergence d’«une nouvelle génération de société civile, plus forte, plus diversifiée et mieux organisée». Cette mise en perspective révèle des lectures différentes de l’état réel du secteur associatif au Maroc. Si le HCP se félicite de la croissance du nombre d’associations, le CESE insiste sur la nécessité de consolider ce secteur, tant en termes de structuration que de représentativité. Au-delà des chiffres, l’enjeu est bien de s’assurer que la société civile joue pleinement son rôle dans l’avènement d’un «modèle de développement plus inclusif et territorialisé», pour reprendre les termes de «l’alerte» du CESE.

Le constat d’un essoufflement de la société civile

La Constitution de 2011 consacre le rôle clé des associations dans le processus démocratique, à travers la «dynamique de l’Appel de Rabat» et le «dialogue national sur la société civile». Pourtant, force est de constater que la concrétisation de cet objectif n’est pas pour demain. Le CESE pointe plusieurs obstacles persistants, comme des pratiques administratives restrictives pour la création d’associations, des difficultés dans l’exercice du droit de présenter des pétitions, l’accès limité aux espaces publics ou encore un financement public insuffisant. Autant d’entraves qui empêchent les associations de jouer pleinement leur rôle dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques aux niveaux national et territorial. Le Conseil déplore en effet «des pratiques administratives parfois restrictives ne favorisant pas la création ou le renouvellement des instances de gestion des associations, et ce conformément aux dispositions juridiques relatives au droit d’association (non-délivrance du récépissé provisoire et définitif, demande de pièces supplémentaires, etc.)», est-il indiqué.

Les préconisations du CESE pour une société civile dynamique

Face à ce constat, le CESE recommande de donner une nouvelle impulsion à la vie associative, à travers des réformes tant juridiques et structurelles que financières et fiscales. Sur le plan juridique, il s’agit notamment de revoir le Dahir de 1958 sur les associations pour le mettre en conformité avec la Constitution. Le CESE appelle également à faciliter les démarches administratives, promouvoir l’organisation des associations en réseau ou encore leur déléguer certains services publics. D’un point de vue financier et fiscal, les préconisations portent sur l’augmentation des financements publics sur le long terme et des exonérations adaptées au secteur associatif. L’enjeu est de permettre l’émergence d’associations plus fortes, diversifiées et structurées.

La société civile, un pilier du nouveau modèle de développement

Cet appel à revitaliser la société civile intervient à l’heure où le Maroc s’oriente vers un modèle de développement plus inclusif et territorialisé. Le CESE rappelle le rôle moteur des associations pour répondre aux attentes sociales et territoriales. Plus de 10 ans après l’ancrage constitutionnel, la concrétisation sur le terrain reste en deçà des ambitions initiales. Les recommandations du CESE visent à libérer le potentiel de la société civile comme pilier d’une gouvernance démocratique rénovée. Le Maroc a plus que jamais besoin d’une société civile forte, plurielle et audible pour relever les défis actuels et contribuer au nouveau modèle de développement. L’alerte lancée par le CESE sonne comme un appel à passer à l’action pour que la Constitution de 2011 trouve sa pleine expression.

Le secteur associatif marocain en plein essor, mais des freins persistent

Le HCP estime à 187.834 le nombre des institutions sans but lucratif (ISBL) actives au Maroc en 2019, soit plus de quatre fois le nombre recensé en 2007 (44.771). Cette explosion du nombre d’associations, avec un taux de croissance annuel moyen de 12,7%, est directement liée au lancement en 2005 de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) qui a fait du secteur associatif un partenaire incontournable. Ainsi, près de 8 associations sur 10 ont été créées après 2005.

Un essor spectaculaire du nombre d’associations depuis le lancement de l’INDH

Cet essor spectaculaire se traduit aussi par une forte augmentation du nombre d’ISBL pour 100.000 habitants, passé de 145 en 2007 à 528 en 2019. Il s’accompagne d’un rajeunissement du tissu associatif, avec un âge moyen de 10 ans et un âge médian de 8 ans en 2019, contre respectivement 7 et 4 ans en 2007. Les ISBL sont présentes sur tout le territoire, même si cinq régions (Casablanca-Settat, Marrakech-Safi, RabatSalé-Kénitra, Fès-Meknès et Souss-Massa) concentrent plus de la moitié d’entre elles. Ces 187.834 associations ont attiré plus de 41 millions d’adhésions, soit 219 adhésions par ISBL en moyenne. Culture, sport, développement et logement : les principaux domaines d’intervention Près de 6 associations sur 10 sont actives dans deux domaines : la culture, le sport et les loisirs pour 30,9% d’entre elles, et le développement et le logement pour 27,6%. Viennent ensuite l’éducation et la recherche (14,4%), les services sociaux et philanthropiques (12,9%) et la santé (3%). C’est logiquement dans le domaine de la culture et du sport que l’on trouve le plus grand nombre d’associations (58.073), mais aussi d’adhésions, avec 13,5 millions d’individus, soit 232 adhérents par association en moyenne. Les trois quarts des associations ont une portée locale (quartier, commune rurale ou urbaine). Seulement 7,9% déclarent avoir une portée nationale et 0,7% internationale.

Des conditions de fonctionnement précaires

Malgré cette croissance spectaculaire du nombre d’associations, le HCP souligne que leurs conditions de fonctionnement restent souvent précaires. Ainsi, plus de la moitié (54,7%) ne disposent pas de locaux et fonctionnent grâce à l’hébergement gracieux d’institutions publiques ou de membres. Par ailleurs, 96,7% des ISBL ne tiennent pas de comptabilité selon les normes en vigueur. Cette précarité se traduit aussi par la faiblesse des budgets de fonctionnement : 81,2% des associations fonctionnent avec moins de 100.000 DH par an. Seules 3% disposent d’un budget annuel supérieur à 500.000 DH. Et les ressources reposent pour un tiers sur les cotisations des adhérents.

Des difficultés en matière de ressources humaines

L’enquête du HCP révèle l’importance du bénévolat dans le fonctionnement des associations, avec plus d’un million de bénévoles mobilisés en 2019. Néanmoins, près des deux tiers des ISBL déclarent avoir des difficultés de disponibilité des bénévoles ou de les convaincre de poursuivre leur engagement. Seules 36% des associations emploient du personnel rémunéré, pour un total de 170.062 emplois équivalent temps plein. Trois quarts des employeurs sont de très petites structures, comptant au maximum 2 salariés.

Financement et équipements : les principaux freins

Sans surprise, les deux principales difficultés soulignées par les ISBL sont d’une part l’accès au financement, pour 8 associations sur 10, et d’autre part le manque ou l’absence d’équipements, pour plus de 9 sur 10. La question du bénévolat arrive en troisième position, avec les problèmes de disponibilité et de fidélisation des bénévoles. Enfin, 3 ISBL sur 4 mettent en avant des difficultés pour élaborer des plans d’action et 6 sur 10 pour nouer des partenariats. En conclusion, le HCP dresse le portrait d’un secteur associatif dynamique, en pleine croissance, mais qui reste confronté à des défis majeurs sur le plan structurel et organisationnel. L’enjeu est désormais d’accompagner cette montée en puissance par un soutien accru des pouvoirs publics, pour permettre aux associations de jouer pleinement leur rôle dans le développement social, culturel et économique du pays.

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