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Autonomisation des jeunes filles : pourquoi l’Afrique (et le Maroc) a tout à gagner à agir vite

Chaque jour, des millions de jeunes filles en Afrique voient leurs droits compromis et leurs projets entravés par des crises sociales, économiques et environnementales. Face à cette réalité, l’urgence d’agir n’a jamais été aussi grande. Partant de là, le Centre international pour la diplomatie, en rassemblant des experts et des décideurs, lance un appel fort et clair : il est temps de passer de la parole aux actes pour garantir la protection des jeunes filles et favoriser leur autonomisation. Plus qu’une question de droits individuels à protéger, l’enjeu va au-delà de cette obligation morale, il s’agit d’une condition sine qua non de développement durable et équitable en Afrique.

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Il est inacceptable qu’aujourd’hui encore, des millions de jeunes filles en Afrique soient privées de leurs droits les plus élémentaires. Les obstacles qui les empêchent d’accéder à l’éducation, aux soins de santé, à l’autonomie économique et à la participation politique ne doivent plus exister. Car si l’Afrique veut réellement se développer, il est urgent d’agir pour libérer le potentiel de ces filles. Leur autonomisation n’est donc pas une option, mais un impératif. Sans elles, aucun progrès durable n’est possible.

Ce message fort a été l’idée maîtresse du panel portant sur les droits des jeunes filles en Afrique dans le contexte des changements climatiques et des catastrophes naturelles, organisé dans le cadre d’une conférence internationale qui a eu lieu à Rabat. Initiée par le Centre international pour la diplomatie (ICD), en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), la rencontre avait pour thème «L’autonomisation et la protection des droits des jeunes filles, un levier pour le développement en Afrique». Cette conférence, qui a réuni des experts venus de plusieurs pays africains et de la Suisse, avait pour but principal de proposer des solutions concrètes pour protéger et autonomiser les jeunes filles. L’objectif était également de favoriser une prise de conscience collective de la nécessité d’agir de concert dans ce sens pour transformer l’avenir de l’Afrique.

Des défis qui persistent malgré quelques progrès

Prenant part à cet événement, Mohamed Yahya Taleb Brahim, expert en matière de jeunesse et ancien président du Haut Conseil de la jeunesse en Mauritanie, affirme que les jeunes filles peuvent jouer un rôle central dans la transformation sociale et économique, en particulier dans un contexte marqué par des crises et des conflits croissants. Mais malgré les progrès réalisés, l’expert souligne que plusieurs défis persistent, notamment en Afrique subsaharienne et au Sahel. Parmi ces défis, il cite la difficulté d’accéder à une éducation de qualité, les contraintes économiques et les normes socio-culturelles restrictives. Ces obstacles limitent la mobilité et le développement des jeunes femmes, compromettant ainsi leurs opportunités de croissance. Il déplore également l’absence significative des jeunes filles dans les processus politiques, souvent en raison de stéréotypes de genre, ce qui impacte la diversité en matière de prise de décision.

Pour surmonter ces défis, Mohamed Yahya Taleb Brahim recommande de miser, entre autres, sur l’éducation et la formation des jeunes filles en créant des écoles de la seconde chance, mais aussi en instaurant des quotas pour les bourses et les formations. Il préconise également de soutenir l’entrepreneuriat féminin par la création d’entreprises dirigées par des femmes et la mise en place d’un réseau régional féminin pour favoriser les échanges Sud-Sud. L’expert considère qu’il est temps de favoriser la participation des femmes en politique, en instaurant des quotas pour les postes décisionnels, dans le respect bien entendu des critères de compétence. «Ces mesures permettent non seulement d’améliorer les conditions de vie des femmes, mais aussi de renforcer le tissu socio-économique du continent», résume-t-il, en insistant sur le fait que l’autonomisation des jeunes filles est non seulement un droit, mais un préalable au développement durable de l’Afrique.

Les femmes plus vulnérables aux effets du changement climatique

Et comme si toutes ces difficultés ne suffisaient pas, les femmes demeurent particulièrement exposées aux effets du changement climatique. L’impact de ces dérèglements environnementaux ont des conséquences profondes sur leurs vie au quotidien. Le lien entre le changement climatique et la dégradation des droits des femmes peut ne pas paraître évident à première vue, mais il est bien réel. Selon Naïma Korchi, présidente de l’Africa Women’s Forum, l’Afrique se réchauffe plus rapidement que le reste du monde, entraînant des vagues de chaleur, des inondations, des sécheresses et des cyclones. L’intervenante explique que ces catastrophes naturelles, affectent particulièrement les filles et les femmes qui se trouvent ainsi exposées à des déplacements forcés, à l’insécurité alimentaire, ainsi qu’à des formes de violence, telles que les mariages précoces et les violences sexuelles.

Pour atténuer cet impact néfaste, Naïma Korchi insiste sur la nécessité d’inclure les femmes et les filles dans les décisions politiques relatives au climat. En raison de leur rôle essentiel dans la gestion des ressources naturelles et de leur position en première ligne du combat contre les crises climatiques, elles doivent être impliquées davantage dans les stratégies locales d’adaptation et de réponse. Mme Korchi souligne également l’importance de protéger leurs droits fondamentaux, notamment l’accès à l’éducation, à la santé et à la sécurité alimentaire. L’inclusion des femmes dans la transition écologique et dans la prise de décision politique est un levier crucial pour renforcer leur autonomisation et trouver des solutions durables face aux défis du changement climatique.

Dans le même ordre d’idées, Anass Saadoun, membre du Club des magistrats au Maroc, revient sur la nécessité de renforcer la protection des droits des jeunes filles en période de catastrophe, comme lors du tremblement de terre d’Al Haouz. Selon lui, les jeunes filles sont particulièrement vulnérables dans de telles situations, puisqu’elles se trouvent confrontées à des violences basées sur le genre, des mariages forcés et diverses formes d’exploitation. En période de crise, leurs besoins spécifiques sont souvent ignorés, ce qui aggrave leur souffrance. L’expert souligne que les catastrophes naturelles exacerbent les inégalités de genre existantes, les filles étant souvent les premières à souffrir de l’abandon scolaire, du mariage précoce, de l’exploitation au travail et de la traite des êtres humains. Pour lui, il est impératif de mettre en place des mécanismes de protection juridique et sociale renforcés pour garantir la sécurité et les droits fondamentaux des jeunes filles dans ces moments de vulnérabilité extrême.

L’assistance sociale : une bouée de sauvetage pour les femmes en détresse

Les crises mondiales actuelles, qu’elles soient environnementales, économiques ou politiques, exercent une pression accrue sur les jeunes filles, exacerbant leurs vulnérabilités face aux inégalités de genre. À l’heure où les mutations rapides de la société marocaine, telles que l’exode rural, l’évolution des structures familiales, et les transformations économiques et culturelles redéfinissent les modes de vie, ces défis deviennent d’autant plus pressants. Comme l’ont souligné plusieurs experts, tels que Naïma Korchi et Anass Saadoun, ces bouleversements ont des répercussions directes sur les droits des femmes et des filles, qui se retrouvent souvent au cœur de situations de précarité et de violence.

Dans ce contexte, Mohammed Houbib, président de l’Association nationale de l’assistance sociale du secteur de la justice, insiste sur la nécessité d’adapter les dispositifs de protection sociale pour répondre à ces nouvelles réalités. Selon lui, l’assistance sociale dans les tribunaux trouve toute son importance en tant que levier indispensable pour accompagner les jeunes filles et renforcer leur résilience face à des défis souvent invisibilisés. Mohammed Houbib souligne qu’en raison de la violence, de l’exploitation et des discriminations auxquelles sont confrontées de nombreuses jeunes filles, l’intégration des services sociaux au sein des structures judiciaires devient essentielle. «Cette approche permet non seulement un accompagnement psychologique pour aider les jeunes filles à surmonter les traumatismes liés aux violences et aux abandons familiaux, mais aussi un soutien juridique afin de garantir la défense de leurs droits fondamentaux», explique-t-il. Et d’ajouter que face à des enjeux aussi multiples que le mariage précoce, l’exploitation au travail ou l’abandon scolaire, l’assistance sociale offre une bouée de sauvetage pour les jeunes filles, leur permettant d’accéder à un soutien juridique et psychologique crucial dans des moments de crise.

L’importance de l’assistance sociale dans ce cadre est d’autant plus évidente qu’elle s’appuie sur des lois nationales et internationales conçues pour protéger les droits des jeunes filles. Selon M. Houbib, des textes juridiques tels que le Code de la famille et les lois contre la violence domestique offrent un fondement solide pour les travailleurs sociaux, leur permettant d’intervenir de manière efficace et adaptée. Ces services incluent un accompagnement psychologique pour aider les jeunes à surmonter des situations traumatiques, ainsi que la médiation familiale, qui joue un rôle clé dans la prévention des conflits et des mariages forcés. «Grâce à la médiation, des espaces de dialogue sont ouverts entre les parties concernées, offrant ainsi une alternative à la violence et aux décisions arbitraires qui pourraient affecter l’avenir des jeunes filles», explique-t-il.

Naviguer dans des situations complexes

Mais l’assistance sociale dans les tribunaux ne se limite pas à une intervention ponctuelle. «Elle joue également un rôle crucial dans la construction d’un avenir plus stable pour les jeunes filles. En leur fournissant des outils pour comprendre et défendre leurs droits, notamment par l’orientation juridique, ces services visent à restaurer la confiance en soi des jeunes filles et à les aider à naviguer dans des situations complexes», note-t-il. Pour M. Houbib, l’objectif est double : répondre aux besoins immédiats tout en jetant les bases d’un développement social durable. L’expert tient à souligner qu’en investissant dans ces services, le Maroc marque un engagement clair envers les droits individuels et le développement social, contribuant ainsi à une société plus juste et équitable pour les jeunes générations.

En définitive, l’autonomisation des jeunes filles en Afrique est un enjeu crucial pour le développement durable du continent. Chaque jeune fille a le droit de jouir de ses pleins droits, de réaliser ses ambitions et de participer à la vie économique, sociale et politique. Les participants à cette conférence ont été unanimes à souligner que les défis auxquels la gent féminine est confrontée, notamment ceux liés au changement climatique, aux crises sociales et aux normes culturelles restrictives, ne doivent pas l’empêcher d’aspirer à un avenir meilleur. D’où la nécessité selon ces intervenants de redoubler d’efforts pour renforcer la protection des femmes en leur garantissant l’accès à l’éducation et à la santé, et en leur offrant des chances égales à celles des hommes. La transformation de vies de millions de jeunes filles est tributaire de cet engagement collectif. Car leur avenir, c’est aussi celui de toute l’Afrique.

Karima Rhanem, présidente du Centre international pour la diplomatie : Il est impératif d’engager les hommes et les garçons dans la lutte contre les stéréotypes de genre

Autonomisation des jeunes filles : pourquoi l’Afrique (et le Maroc) a tout à gagner à agir vite



«L’Afrique a réalisé des avancées notables en matière du renforcement des droits des filles. Des progrès ont en effet été réalisés dans les domaines de l’éducation, de la santé et des droits fondamentaux. Mais malgré ces efforts, le continent continue de faire face à des défis structurels qui freinent l’épanouissement des jeunes filles et limitent leur accès aux opportunités qui pourraient leur permettre d’améliorer leurs conditions de vie. D’après l’OMS, en Afrique 33% des femmes rapportent des violences au sein du couple. Ces statistiques sont non seulement des chiffres, mais aussi des récits de vies brisées, de potentialités étouffées et de rêves compromis. Il est impératif que nous agissions pour que de telles réalités deviennent, enfin, des anomalies du passé. Les initiatives visant à déconstruire les stéréotypes de genre en engageant les hommes et les garçons dans la lutte contre les violences faites aux femmes se multiplient, mais elles manquent encore de coordination et de ressources. Il s’agit d’un défi intergénérationnel qui doit mobiliser toutes les forces, car ce n’est qu’ensemble que nous pourrons briser les stéréotypes de genre. Lorsque les hommes et les garçons s’impliquent activement dans la lutte contre les violences faites aux filles et aux femmes, nous assistons à un véritable changement. Ce changement est lent mais significatif, et il doit être encouragé et soutenu à tous les niveaux.»

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