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Mardi 24 Juin 2025
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Le Maroc dispose aujourd’hui d’un modèle reproductible de résilience sismique (Unesco)

Développement d’un réseau sismique renforcé, formation de professionnels, sensibilisation dans les écoles… Le projet «SMoRE», piloté par l’Unesco et ses partenaires, s’achève sur un constat positif. Dans cet entretien accordé au journal «Le Matin», Éric Falt, directeur du Bureau régional de l’Unesco pour le Maghreb, détaille les outils mis en place dans le cadre de ce projet, et insiste sur l’importance d’une culture de prévention en plaidant pour une gouvernance partagée du risque.

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Le Matin : Le projet «SMoRE» arrive à son terme. Quels sont, selon vous, les principaux acquis pour le Maroc en matière de résilience sismique depuis le lancement de cette initiative ?

Éric Falt : Le projet «SMoRE», lancé après le séisme d’Al Haouz, a marqué une étape importante dans le renforcement de la résilience sismique du Maroc, surtout dans le sud du pays. Grâce à un partenariat solide entre l’Unesco, le gouvernement du Japon, le ministère de l’Enseignement supérieur représenté par le Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST), le ministère de l’Aménagement du territoire et d’autres acteurs clés, plusieurs avancées concrètes ont été réalisées.

Parmi les acquis majeurs : l’amélioration du réseau national de surveillance sismique avec l’installation de nouveaux capteurs, le développement d’une plateforme nationale d’alerte disponible en ligne, et la formation de près de 200 professionnels – ingénieurs, enseignants, journalistes – sur la prévention et la gestion des risques sismiques.

Au-delà de la technique, ce projet a permis de créer une véritable dynamique intersectorielle, en liant innovation, gouvernance, éducation et communication.



Au-delà de l’installation d’équipements, vous avez évoqué la volonté de «développer une culture de prévention». Quels outils ou dispositifs concrets sont envisagés pour ancrer cette culture dans la durée, notamment auprès des populations rurales ou isolées ?

L’un des piliers du projet «SMoRE» était justement d’ancrer une culture durable de prévention. Cela s’est traduit par des campagnes de sensibilisation dans les écoles, la formation de journalistes à la communication en situation de catastrophe, et l’édition de supports éducatifs adaptés aux contextes locaux. Un effort particulier a été porté sur les zones rurales : 12 établissements scolaires dans les provinces d’Al Haouz, Chichaoua et Taroudant ont été ciblés. Des enseignants ont été formés à la gestion psychosociale des catastrophes et des ateliers ont été menés avec les communautés locales pour renforcer leur capacité d’action en cas de séisme. L’objectif est clair : faire de chaque citoyen un acteur de la résilience.

Le projet a aussi produit un modèle de gouvernance pour un futur centre technique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs de ce centre et sur la feuille de route envisagée ?

Oui, une étude de faisabilité a été menée pour la création d’un Centre national technique de la construction sismique. Ce centre aura pour vocation d’être une plateforme de planification, de recherche appliquée et de formation continue, notamment en ingénierie parasismique.

Il s’agira d’un espace de simulation, capable de tester des scénarios en temps réel, et d’évaluer la vulnérabilité des infrastructures. Un business plan a été élaboré, avec un modèle de gouvernance clair, s’appuyant sur la coordination entre les institutions publiques, les universités et le secteur privé. L’ambition est de doter le Maroc d’un pôle de référence régional en matière de construction résiliente.

Comment l’Unesco compte-t-elle assurer un suivi post-projet afin de mesurer l’impact réel des stations sismiques et des dispositifs de sensibilisation installés ?

Les équipements installés sont désormais pleinement intégrés au réseau national de surveillance sismique géré par l’Institut national de géophysique au CNRST, ce qui garantit leur utilisation et leur efficacité dans la durée. Ensuite, la plateforme en ligne permettra un accès public aux données, assurant la transparence et l’usage effectif des capteurs. Sur le volet sensibilisation, des mécanismes de suivi sont envisagés en collaboration avec le ministère de l’Éducation et les autorités locales pour dupliquer ce modèle dans d’autres établissements et pour évaluer, dans le temps, les effets des actions menées dans les écoles et auprès des communautés.

L’un des aspects innovants de ce projet est la valorisation de l’architecture vernaculaire. Pourquoi était-il important de lier patrimoine culturel et prévention des risques ?

Parce que l’architecture traditionnelle porte en elle des savoir-faire adaptés au contexte sismique, transmis de génération en génération. Dans plusieurs régions du Maroc, des techniques de construction en terre crue ou en pierre ont prouvé leur résilience, à condition d’être consolidées ou adaptées aux normes modernes. En valorisant ce patrimoine, le projet «SMoRE» ne se contente pas de préserver une identité culturelle, il propose aussi des solutions techniques durables, basées sur les réalités locales. C’est une approche gagnante : elle favorise l’appropriation par les populations, elle respecte l’environnement, et elle renforce la résilience des bâtiments tout en protégeant la mémoire collective.


Envisagez-vous une extension de ce type de partenariat dans d’autres régions du Maroc exposées à des risques similaires ?

L’expérience «SMoRE» a montré la pertinence d’une approche intégrée et inclusive pour renforcer la résilience sismique. Il existe effectivement un intérêt à étendre ce type d’initiative à d’autres régions du Maroc exposées à des risques similaires. Toutefois, une telle extension dépendra naturellement de la mobilisation de financements complémentaires – qu’ils proviennent du Japon ou d’autres partenaires internationaux. Si le Maroc le souhaite, l’Unesco restera engagée à soutenir les autorités du pays dans cette démarche, en facilitant les partenariats techniques et en apportant son expertise. Le modèle développé pourrait être adapté à d’autres territoires, en tenant compte de leurs spécificités locales, pour construire une résilience durable à l’échelle nationale.
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