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Quand la ménopause devient un enjeu de santé publique au Maroc

La célébration de la Journée mondiale du self-care au Maroc a été marquée cette année par une prise de parole forte autour d’un sujet longtemps négligé : la ménopause. Lors d’un événement réunissant experts, responsables institutionnels et partenaires internationaux, un message clair a émergé : redonner aux femmes le pouvoir de comprendre, nommer et gérer cette étape de vie longtemps passée sous silence.

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Longtemps ignorée, rarement évoquée et souvent vécue dans le silence, la ménopause est sortie de l’ombre, ce jeudi 12 juin à Rabat, à l’occasion de la Journée mondiale du self-care en santé sexuelle et reproductive. Pour la première fois, cet événement international a mis en lumière cette étape naturelle de la vie des femmes, en lui consacrant un espace central dans les discussions et en lançant un kit pédagogique inédit au Maroc. Un symbole fort d’un tournant dans la manière dont la santé des femmes est pensée, accompagnée et valorisée tout au long de leur cycle de vie.

Organisée par l’Organisation panafricaine de lutte contre le Sida (OPALS) et le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), en partenariat avec la Fondation Mohammed VI des sciences et de la santé, la rencontre a réuni de nombreuses parties prenantes : représentants d’institutions gouvernementales, professionnels de santé, chercheurs, membres d’organisations internationales et acteurs de la société civile. Tous étaient mobilisés autour d’une ambition commune : repenser la santé comme un droit, un savoir, une autonomie.

La ménopause, une transition méconnue, mais lourde de conséquences

Si les souffrances liées à la ménopause sont bien réelles, elles restent trop souvent invisibles. Bouffées de chaleur, insomnies, douleurs articulaires, perte de concentration, baisse de libido, troubles de l’humeur : autant de symptômes pouvant bouleverser le quotidien des femmes. Et pourtant, peu de dispositifs existent pour les accompagner.

«La ménopause n’est pas un problème à corriger. C’est une transition qui mérite d’être reconnue, comprise et accompagnée avec respect», a souligné Marielle Sander, représentante de l’UNFPA au Maroc. «Quand on évite ce sujet, on ne prive pas seulement les femmes de soutien, on leur retire aussi une part de pouvoir.» Le self-care, selon elle, est un vecteur d’émancipation. Il permet aux femmes de se réapproprier leur santé, de parler librement de leurs vécus et d’accéder à des solutions concrètes.



Le «Kit Ménopause», lancé à cette occasion, a été conçu par l’Association marocaine des sages-femmes (AMSF), en collaboration avec l’UNFPA et l’OPALS. Il propose des informations claires, des produits naturels et des conseils pratiques pour aider les femmes à traverser cette période avec dignité. «Ce kit incarne parfaitement l’esprit du self-care : reprendre possession de son corps, vivre ce moment avec clarté, confiance et fierté», a ajouté Marielle Sander.

Le self-care, levier de transformation sociale

Au-delà de la ménopause, la journée a mis en lumière le rôle central du self-care dans les politiques de santé sexuelle et reproductive. Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il s’agit de la capacité des individus à prendre soin de leur propre santé, avec ou sans l’accompagnement de professionnels. Dans ce sens, Dre Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc, a salué l’engagement du Royaume, qui a été le premier pays de la région Méditerranée orientale à avoir adopté les recommandations de l’OMS sur les soins auto-administrés en santé sexuelle et reproductive dès 2019. Elle a souligné que ces interventions, allant de la contraception à l’auto-dépistage des IST (Infections sexuellement transmissibles), permettent de prolonger les soins entre les services primaires et les communautés, en particulier dans les contextes de vulnérabilité ou de crise.

Elle a insisté sur le fait que le self-care s’inscrit pleinement dans l’objectif de couverture sanitaire universelle, en responsabilisant les individus et en favorisant une prise de décision éclairée. Elle a également mis en avant le Disque des Interventions de self-care, un nouvel outil conçu pour faciliter l’accès à l’information et orienter les usagers vers les services adéquats.

De son côté, Nadia Bezad, présidente de l’OPALS-Maroc, a déclaré que le self-care n’est pas seulement un ensemble d’outils ou de techniques, c’est une philosophie de santé centrée sur la personne, la dignité et l’autonomie. Elle a rappelé les avancées concrètes réalisées : auto-injection du contraceptif DMPA-SC, accès libre à la contraception orale, auto-test VIH, dépistage du HPV à domicile, ou encore outils numériques pour la gestion de la fertilité.

Pour Fadwa Rih, chef de division des affaires féminines au ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication, cette dynamique s’inscrit dans une approche plus large portée par le pays : «Le self-care est un droit humain fondamental, un outil d’autonomisation et une passerelle vers une société plus équitable et plus résiliente.» Elle a également souligné le rôle clé de la jeunesse dans cette transformation : «Le ministère œuvre à intégrer ces principes dans les programmes nationaux dédiés aux jeunes, afin qu’ils deviennent acteurs de leur propre bien-être.»Un engagement institutionnel fort en faveur de l’autonomie sanitaire

Dans son discours, le Dr Abdelhakim Yahyane, directeur de la Population au ministère de la Santé et de la protection sociale, a rappelé que le Maroc a fait du self-care un pilier de sa stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive 2021–2030. Il a mis en avant les projets d’extension du self-care à de nouveaux domaines comme la ménopause, la nutrition ou encore la vaccination, en lien avec l’évolution démographique et les besoins de santé des femmes.

Il a notamment cité plusieurs avancées concrètes : l’introduction du contraceptif injectable en auto-administration, la distribution de tests d’ovulation, ou encore les projets pilotes d’auto-dépistage du VIH et du papillomavirus (HPV). «Il est temps d’accompagner cette dynamique par des formations, des outils adaptés et un soutien renforcé des professionnels sur le terrain», a-t-il insisté.

En prenant la parole, Hanane Rassimi, vice-présidente de l’AMSF, a dressé un état des lieux alarmant de l’impact de la ménopause sur la santé des femmes. Bouffées de chaleur (75%), fatigue extrême (70%), insomnies, douleurs articulaires, baisse de la mémoire et de la libido : autant de symptômes encore sous-estimés. Plus grave encore, la ménopause triple le risque de maladies cardiovasculaires, et une femme sur trois post-ménopausée développe de l’ostéoporose.

«Le silence est aussi dévastateur que les symptômes eux-mêmes», a-t-elle affirmé, appelant à briser les tabous et à inclure la ménopause dans les politiques publiques de santé. Le kit de sensibilisation lancé à cette occasion est donc aussi un outil de plaidoyer, qui appelle à former les soignants, à mieux informer les femmes, et à créer des récits positifs sur le vieillissement féminin.
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