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Sida : Le Maroc a réduit les nouvelles infections au VIH de 50% et les décès de 59% entre 2010 et 2022

Le monde célèbre ce vendredi 1er décembre la Journée mondiale de lutte contre le sida. Dans cet entretien, le président de l’Association de lutte contre le sida (ALCS), Pr Mehdi Karkouri, fait le point sur les efforts déployés au Maroc et les défis qui restent à relever. Il dévoile également les résultats de la Semaine internationale du dépistage qui s’est déroulée du 20 au 26 novembre 2023 : sur 3.064 tests effectués 33 étaient positifs, soit un peu moins de 1,1%.

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Le Matin : Comment peut-on décrire la situation des personnes vivant avec le VIH au Maroc en 2023 ?



Pr Mehdi Karkouri :
Selon les données du ministère de la Santé et de la protection sociale publiées en 2023, quelque 21.600 personnes vivaient avec le VIH en 2022, dont à peine 78% connaissaient leur statut sérologique. Autrement dit, en 2022, plus d’une personne vivant avec le VIH sur 5 ignorait sa séropositivité. De plus, ces données montrent que seules 93% des personnes sous traitement antirétroviral avaient une charge virale indétectable 6 mois après le début de ce traitement.

Enfin, selon ces mêmes données, 760 personnes seraient nouvellement infectées par le VIH en 2022. La tranche d’âge la plus touchée est celle des 25-34 ans. C’est la raison pour laquelle l’ALCS a décidé de cibler plus particulièrement les jeunes lors de la quatrième édition de la Semaine internationale du dépistage qui s’est déroulée du 20 au 26 novembre 2023. Cet événement international est initié par Coalition Plus, union internationale d’associations de lutte contre le VIH et les hépatites virales, dont l’ALCS est membre fondateur. Les conseillers communautaires du dépistage de l’ALCS ont réussi l’exploit d’effectuer 3.064 tests de dépistage du VIH en 7 jours. Résultat : 33 tests étaient positifs.

Pensez-vous que le Maroc fournit des efforts suffisants pour atteindre l’objectif «Zéro sida» en 2030 ?

Le Maroc a enregistré des progrès notables en matière de lutte contre le VIH. C’est l’un des rares pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à avoir inversé la courbe ascendante du nombre des nouvelles infections. Ainsi, notre pays a réduit les nouvelles infections de 50% entre 2010 et 2022. Le nombre des décès a diminué aussi de 59% sur la même période. Cela dit, beaucoup reste à faire pour améliorer la qualité de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, notamment celles qui n’ont pas de couverture sociale, et lutter contre la stigmatisation et la discrimination.

Quelles sont les actions qui pourraient améliorer le diagnostic et la prise en charge des personnes séropositives ?

Le dépistage est la première étape de la lutte contre le sida. En effet, il permet à la personne de connaître son statut sérologique et de bénéficier d’un traitement précoce et gratuit. Très important : une personne vivant avec le VIH qui prend son traitement de manière correcte et dont la charge virale est indétectable ne transmet pas le VIH à sa ou son partenaire, même lors de rapports sexuels sans préservatif. Le dépistage permet de sauver des vies et de briser la chaîne des infections.

Cela dit, la stigmatisation et la discrimination, y compris dans certains établissements de soins, expérimentées par les personnes vivant avec le VIH ou vulnérables à ce virus ou encore la violence basée sur le genre dont elles sont souvent victimes, entravent leur accès aux services de prévention et de prise en charge. Par ailleurs, la généralisation de la couverture sanitaire universelle n’est pas encore effective pour l’ensemble des populations les plus vulnérables. Cela rend très difficile l’accès aux services de prise en charge. Enfin, l’interdiction du dépistage des mineurs sans l’accord de leurs tuteurs et l’absence de programmes d’éducation sexuelle pour les jeunes alimentent l’épidémie. Autant de barrières dont la levée est nécessaire pour l’éradication du VIH à l’horizon 2030.

L’Onusida a présenté, mardi 28 novembre, son rapport 2023 intitulé «Confier le leadership aux communautés». Ce rapport révèle que les communautés qui s’impliquent pour mettre fin au sida souffrent trop souvent d’un manque de reconnaissance et de ressources. Est-ce que vous confirmez cela pour le Maroc ?

Le constat dressé par le Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) est valable aussi au Maroc. L’ALCS déplore avec vigueur ce manque de reconnaissance, d’autant plus que les stratégies développées avec les communautés les plus vulnérables à l’infection prouvent, année après année, leur efficacité et que cette non-reconnaissance risque fortement de perturber l’accélération de la riposte communautaire au VIH, pourtant essentielle. En effet, les acteurs de santé communautaire de l’ALCS que sont les conseillers communautaires du dépistage, les agents de prévention ou encore les médiateurs thérapeutiques et sociaux sont la cheville ouvrière de la riposte à l’épidémie du VIH. Leur courage, leur détermination et leur esprit d’innovation sauvent des vies et contribuent à faire du Maroc une exception dans une région où la progression de l’épidémie est l’une des plus fortes dans le monde. Véritables acteurs de santé communautaire, ils ont réalisé près de 66% des tests du VIH effectués dans le milieu associatif et ont été à l’origine de 81% des tests positifs colligés par le même secteur. Plus récemment, lors de la quatrième édition de la Semaine internationale du dépistage organisée du 20 au 26 novembre 2023, les conseillers ont réussi à effectuer dans environ 100 sites 3.064 tests du VIH dont 33 étaient positifs.

La mobilisation de ces agents et leur capacité à faire preuve d’innovation ont été, par ailleurs, remarquables lors des confinements successifs liés à la pandémie de la Covid-19 ainsi qu’au lendemain du séisme dévastateur survenu le 8 septembre 2023. La dispensation des traitements antirétroviraux aux personnes vivant avec le VIH, le soutien psychologique ou encore la distribution des produits de première nécessité sont autant d’actions qu’ils ont menées en plus de leurs activités de routine.

Qu’a prévu l’ALCS pour la célébration de la Journée mondiale contre le sida ?

L’ALCS se joint à l’appel de l’Onusida en demandant de confier le leadership aux communautés. Notre association, tout en rendant hommage au courage ainsi qu’à la détermination de ses agents de santé communautaire – dont la plupart sont issus des populations les plus vulnérables à l’infection – et en rappelant l’efficacité des stratégies communautaires dans l’éradication du VIH à l’horizon 2023, exhorte les décideurs à reconnaître à sa juste valeur le travail des agents de santé communautaire impliqués dans la lutte contre le sida et à appuyer ces communautés dans la mise en place et le renforcement des services de santé différenciés qui leur sont destinés. Nous appelons également à garantir la disponibilité des tests de dépistage du VIH, des hépatites virales et des autres infections sexuellement transmissibles utilisés par les agents de santé communautaire pour dépister leurs pairs.
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