Quand des jeunes marocaines défendent leurs droits en matière de santé et de bien-être
La Campagne «Bigger Health» vient d’être lancée pour soutenir les adolescentes marocaines dans leur plaidoyer en faveur de la santé menstruelle. Dans cet entretien, Marielle Sander, représentante de l’UNFPA au Maroc, revient sur les enjeux de cette initiative et les défis auxquels les jeunes filles sont confrontées.
Le Matin : En quoi consiste la Campagne «Bigger Health» et comment s'inscrit-elle dans les objectifs globaux de l'UNFPA au Maroc ?
Marielle Sander : La Campagne «BiggerHealth» lancée ce janvier 2025 à Rabat vise à soutenir un groupe d’une dizaine de filles venant de plusieurs localités du Royaume du Maroc afin d’amplifier leurs voix dans leur plaidoyer en matière de santé et bien-être, particulièrement en matière de la gestion de l'hygiène menstruelle.
Cette Campagne s'inscrit dans le cadre d'un partenariat large dans lequel le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) au Maroc s'associe à la jeunesse, en particulier les jeunes filles, en tant qu'acteurs et actrices agissant pour leur propre développement, en les outillant à travers l’accès à l'information fiable, l'accès aux services essentiels, et le renforcement des capacités en matière de leadership.
Le soutien au leadership et à la participation des jeunes est un élément essentiel des interventions de l’UNFPA, qui implique les jeunes dans ses interventions et incite les autres organisations à faire de même.
Pour encourager les adolescentes et les jeunes femmes qui ont encore plus rarement l’occasion de servir de leaders ou de porte-paroles, l’UNFPA encourage leur participation et leur leadership grâce à divers programmes leur permettant de s’exprimer sur les questions qui les concernent et de mobiliser le soutien pour un avenir plus durable.
Quels sont les principaux défis que rencontrent les adolescentes marocaines en matière de santé et de bien-être menstruels, et comment cette Campagne y répond-elle ?
Cette initiative portée par des filles marocaines vise à mettre en lumière les défis auxquels plusieurs d'entre elles sont confrontées et qui les empêchent de jouir pleinement de leurs droits. Tout d’abord, la précarité menstruelle ou la difficulté de certaines filles à accéder aux produits d’hygiène menstruelle abordables et de qualité les empêchant de gérer leur hygiène menstruelle en toute sécurité.
Pour expliquer comment cette situation creuse les inégalités de genre, je voudrais présenter l’exemple suivant : avec des ressources égales, les garçons économiseraient probablement pour s’acheter un vélo, leur permettant d’explorer le monde qui les entoure. Les filles, en revanche, seraient condamnées à consacrer une grande partie de leurs économies à des produits menstruels essentiels, ce qui limite leurs possibilités de poursuivre les mêmes rêves de liberté que les garçons considèrent comme acquis.
De nombreuses jeunes filles sont également dans l’incapacité d’accéder à des installations sanitaires leur garantissant la confidentialité pour changer ces produits et l’accès aux infrastructures nécessaires, telles que les installations d’eau propre et les produits de l’hygiène leur permettant de surmonter les obstacles qui limitent leur participation aux activités éducatives et sociales.
Plusieurs mythes et idées reçues entourent aussi la question de l’hygiène menstruelle et empêchent les filles d’atteindre leur plein potentiel en les excluant des activités sociales et sportives.
La Campagne va au-delà pour mettre l’accent également sur la capacité des jeunes filles à mener des actions de sensibilisation et de plaidoyer en toute autonomie et à aborder les décideurs pour l'intégration de la gestion de l'hygiène menstruelle dans les programmes et politiques nationales.
Pourquoi avoir choisi de collaborer avec le «Project Soar» pour mener cette initiative ? Et quels impacts concrets espérez-vous obtenir à court et moyen termes grâce à cette Campagne ?
L’UNFPA collabore avec le «Project Soar» depuis 2021 pour sensibiliser les décideurs et le public à l’importance d’accorder une attention particulière à la gestion de l’hygiène menstruelle dans la poursuite de la pleine réalisation des droits des filles au Maroc.
À travers cette collaboration, plusieurs groupes de jeunes filles ont pris part à des sessions d’information, de sensibilisation et de renforcement de leurs capacités en matière de leadership dans les questions qui les concernent.
À travers ce parcours, les filles sont encouragées à poursuivre leurs parcours scolaires, leur évitant de subir la pression qui les pousse à se marier trop jeunes, à quitter les bancs de l’école et à devenir mère-enfant reproduisant ainsi le cycle de la pauvreté et de l’exclusion.
L’accès aux kits d’hygiène menstruelle est clé dans cette collaboration. Avec l’appui des Affaires Mondiales Canada, des dizaines de milliers de kits ont été mis à la disposition des filles parallèlement à une large Campagne de sensibilisation sur le terrain et sur la sphère digitale.
Avec le soutien du ministère des Affaires étrangères du Danemark, à travers le «Project Access», le programme de renforcement des capacités des filles a permis de les engager dans la défense de leurs droits, à travers le mouvement «Grandir» («Bigger») pour initier les dialogues communautaires plaidant contre le mariage d’enfants et maintenant la Campagne de plaidoyer «Bigger Health» sur l’hygiène menstruelle.
Nous voudrons porter les fruits de cette collaboration comme un modèle d’inspiration aux actions conduites pour mettre en lumière la force et la résilience des jeunes filles et l’ouvrir à une plus large population marocaine, notamment à travers la digitalisation.
Nous sommes également en phase de finalisation d’une intervention très importante auprès des jeunes filles en situation de vulnérabilité que nous conduisons avec le soutien de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement, et dont les résultats vont être rendus publics très prochainement.
La Campagne prévoit des rencontres entre de jeunes filles et des décideurs politiques. Quels sont les messages clés que l’UNFPA souhaite transmettre à ces décideurs ?
À l’UNFPA, nous encourageons l’ensemble des décideurs et des parties prenantes à écouter et à soutenir les filles qui viennent partager leurs visions, leurs revendications et leurs attentes.
Ces filles revendiquent un droit fondamental. Car chaque fille doit disposer de la possibilité de s’occuper correctement de son corps pendant les règles.
Écoutez les témoignages de ces filles et leurs demandes permettra de clarifier le lien étroit entre les menstruations et des enjeux plus larges tels que la santé, le bien-être, l’égalité des sexes, l’éducation, la justice, l’autonomisation et les droits.
Répondre aux attentes de ces filles permettra de mieux faire face aux inégalités sociales et économiques ainsi que l’exclusion et la honte qui amplifient la stigmatisation et condamnent aussi bien les filles que leurs communautés à l’extrême pauvreté.
Quels sont les prochains objectifs de l’UNFPA au Maroc pour renforcer les droits des adolescentes et leur accès à des services de santé essentiels ?
Cette année 2025 marque 50 ans de travail de coopération de l’UNFPA au Maroc. Nous nous réjouissons à ce titre d’avoir participé activement aux chantiers transformateurs lancés par le Royaume et qui ont marqué la vie des femmes et des jeunes dans ce pays.
À mi-chemin de la réalisation de notre programme de coopération avec le Maroc, notre vision est de continuer à contribuer à la vision du pays inscrite dans le nouveau modèle de développement et à accompagner les efforts des partenaires institutionnels et de la société civile dans la quête de la pleine réalisation des Objectifs de développement durable.
Pour s’y prendre, l’UNFPA met l’accent sur la culture de l’intelligence démographique au profit des politiques publiques en appuyant leur utilisation pour défendre les droits des femmes et des jeunes.
L’UNFPA favorise aussi la promotion et la protection des droits fondamentaux des femmes, des filles et des populations vulnérables, en mettant l’accent sur l’inclusion socio-économique, l’accès à la santé sexuelle et reproductive et la lutte contre la violence basée sur le genre et les pratiques néfastes, en particulier pour les femmes et les filles les plus vulnérables.
Nous appuyons, également, les initiatives visant à faire évoluer les normes sociales et liées au genre et les modèles d’intervention permettant de renforcer les compétences des jeunes filles et de leur offrir des perspectives, grâce à la participation et au leadership.
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