En juillet 2024, le tribunal de la famille de Marrakech avait rendu un jugement en faveur du retour d’un enfant de quatre ans et demi en Suisse, pays de résidence de son père, suscite une vive controverse juridique.
Malgré une longue bataille juridique qui a confirmé en première instance et en appel le droit de Lamia à la garde de son fils, un nouveau jugement a ordonné son retour en Suisse, considérée comme "le lieu de résidence habituelle de l'enfant".
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Lamia, professeure universitaire, a lancé à cette occasion un appel lors d'une conférence de presse à l’association Ennakhil, réclamant le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, inscrit dans les législations et conventions internationales ratifiées par le Maroc.
"Comment peut-on priver un enfant de sa mère pour l’envoyer dans un pays où il n’a plus de lien avec son père, qu'il n’a ni vu ni entendu depuis des années ?", s’interroge la maman. Et de souligner que son fils, qui vit au Maroc depuis plusieurs années, est profondément enraciné dans son environnement familial et national.
Prenant part à cette conférence, Sanae Zaimi, présidente de la Fédération des Ligues des Droits des Femmes, déplore que ce jugement n’ait pas respecté le principe fondamental de l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle rappelle que de nombreuses mères marocaines sont confrontées à des décisions similaires, et plaide pour une révision de la législation nationale afin qu’elle soit mieux alignée avec les conventions internationales.
Me Hussein Raji, avocat de Lamia, a pour sa part exprimé son incompréhension face à ce retournement de situation. Il rappelle que les tribunaux marocains avaient déjà accordé la garde à la mère, et souligne que l’enfant considère le Maroc comme sa résidence habituelle puisqu'il y a vécu depuis l’âge d’un an et demi. L'avocat s’interroge également sur la plainte déposée par le père en Suisse, qui a déclenché une enquête internationale pour enlèvement. Toutefois, selon lui, aucune enquête approfondie n’a été menée au Maroc pour vérifier les circonstances légales du retour de l’enfant en 2022 avec ses deux parents.
Cette affaire soulève les questions liées à l’application du droit international et à la protection des droits des mères et des enfants dans les situations de garde transfrontalière, interpellant la Justice marocaine sur la nécessité de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions.
« Je suis citoyen marocain et je vis actuellement en Suisse. En 2018, j’ai épousé la mère de mon enfant, dans le but de fonder une famille selon la tradition marocaine. (...) Le 22 février 2022, ma mère a eu un grave accident à Casablanca (...). Afin de pouvoir partir au Maroc, nous avons fait une vaccination contre la COVID-19 et un test PCR. En raison de mes obligations professionnelles, j’ai dû retourner en Suisse le 13 mars 2022. Mon ex épouse a souhaité rester encore deux semaines auprès de sa famille à Marrakech (...) . Quelque jour après mon retour en Suisse, j’ai contacté mon ex-épouse pour déterminer ensemble les modalités de leur retour en suisse on terme de réservation de billets d’avion et d’organisation de voyage. C’est á ce moment-là qu´elle m’a informé, de sa décision de rester définitivement avec notre fils au Maroc et qu’elle ne souhaitait plus retourner en Suisse. Après plusieurs tentatives de médiation infructueuses, j’ai été contraint de saisir le tribunal pour demander le retour de mon ex-épouse et de mon enfant au domicile conjugal. Le tribunal a ordonné leur retour le 19 septembre 2022. (...) Le tribunal de Marrakech a ordonné, à son tour, le 21 décembre 2022 le rapatriement immédiat de l’enfant. Mais mon ex-épouse a fait appel à cette décision. Malgré tous les efforts juridiques pour faire exécuter ce jugement, celui-ci est resté sans suite. Par la suite, mon ex-épouse a déposé une demande de divorce. (...) le divorce a été prononcé le 10 juillet 2023. J’ai obtenu un droit de visite de Ghali les dimanches de 10 h à 16 h. (...) Le Ministère public a demandé une enquête approfondie dans le cadre de l’affaire principale. Après cette enquête, le tribunal de la famille à Marrakech a ordonné le 29 juillet 2024 le retour de l’enfant. (...) Pendant toute la procédure, mon ex-épouse a refusé que j´aie le moindre contact avec mon fils, même par appel vidéo. (...) La procédure parallèle que j’ai engagé en Suisse a conduit, après une enquête du Ministère public suisse, á une condamnation pour enlèvement de mineur á l´encontre de mon ex-épouse. Elle a fait appel contre cette décision (...). La procédure est en cours et une audience aura lieu le 17 décembre 2024.
Concernant les affirmations suivantes :
Première Affirmation : L’enfant est enraciné au Maroc depuis plusieurs années. Cette affirmation est trompeuse et fausse. En réalité, l’enfant est né en Suisse et a été retenu contre ma volonté et sans mon consentement par sa mère et surtout par son grand-père au Maroc, et le retour en Suisse a été refusé. (...)
Deuxième Affirmation : La mère exprime des préoccupations concernant le jugement et met en avant le bien-être de l’enfant. Par le biais du déplacement illégal de l’enfant, son environnement stable et sûr en Suisse a été mis en danger. Le Tribunal de la famille de Marrakech a décidé que l’enfant devait être rapatrié en Suisse afin de lui garantir une stabilité et une continuité nécessaires. Cette décision repose sur la convention de La Haye et sert le bien-être de l’enfant.
Troisième Affirmation : Le jugement est « controversé ». Le jugement est conforme aux normes internationales de la Convention de La Haye sur l’enlèvement d’enfants internationaux et vise à rapatrier l’enfant dans son environnement familier, afin d´assurer sa stabilité sociale, émotionnelle et garantir son bien-être.
Quatrième Affirmation : Le jugement met en péril le bien-être de l’enfant. La séparation actuelle de l’enfant avec son père a déjà nui à son bien-être. Son retour en suisse garantit sa stabilité. »
Retour sur les faits de cette affaire
Après la pandémie de Covid-19, la famille de l'enfant, alors résidente en Suisse, a décidé de s’installer au Maroc sur suggestion de l'ex-mari de Lamia, mère de l'enfant, qui racontait l'histoire lors d'une conférence de presse organisée jeudi dernier à l'initiative de Association Ennakhil. Ils se sont d’abord installés à Casablanca avant de déménager à Marrakech. À son insu, son ex-mari est retourné en Suisse avec les documents de leur enfant et a ensuite engagé une procédure pour obtenir sa garde exclusive.Malgré une longue bataille juridique qui a confirmé en première instance et en appel le droit de Lamia à la garde de son fils, un nouveau jugement a ordonné son retour en Suisse, considérée comme "le lieu de résidence habituelle de l'enfant".
>> Lire aussi : Garde des enfants après le divorce : À quand la levée de l'inégalité homme-femme ?
Lamia, professeure universitaire, a lancé à cette occasion un appel lors d'une conférence de presse à l’association Ennakhil, réclamant le respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, inscrit dans les législations et conventions internationales ratifiées par le Maroc.
"Comment peut-on priver un enfant de sa mère pour l’envoyer dans un pays où il n’a plus de lien avec son père, qu'il n’a ni vu ni entendu depuis des années ?", s’interroge la maman. Et de souligner que son fils, qui vit au Maroc depuis plusieurs années, est profondément enraciné dans son environnement familial et national.
Prenant part à cette conférence, Sanae Zaimi, présidente de la Fédération des Ligues des Droits des Femmes, déplore que ce jugement n’ait pas respecté le principe fondamental de l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle rappelle que de nombreuses mères marocaines sont confrontées à des décisions similaires, et plaide pour une révision de la législation nationale afin qu’elle soit mieux alignée avec les conventions internationales.
Me Hussein Raji, avocat de Lamia, a pour sa part exprimé son incompréhension face à ce retournement de situation. Il rappelle que les tribunaux marocains avaient déjà accordé la garde à la mère, et souligne que l’enfant considère le Maroc comme sa résidence habituelle puisqu'il y a vécu depuis l’âge d’un an et demi. L'avocat s’interroge également sur la plainte déposée par le père en Suisse, qui a déclenché une enquête internationale pour enlèvement. Toutefois, selon lui, aucune enquête approfondie n’a été menée au Maroc pour vérifier les circonstances légales du retour de l’enfant en 2022 avec ses deux parents.
Cette affaire soulève les questions liées à l’application du droit international et à la protection des droits des mères et des enfants dans les situations de garde transfrontalière, interpellant la Justice marocaine sur la nécessité de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions.
Réaction du père Mohamed Tamri
Quelques semaines après la publication de cet article, nous avons reçu une lettre de Mohamed Tamri, le père de l’enfant sujet de ce débat, souhaitant réagir et clarifier quelques points par rapport à cette affaire. Dans un souci d’équité, nous partageons un résumé de sa déclaration.« Je suis citoyen marocain et je vis actuellement en Suisse. En 2018, j’ai épousé la mère de mon enfant, dans le but de fonder une famille selon la tradition marocaine. (...) Le 22 février 2022, ma mère a eu un grave accident à Casablanca (...). Afin de pouvoir partir au Maroc, nous avons fait une vaccination contre la COVID-19 et un test PCR. En raison de mes obligations professionnelles, j’ai dû retourner en Suisse le 13 mars 2022. Mon ex épouse a souhaité rester encore deux semaines auprès de sa famille à Marrakech (...) . Quelque jour après mon retour en Suisse, j’ai contacté mon ex-épouse pour déterminer ensemble les modalités de leur retour en suisse on terme de réservation de billets d’avion et d’organisation de voyage. C’est á ce moment-là qu´elle m’a informé, de sa décision de rester définitivement avec notre fils au Maroc et qu’elle ne souhaitait plus retourner en Suisse. Après plusieurs tentatives de médiation infructueuses, j’ai été contraint de saisir le tribunal pour demander le retour de mon ex-épouse et de mon enfant au domicile conjugal. Le tribunal a ordonné leur retour le 19 septembre 2022. (...) Le tribunal de Marrakech a ordonné, à son tour, le 21 décembre 2022 le rapatriement immédiat de l’enfant. Mais mon ex-épouse a fait appel à cette décision. Malgré tous les efforts juridiques pour faire exécuter ce jugement, celui-ci est resté sans suite. Par la suite, mon ex-épouse a déposé une demande de divorce. (...) le divorce a été prononcé le 10 juillet 2023. J’ai obtenu un droit de visite de Ghali les dimanches de 10 h à 16 h. (...) Le Ministère public a demandé une enquête approfondie dans le cadre de l’affaire principale. Après cette enquête, le tribunal de la famille à Marrakech a ordonné le 29 juillet 2024 le retour de l’enfant. (...) Pendant toute la procédure, mon ex-épouse a refusé que j´aie le moindre contact avec mon fils, même par appel vidéo. (...) La procédure parallèle que j’ai engagé en Suisse a conduit, après une enquête du Ministère public suisse, á une condamnation pour enlèvement de mineur á l´encontre de mon ex-épouse. Elle a fait appel contre cette décision (...). La procédure est en cours et une audience aura lieu le 17 décembre 2024.
Concernant les affirmations suivantes :
Première Affirmation : L’enfant est enraciné au Maroc depuis plusieurs années. Cette affirmation est trompeuse et fausse. En réalité, l’enfant est né en Suisse et a été retenu contre ma volonté et sans mon consentement par sa mère et surtout par son grand-père au Maroc, et le retour en Suisse a été refusé. (...)
Deuxième Affirmation : La mère exprime des préoccupations concernant le jugement et met en avant le bien-être de l’enfant. Par le biais du déplacement illégal de l’enfant, son environnement stable et sûr en Suisse a été mis en danger. Le Tribunal de la famille de Marrakech a décidé que l’enfant devait être rapatrié en Suisse afin de lui garantir une stabilité et une continuité nécessaires. Cette décision repose sur la convention de La Haye et sert le bien-être de l’enfant.
Troisième Affirmation : Le jugement est « controversé ». Le jugement est conforme aux normes internationales de la Convention de La Haye sur l’enlèvement d’enfants internationaux et vise à rapatrier l’enfant dans son environnement familier, afin d´assurer sa stabilité sociale, émotionnelle et garantir son bien-être.
Quatrième Affirmation : Le jugement met en péril le bien-être de l’enfant. La séparation actuelle de l’enfant avec son père a déjà nui à son bien-être. Son retour en suisse garantit sa stabilité. »