L'intelligence artificielle (IA) s'impose comme un vecteur majeur de transformation dans de nombreux secteurs, et l'éducation n'échappe pas à cette dynamique. L'intégration des technologies intelligentes dans les salles de classe promet des avancées considérables, tant sur le plan pédagogique qu'organisationnel. L'IA offre, en effet, des solutions innovantes pour relever les défis de l'éducation moderne. Cependant, son déploiement nécessite une réflexion approfondie sur ses implications éthiques, sociales et humaines, afin de s'assurer qu'elle profite pleinement aux apprenants sans compromettre leur développement global.
Ce sujet crucial a été mis en lumière par l'Unesco, qui a consacré la Journée mondiale de l'éducation, le 24 janvier dernier, au thème «L'IA et l'éducation : préserver l'autonomie dans un monde automatisé». Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco, a souligné à cette occasion que l'IA représente une opportunité majeure pour l'éducation, mais que son déploiement dans les écoles doit être guidé par des principes éthiques clairs. Selon elle, pour révéler tout son potentiel, cette technologie doit s'ajouter aux dimensions humaines et sociales de l'apprentissage, et non les remplacer. L'IA doit avant tout être un outil au service des enseignants et des élèves, avec pour principal objectif leur autonomie et leur bien-être.
L’IA offre des opportunités concrètes pour l’éducation
Contacté par le quotidien «Le Matin», Abderrahim Lih, expert en technologies éducatives, a partagé son avis sur les opportunités offertes par l'intelligence artificielle dans le domaine de l’éducation. Selon lui, les avancées rapides de l'IA bouleversent progressivement les pratiques pédagogiques, accélérant l'innovation. Il explique : «L’intelligence artificielle dans les écoles et universités pourrait favoriser l’apprentissage à plusieurs niveaux : le développement des situations d’apprentissage, le renforcement des capacités des enseignants et des apprenants, ainsi que la réingénierie des méthodes pédagogiques.»
L’IA, précise-t-il, pourrait transformer les environnements d'apprentissage, notamment l'école, la classe, l'environnement externe d'apprentissage et même la maison. L'école pourrait ainsi devenir plus ouverte, plus coopérative et plus intelligente : «L’enseignement et l’apprentissage pourraient se faire à n’importe quel moment, de manière réelle ou virtuelle, en présence ou à distance. Le temps scolaire et l’espace d’enseignement ont ainsi pris de nouvelles dimensions, grâce à l’omniprésence des machines intelligentes, connectées en permanence».
Concrètement, l’IA pourrait offrir plusieurs opportunités, comme «L’accès facilité et interactif à des bases de connaissances immenses, l’aide à la production coopérative des programmes éducatifs, le développement de nouvelles formes d’auto-apprentissage et de co-apprentissage appuyées par des systèmes intelligents, ainsi que l’utilisation de robots éducatifs mobiles spécialisés pour accompagner les élèves à différents niveaux». Ces robots pourraient, par exemple, assurer des fonctions d’assistance dans l’apprentissage des langues, la programmation, l’évaluation des acquis, ou encore proposer des ajustements pédagogiques en temps réel.
En outre, l’IA permettrait aux enseignants de mieux préparer leurs cours, en s’appuyant sur une base riche de connaissances pour élaborer leurs plans et cibler les besoins des élèves. «En partageant son rôle avec l’IA, le professeur pourrait se concentrer sur des tâches humaines valorisantes et productives», ajoute-t-il. Enfin, le co-apprentissage et la co-évaluation bénéficieront grandement de cette technologie, permettant aux élèves de développer leurs compétences en mobilisant la synergie du groupe et en s’appuyant sur l’accompagnement des intelligences artificielles.
Risques et dérives potentiels
L’expert alerte, par ailleurs, sur les risques que l'IA peut représenter pour les enfants et les adolescents, malgré ses nombreux avantages. Selon lui, «les menaces peuvent être classées en trois catégories principales : la promotion de situations d’apprentissage non saines, l’affaiblissement des capacités de l’enseignant et l’affaiblissement des capacités de l’apprenant.» Il souligne que l’IA, développée rapidement et sans régulation suffisante, pourrait avoir des conséquences graves, notamment dans l'éducation : «En transformant l'homme, en agissant sur ses capacités cognitives et psychologiques, surtout chez les jeunes, l’IA peut entraîner des dérives».
L’importance d’un encadrement humain
Il précise, également, que malgré les avancées de l'IA, l'humain reste indispensable dans l'éducation : «Il y a toujours un besoin d’orientation, d’accompagnement et d’interaction humaine.» En effet, le risque d’une perte de contact avec la réalité est réel : «L’IA pourrait provoquer une désorientation, voire une “virtualisation” des élèves.» D’où la nécessité, selon lui, de «redéfinir et réguler de manière équilibrée les rôles des différents acteurs éducatifs, y compris les machines intelligentes», ce qui reste aujourd’hui un défi sans réponse claire. Il met également en garde contre des impacts psychologiques potentiels, ainsi que des préoccupations sur la confidentialité des données et l’autonomie des enseignants et des élèves.
Concernant les habitudes d’apprentissage des jeunes, l'expert indique que «les machines dotées d’IA seront omniprésentes dans les espaces d’enseignement». Dès lors, «les élèves devront être sensibilisés et formés pour s’adapter à cet environnement numérique.» Cela passe, selon lui, par une formation adéquate afin de comprendre et utiliser l’IA, mais aussi pour s'intégrer dans un monde de plus en plus digitalisé : «Il est impératif d’élaborer des référentiels de compétences numériques, en particulier en IA, dans toutes les étapes de l’éducation.» De plus, il préconise de lancer des recherches pour définir les meilleures méthodes d’intégration de l’IA dans les systèmes éducatifs afin de servir au mieux les élèves, en prenant en compte les curricula, la pédagogie et la vie scolaire.
Les écoles marocaines font leurs premiers pas vers l'intégration de l'IA
Certaines écoles ont commencé à intégrer l'Intelligence artificielle (IA) dans leur programme pédagogique pour préparer les élèves aux défis éducatifs et professionnels de demain. C'est le cas de Yassamine International School à Casablanca, où l'IA va dorénavant occuper une place centrale. Selon Jihane El Rharfi, Directrice des études, l’objectif principal de cette intégration est de «préparer nos élèves aux compétences de demain, celles qui sont de plus en plus demandées dans le monde professionnel, telles que la pensée critique, la résolution de problèmes et la gestion de données. L'IA est en effet un vecteur essentiel dans ces domaines.»
L'IA permet également de «personnaliser l’apprentissage en fonction des besoins de chaque élève pour mieux suivre leur progression et intervenir de manière ciblée lorsque c'est nécessaire.» Cela rend l'apprentissage plus interactif et engageant, comme le souligne Jihane El Rharfi : «Un autre objectif important est de favoriser l’engagement de nos élèves en les initiant à une technologie moderne et stimulante. L’apprentissage devient plus interactif et ludique.»
Grâce à des outils d’analyse de données, l’IA aide les enseignants à suivre de manière précise et individualisée les progrès des élèves. Elle peut détecter les domaines où un élève rencontre des difficultés et proposer des ressources adaptées pour l'aider à progresser à son propre rythme. «Cela aide les élèves à progresser à leur propre rythme, sans se sentir laissés pour compte ou inactifs s’ils maîtrisent déjà certaines notions.» Par ailleurs, des applications comme la robotique permettent aux élèves de «programmer des robots intelligents qui réagissent à leurs instructions, ce qui leur permet de voir instantanément les résultats de leur travail».
Cependant, l'intégration de l'IA présente des défis, notamment la formation des enseignants. «L’IA et les technologies associées sont en constante évolution, et il est primordial que nos enseignants soient formés non seulement à l’utilisation des outils, mais aussi à l'intégration pédagogique de ces technologies. Pour surmonter ce défi, l’école mise sur des formations continues pour notre équipe éducative et nous collaborons avec des experts externes pour accompagner cette transition».
L’adaptation des infrastructures est un autre obstacle majeur. L’IA nécessite des ressources matérielles et logicielles spécifiques. «Nous travaillons sur un plan de mise à jour et d'optimisation des infrastructures technologiques de l’école afin de garantir que chaque élève puisse bénéficier des outils nécessaires pour utiliser ces technologies de manière optimale», souligne la responsable.
Les parents dépassés face aux défis de l’IA
L’intelligence artificielle s’impose progressivement dans la vie quotidienne des enfants, qu’il s’agisse d’outils éducatifs, d’assistants virtuels ou d’algorithmes de recommandation sur les plateformes en ligne. Face à cette évolution rapide, les parents jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement et la protection de leurs enfants contre les dérives potentielles de ces technologies.
«Les parents ne sont souvent pas suffisamment informés sur l’impact de l’IA sur la vie de leurs enfants», souligne Youssef Bentaleb, président du Centre marocain pour la recherche et la prévention des incidents (CMRPI). Il constate que la plupart des familles souffrent d’un manque de culture numérique, rendant difficile une éducation numérique efficace. «Les enfants maîtrisent souvent mieux ces outils que leurs parents, ce qui complique l’encadrement et l’accompagnement», ajoute-t-il.
Cette fracture intergénérationnelle place les parents dans une situation délicate : ils doivent assumer la responsabilité d’orienter leurs enfants dans un monde numérique qu’ils ne connaissent pas toujours bien. C’est pourquoi il est devenu essentiel de leur fournir des ressources adaptées pour mieux comprendre et encadrer l’usage de l’IA par leurs enfants.
À travers l’édition 2025 du Safer Internet Day prévu le 11 février prochain, le CMRPI met en avant l’importance de sensibiliser les familles à ces nouvelles réalités. «L’intelligence artificielle est une technologie à double tranchant», explique Bentaleb. «Elle offre des opportunités incroyables, mais comporte également des risques, notamment en matière de protection des données et de manipulation des contenus.»
Le thème choisi cette année, «L’IA entre opportunités et menaces : quelle responsabilité des parents et tuteurs ?», reflète cette préoccupation. L’objectif est de rappeler aux familles leur rôle essentiel dans la protection et l’éducation numérique de leurs enfants, en leur donnant les outils nécessaires pour mieux encadrer leur utilisation des nouvelles technologies.
Pour aider les parents à mieux comprendre ces enjeux, le CMRPI a mis en place plusieurs initiatives pédagogiques. «Nous avons conçu des guides simplifiés, des fiches explicatives et des capsules vidéo en plusieurs langues pour rendre l’IA compréhensible à tous», détaille Youssef Bentaleb. Ces supports permettent de vulgariser les concepts de l’IA et de sensibiliser les familles aux bonnes pratiques à adopter.
En complément, des ateliers pilotes sont organisés à destination des parents fonctionnaires et de leurs enfants, afin de favoriser un échange constructif et une meilleure compréhension des enjeux du numérique. «Nous avons déjà testé cette approche avec succès dans plusieurs administrations, et nous espérons l’étendre à plus grande échelle cette année», précise-t-il.
Alors que l’intelligence artificielle continue de se développer à un rythme effréné, il est crucial que les parents s’impliquent activement dans l’éducation numérique de leurs enfants. «L’IA n’est ni bonne ni mauvaise en soi, tout dépend de la manière dont elle est utilisée», conclut Youssef Bentaleb. «Les parents doivent s’informer, dialoguer avec leurs enfants et les accompagner pour en faire un outil d’apprentissage plutôt qu’un danger». Avec cette édition du Safer Internet Day, le CMRPI espère poser les bases d’une culture numérique responsable, où parents et enfants avancent main dans la main face aux défis du numérique.
Ce sujet crucial a été mis en lumière par l'Unesco, qui a consacré la Journée mondiale de l'éducation, le 24 janvier dernier, au thème «L'IA et l'éducation : préserver l'autonomie dans un monde automatisé». Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco, a souligné à cette occasion que l'IA représente une opportunité majeure pour l'éducation, mais que son déploiement dans les écoles doit être guidé par des principes éthiques clairs. Selon elle, pour révéler tout son potentiel, cette technologie doit s'ajouter aux dimensions humaines et sociales de l'apprentissage, et non les remplacer. L'IA doit avant tout être un outil au service des enseignants et des élèves, avec pour principal objectif leur autonomie et leur bien-être.
L’IA offre des opportunités concrètes pour l’éducation
Contacté par le quotidien «Le Matin», Abderrahim Lih, expert en technologies éducatives, a partagé son avis sur les opportunités offertes par l'intelligence artificielle dans le domaine de l’éducation. Selon lui, les avancées rapides de l'IA bouleversent progressivement les pratiques pédagogiques, accélérant l'innovation. Il explique : «L’intelligence artificielle dans les écoles et universités pourrait favoriser l’apprentissage à plusieurs niveaux : le développement des situations d’apprentissage, le renforcement des capacités des enseignants et des apprenants, ainsi que la réingénierie des méthodes pédagogiques.»
L’IA, précise-t-il, pourrait transformer les environnements d'apprentissage, notamment l'école, la classe, l'environnement externe d'apprentissage et même la maison. L'école pourrait ainsi devenir plus ouverte, plus coopérative et plus intelligente : «L’enseignement et l’apprentissage pourraient se faire à n’importe quel moment, de manière réelle ou virtuelle, en présence ou à distance. Le temps scolaire et l’espace d’enseignement ont ainsi pris de nouvelles dimensions, grâce à l’omniprésence des machines intelligentes, connectées en permanence».
Concrètement, l’IA pourrait offrir plusieurs opportunités, comme «L’accès facilité et interactif à des bases de connaissances immenses, l’aide à la production coopérative des programmes éducatifs, le développement de nouvelles formes d’auto-apprentissage et de co-apprentissage appuyées par des systèmes intelligents, ainsi que l’utilisation de robots éducatifs mobiles spécialisés pour accompagner les élèves à différents niveaux». Ces robots pourraient, par exemple, assurer des fonctions d’assistance dans l’apprentissage des langues, la programmation, l’évaluation des acquis, ou encore proposer des ajustements pédagogiques en temps réel.
En outre, l’IA permettrait aux enseignants de mieux préparer leurs cours, en s’appuyant sur une base riche de connaissances pour élaborer leurs plans et cibler les besoins des élèves. «En partageant son rôle avec l’IA, le professeur pourrait se concentrer sur des tâches humaines valorisantes et productives», ajoute-t-il. Enfin, le co-apprentissage et la co-évaluation bénéficieront grandement de cette technologie, permettant aux élèves de développer leurs compétences en mobilisant la synergie du groupe et en s’appuyant sur l’accompagnement des intelligences artificielles.
Risques et dérives potentiels
L’expert alerte, par ailleurs, sur les risques que l'IA peut représenter pour les enfants et les adolescents, malgré ses nombreux avantages. Selon lui, «les menaces peuvent être classées en trois catégories principales : la promotion de situations d’apprentissage non saines, l’affaiblissement des capacités de l’enseignant et l’affaiblissement des capacités de l’apprenant.» Il souligne que l’IA, développée rapidement et sans régulation suffisante, pourrait avoir des conséquences graves, notamment dans l'éducation : «En transformant l'homme, en agissant sur ses capacités cognitives et psychologiques, surtout chez les jeunes, l’IA peut entraîner des dérives».
L’importance d’un encadrement humain
Il précise, également, que malgré les avancées de l'IA, l'humain reste indispensable dans l'éducation : «Il y a toujours un besoin d’orientation, d’accompagnement et d’interaction humaine.» En effet, le risque d’une perte de contact avec la réalité est réel : «L’IA pourrait provoquer une désorientation, voire une “virtualisation” des élèves.» D’où la nécessité, selon lui, de «redéfinir et réguler de manière équilibrée les rôles des différents acteurs éducatifs, y compris les machines intelligentes», ce qui reste aujourd’hui un défi sans réponse claire. Il met également en garde contre des impacts psychologiques potentiels, ainsi que des préoccupations sur la confidentialité des données et l’autonomie des enseignants et des élèves.
Concernant les habitudes d’apprentissage des jeunes, l'expert indique que «les machines dotées d’IA seront omniprésentes dans les espaces d’enseignement». Dès lors, «les élèves devront être sensibilisés et formés pour s’adapter à cet environnement numérique.» Cela passe, selon lui, par une formation adéquate afin de comprendre et utiliser l’IA, mais aussi pour s'intégrer dans un monde de plus en plus digitalisé : «Il est impératif d’élaborer des référentiels de compétences numériques, en particulier en IA, dans toutes les étapes de l’éducation.» De plus, il préconise de lancer des recherches pour définir les meilleures méthodes d’intégration de l’IA dans les systèmes éducatifs afin de servir au mieux les élèves, en prenant en compte les curricula, la pédagogie et la vie scolaire.
Les écoles marocaines font leurs premiers pas vers l'intégration de l'IA
Certaines écoles ont commencé à intégrer l'Intelligence artificielle (IA) dans leur programme pédagogique pour préparer les élèves aux défis éducatifs et professionnels de demain. C'est le cas de Yassamine International School à Casablanca, où l'IA va dorénavant occuper une place centrale. Selon Jihane El Rharfi, Directrice des études, l’objectif principal de cette intégration est de «préparer nos élèves aux compétences de demain, celles qui sont de plus en plus demandées dans le monde professionnel, telles que la pensée critique, la résolution de problèmes et la gestion de données. L'IA est en effet un vecteur essentiel dans ces domaines.»
L'IA permet également de «personnaliser l’apprentissage en fonction des besoins de chaque élève pour mieux suivre leur progression et intervenir de manière ciblée lorsque c'est nécessaire.» Cela rend l'apprentissage plus interactif et engageant, comme le souligne Jihane El Rharfi : «Un autre objectif important est de favoriser l’engagement de nos élèves en les initiant à une technologie moderne et stimulante. L’apprentissage devient plus interactif et ludique.»
Grâce à des outils d’analyse de données, l’IA aide les enseignants à suivre de manière précise et individualisée les progrès des élèves. Elle peut détecter les domaines où un élève rencontre des difficultés et proposer des ressources adaptées pour l'aider à progresser à son propre rythme. «Cela aide les élèves à progresser à leur propre rythme, sans se sentir laissés pour compte ou inactifs s’ils maîtrisent déjà certaines notions.» Par ailleurs, des applications comme la robotique permettent aux élèves de «programmer des robots intelligents qui réagissent à leurs instructions, ce qui leur permet de voir instantanément les résultats de leur travail».
Cependant, l'intégration de l'IA présente des défis, notamment la formation des enseignants. «L’IA et les technologies associées sont en constante évolution, et il est primordial que nos enseignants soient formés non seulement à l’utilisation des outils, mais aussi à l'intégration pédagogique de ces technologies. Pour surmonter ce défi, l’école mise sur des formations continues pour notre équipe éducative et nous collaborons avec des experts externes pour accompagner cette transition».
L’adaptation des infrastructures est un autre obstacle majeur. L’IA nécessite des ressources matérielles et logicielles spécifiques. «Nous travaillons sur un plan de mise à jour et d'optimisation des infrastructures technologiques de l’école afin de garantir que chaque élève puisse bénéficier des outils nécessaires pour utiliser ces technologies de manière optimale», souligne la responsable.
Les parents dépassés face aux défis de l’IA
L’intelligence artificielle s’impose progressivement dans la vie quotidienne des enfants, qu’il s’agisse d’outils éducatifs, d’assistants virtuels ou d’algorithmes de recommandation sur les plateformes en ligne. Face à cette évolution rapide, les parents jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement et la protection de leurs enfants contre les dérives potentielles de ces technologies.
«Les parents ne sont souvent pas suffisamment informés sur l’impact de l’IA sur la vie de leurs enfants», souligne Youssef Bentaleb, président du Centre marocain pour la recherche et la prévention des incidents (CMRPI). Il constate que la plupart des familles souffrent d’un manque de culture numérique, rendant difficile une éducation numérique efficace. «Les enfants maîtrisent souvent mieux ces outils que leurs parents, ce qui complique l’encadrement et l’accompagnement», ajoute-t-il.
Cette fracture intergénérationnelle place les parents dans une situation délicate : ils doivent assumer la responsabilité d’orienter leurs enfants dans un monde numérique qu’ils ne connaissent pas toujours bien. C’est pourquoi il est devenu essentiel de leur fournir des ressources adaptées pour mieux comprendre et encadrer l’usage de l’IA par leurs enfants.
À travers l’édition 2025 du Safer Internet Day prévu le 11 février prochain, le CMRPI met en avant l’importance de sensibiliser les familles à ces nouvelles réalités. «L’intelligence artificielle est une technologie à double tranchant», explique Bentaleb. «Elle offre des opportunités incroyables, mais comporte également des risques, notamment en matière de protection des données et de manipulation des contenus.»
Le thème choisi cette année, «L’IA entre opportunités et menaces : quelle responsabilité des parents et tuteurs ?», reflète cette préoccupation. L’objectif est de rappeler aux familles leur rôle essentiel dans la protection et l’éducation numérique de leurs enfants, en leur donnant les outils nécessaires pour mieux encadrer leur utilisation des nouvelles technologies.
Pour aider les parents à mieux comprendre ces enjeux, le CMRPI a mis en place plusieurs initiatives pédagogiques. «Nous avons conçu des guides simplifiés, des fiches explicatives et des capsules vidéo en plusieurs langues pour rendre l’IA compréhensible à tous», détaille Youssef Bentaleb. Ces supports permettent de vulgariser les concepts de l’IA et de sensibiliser les familles aux bonnes pratiques à adopter.
En complément, des ateliers pilotes sont organisés à destination des parents fonctionnaires et de leurs enfants, afin de favoriser un échange constructif et une meilleure compréhension des enjeux du numérique. «Nous avons déjà testé cette approche avec succès dans plusieurs administrations, et nous espérons l’étendre à plus grande échelle cette année», précise-t-il.
Alors que l’intelligence artificielle continue de se développer à un rythme effréné, il est crucial que les parents s’impliquent activement dans l’éducation numérique de leurs enfants. «L’IA n’est ni bonne ni mauvaise en soi, tout dépend de la manière dont elle est utilisée», conclut Youssef Bentaleb. «Les parents doivent s’informer, dialoguer avec leurs enfants et les accompagner pour en faire un outil d’apprentissage plutôt qu’un danger». Avec cette édition du Safer Internet Day, le CMRPI espère poser les bases d’une culture numérique responsable, où parents et enfants avancent main dans la main face aux défis du numérique.
Abderrahim Lih, expert en technologies éducatives : «Le Maroc ne dispose pas aujourd’hui d'une législation spécifique sur l'IA»
Quels sont les principaux défis auxquels parents et enseignants sont confrontés face à l’utilisation croissante de l’IA par les jeunes ? Et comment doivent-ils agir ?
Les enseignants pourraient être accompagnés par l’IA pour optimiser leurs efforts et bien orienter leurs activités de préparation et d’enseignement, particulièrement pour gérer le rythme et personnaliser le parcours d’apprentissage de chaque apprenant, y compris ceux en difficulté. Toutefois, la tentation, motivée par le progrès technologique, de concéder à l’IA des tâches qui devrait être prises en charge par l’enseignant pourrait être grande, ce qui est de nature à affaiblir ses capacités et le pousser davantage à compter sur les machines intelligentes.
Les paradigmes classiques de l’enseignement sont remis en cause par l’IA. Les méthodes pédagogiques devraient être renouvelées, voire réinventées. Les processus d’apprentissage sont devenus plus itératifs, progressifs et adaptatifs.
L’enseignant devrait rester incertain sur l’effet des actions pédagogiques, rester en veille sur les résultats attendus et obtenus et rechercher en permanence des solutions innovantes aux nouvelles situations d’apprentissage. Ce sont des méthodes pédagogiques proactives, curatives, résilientes et évolutives qui intègrent de manière nouvelle les dimensions du temps et de l’espace en réduisant les interactions humaines, mais en les orientant vers plus d’efficacité et de performance en se libérant des contraintes des lieux. L’objectif est de réduire la probabilité de l’apparition des difficultés et augmenter celle de la réussite des actions pédagogiques.
De leur côté, les parents sont devant un ensemble d’inquiétudes. On peut citer en particulier la collecte des données de leurs enfants, leur stockage et leur utilisation. Un autre souci concerne la dépendance excessive à la technologie et le manque de développer des compétences essentielles telles que la lecture, la rédaction, l’analyse, la synthèse, la résolution de problèmes et l’esprit critique.
Y a-t-il des exemples réussis d’utilisation de l’IA dans les écoles ou les foyers que vous pouvez partager avec nous ?
L’utilisation de l’IA dans les écoles est récente. Il y a plusieurs expériences qui sont conduites actuellement dans le monde. Par exemple, on peut citer une expérience menée par Unbound Academy dans des écoles publiques de l’État américain Arizona. Elle a mis en place un programme d’enseignements basé sur l’IA, impliquant 250 élèves du CM1 à dernière année du collège. Il s’agit de proposer des cours en ligne couvrant la lecture, la grammaire, les mathématiques, le codage informatique, la communication, le travail d’équipe, la littératie financière et l’entrepreneuriat. D’autres expériences, menées par Unbound Academy au Texas et en Californie. Dans ces écoles américaines, l’IA a déjà remplacé les enseignants ! Les méthodes d’enseignement traditionnelles sont remises en cause et le choix est porté sur l’apprentissage personnalisé et l’optimisation du temps d’apprentissage (2 heures par jour d’enseignement académique) en se focalisant sur le développement de compétences clés. Les élèves interagiront avec des systèmes intelligents et devraient apprendre deux fois plus rapidement que dans une école traditionnelle. Des «guides» accompagnent désormais les élèves, avec un ratio de 1 guide pour 33 élèves. Leur mission : animer des ateliers de compétences pratiques et suivre individuellement chaque élève. L’IA suit précisément leurs progrès, émotions et engagement. Au Maroc, plusieurs établissements privés et publics ont commencé à penser à l’intégration l’IA dans leurs programmes de formation.
Est-ce que les entreprises technologiques ont des engagements pour minimiser les risques liés à l’IA pour les jeunes utilisateurs et encadrer l’utilisation de ces technologies ?
Le Maroc ne dispose pas aujourd’hui d'une législation spécifique sur l'IA. Cependant, des initiatives sont en cours pour instaurer un cadre réglementaire spécifique lié à la protection des données, la transparence des algorithmes et la responsabilité sociale. Pour l’instant, on ne peut que s’appuyer sur les textes juridiques existants tels que la Loi n° 09-08 promulguée en 2009 sur la protection des données personnelles. Il faut noter, par ailleurs, que le Centre international pour l'intelligence artificielle à l'Université Mohammed VI Polytechnique, créé en novembre 2022, pourrait jouer à ce titre un rôle important.
Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental a émis un ensemble de recommandations dans le cadre d’un Avis n° 78/2024. Il s’agit notamment de réviser la Loi 09-08 relative à la protection des données personnelles afin qu’elle intègre valablement les exigences des données utilisées et générées par l’IA, tout en garantissant sa conformité avec les normes internationales. Le Conseil appelle aussi à encourager l’usage raisonné d’outils IA dans tous les secteurs, notamment pour les PME et TPE, incluant des volets de formation ainsi que des dispositifs d’accès aux ressources financières, matérielles et logicielles et libérer les données publiques et faciliter l’accès à des données fiables et interopérables pour disposer des informations nécessaires au développement d’applications d’IA. Le CESE recommande, en outre, de créer un Fonds d’investissement public-privé dédié à l’innovation dans l’intelligence artificielle et les technologies numériques avancées, incluant des subventions, des fonds d’amorçage et du capital-risque pour soutenir les projets en IA. Il appelle, enfin, à intégrer systématiquement la formation en IA dans l’offre éducative nationale et renforcer les programmes d’enseignement supérieur en IA dans les universités et écoles spécialisées.
Ismaïl El Hamraoui, chercheur en questions des jeunes et politiques publiques : «Il est crucial de former les nouvelles générations pour qu’elles ne soient pas de simples consommatrices passives de l’IA, mais des utilisatrices averties et responsables»
Le Matin : Beaucoup d’élèves utilisent l’IA pour obtenir des réponses ou accomplir leurs devoirs de manière non conforme. Que pouvez-vous nous dire sur ce genre de pratiques ?
Aujourd’hui, de nombreux élèves se tournent vers l’intelligence artificielle (IA) pour les aider à faire leurs devoirs. Si, à première vue, cela peut sembler pratique, il y a un revers à la médaille. Utiliser l’IA pour comprendre une notion ou s’inspirer d’une réponse est une chose, mais lorsqu’elle est employée pour faire le travail à la place de l’élève, cela devient problématique.
Pourquoi ? Parce que cela empêche l’apprentissage réel. Comprendre, réfléchir, faire des erreurs, recommencer... c’est tout ce processus qui permet de progresser. À force de s’appuyer sur une IA pour fournir des réponses toutes faites, on risque de passer à côté de cet apprentissage fondamental. L’enjeu n’est donc pas d’interdire ces outils, mais plutôt d’apprendre aux élèves à les utiliser de manière intelligente et responsable.
L’IA nuit-elle à la créativité et à l’esprit critique des jeunes ?
C’est une question qui mérite d’être posée. Lorsqu’un élève utilise une IA pour rédiger un texte ou résoudre un problème, il peut être tenté de simplement copier la réponse sans chercher à la comprendre ou à la reformuler avec ses propres mots. Résultat ? Il réfléchit moins, et sa capacité à structurer ses idées peut en pâtir.
Mais attention, cela ne veut pas dire que l’IA est nécessairement un frein à la créativité. Tout dépend de la façon dont on l’utilise ! Elle peut aussi servir à générer des idées, proposer de nouvelles perspectives ou aider à organiser ses pensées. Le vrai défi, c’est donc d’apprendre aux jeunes à faire preuve de discernement : savoir quand s’appuyer sur l’IA et quand laisser place à leur propre réflexion.
Quels sont, selon vous, les risques liés à l’utilisation excessive d’outils éducatifs basés sur l’IA, notamment en termes de dépendance ou de passivité ?
Si l’intelligence artificielle est utilisée sans modération, plusieurs dangers menacent les élèves. Tout d’abord, ils risquent de devenir dépendants, en perdant confiance en leur capacité à réfléchir et à résoudre des problèmes par eux-mêmes. Ensuite, l’accès instantané aux réponses peut les rendre passifs, réduisant leur motivation à chercher des solutions par eux-mêmes. De plus, en recopiant des textes générés par une IA, ils peuvent perdre en qualité d’expression, ce qui nuit à leur capacité à structurer et formuler leurs propres idées. Enfin, l’IA n’étant pas infaillible, les élèves risquent de manquer de recul, en prenant pour argent comptant des informations qui peuvent être erronées ou biaisées. Il est donc essentiel d’encadrer l’utilisation de ces outils pour en tirer profit sans tomber dans la facilité.
Quelles initiatives éducatives seraient nécessaires pour que les jeunes comprennent les enjeux éthiques liés à l’IA ?
Plutôt que de diaboliser l’intelligence artificielle, il est essentiel de donner aux élèves les clés pour l’utiliser à bon escient. Cela passe d’abord par une initiation à son fonctionnement, afin qu’ils comprennent comment elle génère du texte, pourquoi elle peut se tromper et quelles sont ses limites. Ensuite, il est crucial de développer leur esprit critique, en leur apprenant à vérifier les informations, comparer différentes sources et se poser les bonnes questions. Par ailleurs, les sensibiliser aux questions éthiques est indispensable, car l’IA influence des domaines variés comme l’emploi, la vie privée ou encore la justice. Enfin, il faut encourager un usage responsable, en rappelant que l’IA doit rester un outil d’aide et non un substitut à la réflexion. En intégrant ces apprentissages dès le plus jeune âge, les élèves pourront mieux comprendre l’IA et l’utiliser de manière éclairée.
Pensez-vous qu’il serait intéressant d’introduire des cours sur l’IA et ses implications sociales dès le secondaire ?
Absolument ! L’intelligence artificielle est omniprésente dans notre quotidien, que ce soit dans nos téléphones, nos recherches internet ou nos recommandations de vidéos, et pourtant, peu de jeunes en comprennent réellement le fonctionnement et les impacts. Un cours sur l’IA au secondaire permettrait d’aborder plusieurs aspects essentiels : d’abord, son fonctionnement, afin que les élèves en saisissent les forces et les limites ; ensuite, ses impacts sur la société, notamment dans des domaines comme l’emploi, la justice ou l’environnement, pour mieux en mesurer les enjeux ; enfin, son utilisation responsable, en apprenant à s’en servir comme un outil d’aide plutôt qu’une béquille qui pense à leur place. Face aux avancées technologiques, il est crucial de former les nouvelles générations pour qu’elles ne soient pas de simples consommatrices passives, mais des utilisatrices averties et responsables.
