L’Observatoire national de la criminalité, relevant du ministère de la Justice, vient de publier deux rapports alarmants sur la montée en puissance de "Lboufa", une drogue de fabrication artisanale qui s’impose dans plusieurs quartiers urbains fragilisés. Confectionnée à partir de résidus de cocaïne mélangés à des produits chimiques dangereux – acide de batterie, pesticides, solvants – cette drogue bon marché, apparue en 2020, connaît une progression fulgurante.
En 2022, 493 grammes de cette substance ont été saisis. Au fil des années, les quantités confisquées n’ont cessé d’augmenter, atteignant 8.014 grammes en 2023. Cette évolution croissante traduit l’élargissement des circuits de production et l’augmentation de la demande, tout en révélant une amélioration notable de l’efficacité des services de sécurité, qui considèrent "Lboufa" comme une priorité majeure de leurs interventions. Ainsi, les quantités saisies en 2024 ont atteint un pic de 9.697 grammes.
Parallèlement, l’évolution du nombre de personnes interpellées montre une large diffusion de cette drogue dans différents milieux sociaux. Après l’arrestation de 92 personnes en 2022, le nombre est monté à 482 en 2023, avant de légèrement baisser à 470 en 2024. Les données indiquent que la majorité des personnes arrêtées se concentrent en milieu urbain, représentant près de trois quarts des cas, confirmant l’ancrage de cette drogue dans certains quartiers fragiles et socialement vulnérables.
Concernant le profil socio-démographique, il apparaît que 88,9 % des personnes impliquées sont de sexe masculin et 91,28 % appartiennent à la tranche d’âge de 18 à 55 ans, soit la population active. Une grande partie est non scolarisée ou dispose d’un niveau d’instruction très limité, ce qui reflète une fragilité sociale qui les rend plus vulnérables. Ainsi, selon les estimations de l’Observatoire national de la criminalité, près de 15 % des jeunes vivant en milieu urbain sont aujourd’hui directement ou indirectement touchés par le fléau.
Du point de vue économique, la majorité des mis en cause est sans emploi ou exerce dans le secteur informel, ce qui limite leur capacité à assumer les risques liés à la consommation de cette drogue ou à prendre des décisions réfléchies face à ses dangers. Ce constat révèle que "Lboufa" attire particulièrement des personnes issues de catégories sociales défavorisées, frappées par la précarité et la marginalisation. Ce sont souvent des jeunes non qualifiés, déscolarisés, ou même des anciens consommateurs reconvertis en producteurs dans le but de générer des revenus rapides et faciles, au détriment de leur santé et de leur avenir.
>>Lire aussi : Lutte contre la drogue : 200 affaires liées à Lboufa traitées à fin mai 2023 (Laftit)
Si Lboufa se répand si vite, c’est parce que sa fabrication est simple et ses ingrédients accessibles sur le marché local. Ce cocktail chimique, fumé ou inhalé, provoque des effets psychotropes rapides mais extrêmement nocifs : addiction foudroyante, troubles neurologiques, désordres psychiques, dégradation physique accélérée. Les rapports soulignent son rôle croissant dans la délinquance urbaine, la déscolarisation et la marginalisation sociale.
Il faut noter que l’émergence de Lboufa s’inscrit dans une tendance mondiale. L’Organe international de contrôle des stupéfiants (INCB) a alerté en 2024 sur l’expansion rapide des drogues de synthèse. Aux États-Unis par exemple, la crise du fentanyl coûte chaque année 1.500 milliards de dollars et cause plus de 100.000 décès. En Europe, 16 nouvelles drogues de synthèse ont été recensées en 2023. Le Maroc, avec Lboufa, fait face à son propre front de cette guerre globale.
L’arsenal juridique, pensé pour le cannabis ou la cocaïne, reste inadapté aux drogues synthétiques. Les rapports insistent sur la nécessité d’actualiser la loi de 1974, de définir clairement ces nouvelles substances, d’encadrer les produits chimiques de base et de faciliter l’application de l’injonction thérapeutique. Ils pointent aussi un manque de coordination entre les acteurs (justice, sécurité, santé, éducation) et des moyens insuffisants pour la prise en charge médicale.
Au-delà de l’aspect sécuritaire, la consommation de Lboufa est encore perçue comme une "faute morale" plus qu’un "problème médical". Cette stigmatisation freine l’accès aux soins, tandis que les familles préfèrent souvent cacher le problème. La réinsertion professionnelle des personnes dépendantes demeure quasi inexistante, accentuant le cycle de marginalisation.
Réforme légale : actualiser la loi, alourdir les sanctions contre la fabrication locale, encadrer les précurseurs chimiques.
Coordination renforcée : élargir les prérogatives de la Commission nationale des stupéfiants, instaurer un organe central de pilotage.
Capacités scientifiques : moderniser les laboratoires, créer des protocoles thérapeutiques adaptés aux drogues synthétiques.
Veille et alerte précoce : mettre en place un réseau national de suivi, renforcer la coopération internationale.
Prévention et sensibilisation : campagnes ciblées dans les écoles et quartiers vulnérables, lutte contre la stigmatisation.
Prise en charge et alternatives : accélérer la création de centres de désintoxication régionaux, appliquer les peines alternatives prévues par la loi, favoriser la réinsertion.
La « cocaïne des pauvres », accessible et destructrice
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 493 grammes saisis en 2022, plus de 8 kilos en 2023, et 9,7 kilos en 2024. Dans les détails, et à travers l’exploitation des données statistiques générales relatives à la lutte contre cette drogue, il ressort que, durant la période allant de janvier 2022 à décembre 2024, les services de la Sûreté nationale ainsi que la Gendarmerie royale sont parvenus à traiter 878 affaires, aboutissant à l’arrestation de 1.044 personnes et à la saisie de plus de 18 kilogrammes de "Lboufa".En 2022, 493 grammes de cette substance ont été saisis. Au fil des années, les quantités confisquées n’ont cessé d’augmenter, atteignant 8.014 grammes en 2023. Cette évolution croissante traduit l’élargissement des circuits de production et l’augmentation de la demande, tout en révélant une amélioration notable de l’efficacité des services de sécurité, qui considèrent "Lboufa" comme une priorité majeure de leurs interventions. Ainsi, les quantités saisies en 2024 ont atteint un pic de 9.697 grammes.
Parallèlement, l’évolution du nombre de personnes interpellées montre une large diffusion de cette drogue dans différents milieux sociaux. Après l’arrestation de 92 personnes en 2022, le nombre est monté à 482 en 2023, avant de légèrement baisser à 470 en 2024. Les données indiquent que la majorité des personnes arrêtées se concentrent en milieu urbain, représentant près de trois quarts des cas, confirmant l’ancrage de cette drogue dans certains quartiers fragiles et socialement vulnérables.
Concernant le profil socio-démographique, il apparaît que 88,9 % des personnes impliquées sont de sexe masculin et 91,28 % appartiennent à la tranche d’âge de 18 à 55 ans, soit la population active. Une grande partie est non scolarisée ou dispose d’un niveau d’instruction très limité, ce qui reflète une fragilité sociale qui les rend plus vulnérables. Ainsi, selon les estimations de l’Observatoire national de la criminalité, près de 15 % des jeunes vivant en milieu urbain sont aujourd’hui directement ou indirectement touchés par le fléau.
Du point de vue économique, la majorité des mis en cause est sans emploi ou exerce dans le secteur informel, ce qui limite leur capacité à assumer les risques liés à la consommation de cette drogue ou à prendre des décisions réfléchies face à ses dangers. Ce constat révèle que "Lboufa" attire particulièrement des personnes issues de catégories sociales défavorisées, frappées par la précarité et la marginalisation. Ce sont souvent des jeunes non qualifiés, déscolarisés, ou même des anciens consommateurs reconvertis en producteurs dans le but de générer des revenus rapides et faciles, au détriment de leur santé et de leur avenir.
>>Lire aussi : Lutte contre la drogue : 200 affaires liées à Lboufa traitées à fin mai 2023 (Laftit)
Si Lboufa se répand si vite, c’est parce que sa fabrication est simple et ses ingrédients accessibles sur le marché local. Ce cocktail chimique, fumé ou inhalé, provoque des effets psychotropes rapides mais extrêmement nocifs : addiction foudroyante, troubles neurologiques, désordres psychiques, dégradation physique accélérée. Les rapports soulignent son rôle croissant dans la délinquance urbaine, la déscolarisation et la marginalisation sociale.
Il faut noter que l’émergence de Lboufa s’inscrit dans une tendance mondiale. L’Organe international de contrôle des stupéfiants (INCB) a alerté en 2024 sur l’expansion rapide des drogues de synthèse. Aux États-Unis par exemple, la crise du fentanyl coûte chaque année 1.500 milliards de dollars et cause plus de 100.000 décès. En Europe, 16 nouvelles drogues de synthèse ont été recensées en 2023. Le Maroc, avec Lboufa, fait face à son propre front de cette guerre globale.
La réponse sécuritaire est à renforcer
Les autorités marocaines ont certes fait de cette drogue une priorité sécuritaire. Les actions menées sur le terrain sont bien tangibles : démantèlement de réseaux via des techniques avancées, coopération internationale avec Interpol, surveillance renforcée des zones sensibles, campagnes de prévention dans les écoles. Mais, préviennent les experts, la répression seule ne suffit pas.L’arsenal juridique, pensé pour le cannabis ou la cocaïne, reste inadapté aux drogues synthétiques. Les rapports insistent sur la nécessité d’actualiser la loi de 1974, de définir clairement ces nouvelles substances, d’encadrer les produits chimiques de base et de faciliter l’application de l’injonction thérapeutique. Ils pointent aussi un manque de coordination entre les acteurs (justice, sécurité, santé, éducation) et des moyens insuffisants pour la prise en charge médicale.
Au-delà de l’aspect sécuritaire, la consommation de Lboufa est encore perçue comme une "faute morale" plus qu’un "problème médical". Cette stigmatisation freine l’accès aux soins, tandis que les familles préfèrent souvent cacher le problème. La réinsertion professionnelle des personnes dépendantes demeure quasi inexistante, accentuant le cycle de marginalisation.
L'urgence d'avoir un plan national intégré de lutte contre cette drogue
Les experts de l’Observatoire recommandent une stratégie nationale à six volets :Réforme légale : actualiser la loi, alourdir les sanctions contre la fabrication locale, encadrer les précurseurs chimiques.
Coordination renforcée : élargir les prérogatives de la Commission nationale des stupéfiants, instaurer un organe central de pilotage.
Capacités scientifiques : moderniser les laboratoires, créer des protocoles thérapeutiques adaptés aux drogues synthétiques.
Veille et alerte précoce : mettre en place un réseau national de suivi, renforcer la coopération internationale.
Prévention et sensibilisation : campagnes ciblées dans les écoles et quartiers vulnérables, lutte contre la stigmatisation.
Prise en charge et alternatives : accélérer la création de centres de désintoxication régionaux, appliquer les peines alternatives prévues par la loi, favoriser la réinsertion.
