Elles sont les premières à accueillir la vie, mais leur propre réalité reste trop souvent reléguée au second plan. En ce 5 mai, Journée internationale des sages-femmes, l’hommage rendu à ces professionnelles de la santé maternelle s’accompagne, au Maroc, d’un constat préoccupant. Si leur rôle est central dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, leur quotidien demeure marqué par le sous-effectif, des conditions d’exercice difficiles et une reconnaissance institutionnelle encore insuffisante.
En 2024, le pays compte quelque 6.527 sages-femmes en activité dans le secteur public, selon les données officielles les plus récentes. Un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes – elles étaient environ 4.371 –, mais qui reste en deçà des besoins réels. «La pénurie demeure particulièrement préoccupante dans les zones rurales et enclavées, où les sages-femmes doivent faire face à une charge de travail élevée et à des conditions d’exercice souvent contraignantes», souligne Najat Boucetta, docteure en pédagogie et didactique des sciences de la santé à l'Institut supérieur des professions infirmières et techniques de santé (ISPITS) de Tétouan et vice-présidente du bureau régional de l’Association marocaine des sages-femmes (AMSF) Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
Dans ce contexte, la mise en place des Groupements sanitaires territoriaux (GST), au cœur de la réforme du système de santé, suscite de nombreuses interrogations. «Quelle place sera réellement accordée aux sages-femmes dans ces nouvelles configurations territoriales ? Seront-elles intégrées de manière équitable dans les équipes locales, avec des rôles clairs et reconnus dans la coordination des soins ? À l’heure où l’on redessine les contours de la gouvernance sanitaire, leur positionnement demeure incertain. Bien que les GST visent une meilleure organisation et répartition des ressources, la mise en œuvre concrète de cette réforme reste floue, notamment en ce qui concerne le positionnement, la reconnaissance et l’autonomie des sages-femmes», affirme Mme Boucetta. Et d’ajouter : «En l’absence de dispositifs clairs garantissant leur participation active et équitable dans les structures de soins, le risque est grand de reproduire les déséquilibres existants, notamment en matière de répartition géographique, de surcharge de travail et de marginalisation professionnelle. Dès lors, il devient impératif d’interroger les choix organisationnels et de veiller à ce que cette réforme ne se traduise pas par une dilution du rôle des sages-femmes, mais bien par une reconnaissance pleine et effective de leur expertise dans les parcours de santé territorialisés.»
En 2024, le pays compte quelque 6.527 sages-femmes en activité dans le secteur public, selon les données officielles les plus récentes. Un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes – elles étaient environ 4.371 –, mais qui reste en deçà des besoins réels. «La pénurie demeure particulièrement préoccupante dans les zones rurales et enclavées, où les sages-femmes doivent faire face à une charge de travail élevée et à des conditions d’exercice souvent contraignantes», souligne Najat Boucetta, docteure en pédagogie et didactique des sciences de la santé à l'Institut supérieur des professions infirmières et techniques de santé (ISPITS) de Tétouan et vice-présidente du bureau régional de l’Association marocaine des sages-femmes (AMSF) Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
Dans ce contexte, la mise en place des Groupements sanitaires territoriaux (GST), au cœur de la réforme du système de santé, suscite de nombreuses interrogations. «Quelle place sera réellement accordée aux sages-femmes dans ces nouvelles configurations territoriales ? Seront-elles intégrées de manière équitable dans les équipes locales, avec des rôles clairs et reconnus dans la coordination des soins ? À l’heure où l’on redessine les contours de la gouvernance sanitaire, leur positionnement demeure incertain. Bien que les GST visent une meilleure organisation et répartition des ressources, la mise en œuvre concrète de cette réforme reste floue, notamment en ce qui concerne le positionnement, la reconnaissance et l’autonomie des sages-femmes», affirme Mme Boucetta. Et d’ajouter : «En l’absence de dispositifs clairs garantissant leur participation active et équitable dans les structures de soins, le risque est grand de reproduire les déséquilibres existants, notamment en matière de répartition géographique, de surcharge de travail et de marginalisation professionnelle. Dès lors, il devient impératif d’interroger les choix organisationnels et de veiller à ce que cette réforme ne se traduise pas par une dilution du rôle des sages-femmes, mais bien par une reconnaissance pleine et effective de leur expertise dans les parcours de santé territorialisés.»
Notre interlocutrice rappelle, par ailleurs, que la sage-femme occupe aujourd’hui une place centrale dans le système de santé. Elle souligne le rôle crucial de ces professionnelles dans la prévention et le dépistage des risques materno-néonatals. Surveillance de la grossesse, détection précoce des complications, prise en charge intégrée avant, pendant et après l’accouchement : leur action est continue, multidimensionnelle, et surtout humaine.
«Cette approche globale inclut non seulement la mère, mais aussi le nouveau-né, le couple, la famille et la communauté», insiste-t-elle. L’accompagnement n’est pas seulement médical, mais aussi physique, psychologique, émotionnel et éducatif. Une implication directe dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, mais aussi dans un meilleur vécu de la maternité et des débuts de la vie. Le tout s’inscrit pleinement dans les Objectifs de développement durable, notamment l’ODD 3. À ce titre, plusieurs stratégies nationales ont été mises en œuvre : la stratégie de santé maternelle et néonatale, ainsi que la stratégie en santé sexuelle et reproductive (SSR), qui reconnaît explicitement le rôle des sages-femmes dans la promotion des droits reproductifs, la planification familiale, la prévention des IST ou encore la lutte contre les violences basées sur le genre.
Mais sur le terrain, la réalité s’éloigne souvent des textes. Dans les zones rurales et enclavées, les conditions d’exercice sont particulièrement rudes. «Les sages-femmes sont confrontées à l’éloignement des structures de santé, à un déficit en ressources humaines et à une surcharge de responsabilités qui dépasse souvent leur champ de compétences initial», décrit Mme Boucetta. À cela s’ajoutent les barrières culturelles et sociales qui entravent la communication avec les patientes. L’insertion dans la communauté locale est difficile, surtout pour les jeunes sages-femmes, souvent dépourvues de préparation relationnelle. «Elles souffrent aussi d’un manque de formation continue, d’une absence de coaching professionnel et d’un isolement sur le terrain qui nuit à leur développement».
La précarité des conditions de travail, l’exposition au harcèlement, et la faible reconnaissance institutionnelle aggravent encore la situation. Sans oublier le flou juridique qui entoure toujours l’exercice de cette profession, malgré la promulgation de la Loi 44-13 en 2016 et de son décret d’application en 2020. «Cette incertitude réglementaire crée un climat d’insécurité professionnelle, où les sages-femmes peuvent être poursuivies faute de cadres clairs définissant leurs responsabilités», déplore-t-elle. Le stress, les horaires atypiques, les gardes répétées, tout cela alimente une spirale d’épuisement, de dépression et de burnout.
Les difficultés s’étendent aussi à la chaîne des soins. La circulaire ministérielle de 2010, qui définit les modalités de transfert, est parfois ignorée, mal appliquée, ou inadaptée aux réalités du terrain. Résultat : tensions avec les hôpitaux de référence, absence de protocoles clairs, logistique déficiente... autant de défis supplémentaires pour des sages-femmes souvent seules à prendre des décisions urgentes. Et même les avancées technologiques, comme la digitalisation du secteur, posent problème. «Elle pourrait améliorer la coordination, mais impose une charge supplémentaire qui demande des ressources matérielles et une formation encore peu développée», note Mme Boucetta.
Et que dire de la valorisation de ce métier ?
Officiellement reconnu, certes. Mais insuffisamment pris en compte dans la réalité. «La reconnaissance reste incomplète et insuffisamment traduite en valorisation concrète», affirme-t-elle. Invisibilisées dans l’espace public, parfois dévalorisées socialement, les sages-femmes ne bénéficient pas de la reconnaissance que leur implication de terrain mérite. Et pourtant, leur mission dépasse de loin l’acte technique : elles sont souvent les seules à accompagner les femmes, parfois dans les moments les plus vulnérables de leur vie.
Face à cette situation, des voix s’élèvent. Associations professionnelles, collectifs et réseaux se mobilisent pour défendre les droits des sages-femmes, réclamer une mise en œuvre effective des lois, un accès équitable à la formation, et un véritable statut protecteur. Car en dépit de leur légitimité, «la valorisation institutionnelle et sociale des sages-femmes demeure un chantier ouvert, nécessitant des réformes structurelles et un véritable engagement politique», conclut Mme Boucetta.
«Cette approche globale inclut non seulement la mère, mais aussi le nouveau-né, le couple, la famille et la communauté», insiste-t-elle. L’accompagnement n’est pas seulement médical, mais aussi physique, psychologique, émotionnel et éducatif. Une implication directe dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, mais aussi dans un meilleur vécu de la maternité et des débuts de la vie. Le tout s’inscrit pleinement dans les Objectifs de développement durable, notamment l’ODD 3. À ce titre, plusieurs stratégies nationales ont été mises en œuvre : la stratégie de santé maternelle et néonatale, ainsi que la stratégie en santé sexuelle et reproductive (SSR), qui reconnaît explicitement le rôle des sages-femmes dans la promotion des droits reproductifs, la planification familiale, la prévention des IST ou encore la lutte contre les violences basées sur le genre.
Mais sur le terrain, la réalité s’éloigne souvent des textes. Dans les zones rurales et enclavées, les conditions d’exercice sont particulièrement rudes. «Les sages-femmes sont confrontées à l’éloignement des structures de santé, à un déficit en ressources humaines et à une surcharge de responsabilités qui dépasse souvent leur champ de compétences initial», décrit Mme Boucetta. À cela s’ajoutent les barrières culturelles et sociales qui entravent la communication avec les patientes. L’insertion dans la communauté locale est difficile, surtout pour les jeunes sages-femmes, souvent dépourvues de préparation relationnelle. «Elles souffrent aussi d’un manque de formation continue, d’une absence de coaching professionnel et d’un isolement sur le terrain qui nuit à leur développement».
La précarité des conditions de travail, l’exposition au harcèlement, et la faible reconnaissance institutionnelle aggravent encore la situation. Sans oublier le flou juridique qui entoure toujours l’exercice de cette profession, malgré la promulgation de la Loi 44-13 en 2016 et de son décret d’application en 2020. «Cette incertitude réglementaire crée un climat d’insécurité professionnelle, où les sages-femmes peuvent être poursuivies faute de cadres clairs définissant leurs responsabilités», déplore-t-elle. Le stress, les horaires atypiques, les gardes répétées, tout cela alimente une spirale d’épuisement, de dépression et de burnout.
Les difficultés s’étendent aussi à la chaîne des soins. La circulaire ministérielle de 2010, qui définit les modalités de transfert, est parfois ignorée, mal appliquée, ou inadaptée aux réalités du terrain. Résultat : tensions avec les hôpitaux de référence, absence de protocoles clairs, logistique déficiente... autant de défis supplémentaires pour des sages-femmes souvent seules à prendre des décisions urgentes. Et même les avancées technologiques, comme la digitalisation du secteur, posent problème. «Elle pourrait améliorer la coordination, mais impose une charge supplémentaire qui demande des ressources matérielles et une formation encore peu développée», note Mme Boucetta.
Et que dire de la valorisation de ce métier ?
Officiellement reconnu, certes. Mais insuffisamment pris en compte dans la réalité. «La reconnaissance reste incomplète et insuffisamment traduite en valorisation concrète», affirme-t-elle. Invisibilisées dans l’espace public, parfois dévalorisées socialement, les sages-femmes ne bénéficient pas de la reconnaissance que leur implication de terrain mérite. Et pourtant, leur mission dépasse de loin l’acte technique : elles sont souvent les seules à accompagner les femmes, parfois dans les moments les plus vulnérables de leur vie.
Face à cette situation, des voix s’élèvent. Associations professionnelles, collectifs et réseaux se mobilisent pour défendre les droits des sages-femmes, réclamer une mise en œuvre effective des lois, un accès équitable à la formation, et un véritable statut protecteur. Car en dépit de leur légitimité, «la valorisation institutionnelle et sociale des sages-femmes demeure un chantier ouvert, nécessitant des réformes structurelles et un véritable engagement politique», conclut Mme Boucetta.
Maisons d’accouchement au Maroc : une voie prometteuse vers un accouchement sûr et humain
Face aux défis persistants en matière d’accès aux soins obstétricaux, notamment dans les zones rurales, les maisons d’accouchement s’imposent au Maroc comme une solution innovante et prometteuse. Selon Najat Boucetta, vice-présidente du Bureau régional de l’Association marocaine des sages-femmes (AMSF) Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, ces structures pourraient contribuer de manière significative à la sécurisation et à l'humanisation de l'accouchement.
Le développement des maisons d’accouchement relevant du ministère de la Santé et de la Protection sociale constitue ainsi un levier important pour améliorer l’accès à des accouchements sécurisés et respectueux, notamment dans les zones reculées. Ces structures permettent un suivi complet de la grossesse, de l'accouchement et du post-partum, assuré par des équipes pluridisciplinaires composées de sages-femmes, de médecins et d’infirmiers. Elles intègrent également des services préventifs comme la vaccination, le dépistage des infections et la surveillance de la croissance fœtale. «Ce sont des structures où la femme peut accoucher dans un environnement sécurisé, avec une prise en charge personnalisée et un accompagnement continu», souligne Najat Boucetta.
En parallèle, on observe un essor des maisons d’accouchement privées, dirigées par des sages-femmes libérales diplômées. Ces établissements offrent une alternative aux accouchements hospitaliers, souvent jugés impersonnels et stressants. Ils se caractérisent par une prise en charge individualisée, un environnement plus intime et, dans certains cas, un coût plus abordable pour les accouchements non compliqués.
Cependant, ce modèle présente aussi des limites. En l’absence de proximité avec des hôpitaux, la gestion des complications obstétricales graves reste problématique. «Ces maisons ne sont pas équipées pour les urgences complexes, ce qui peut exposer la mère et le nouveau-né à des risques accrus», avertit la spécialiste. À cela s’ajoutent des enjeux de régulation, d’accessibilité économique et d’adaptation aux grossesses à haut risque.
Pour que les maisons d’accouchement – en particulier les structures libérales – fonctionnent efficacement, plusieurs conditions doivent être réunies. Il est essentiel, selon Najat Boucetta, que les sages-femmes gestionnaires aient une expérience minimale de trois ans, que les locaux respectent des normes strictes d’hygiène et de sécurité et qu’une autorisation administrative soit délivrée après inspection.
«Il faut impérativement instaurer une régulation rigoureuse, assurer la formation continue des sages-femmes et organiser des supervisions régulières pour garantir la qualité des soins», insiste-t-elle. Par ailleurs, la mise en place de conventions avec des médecins et d’une collaboration étroite avec les hôpitaux de référence est indispensable pour anticiper et gérer les complications.
Enfin, Najat Boucetta plaide pour un renforcement de ce modèle dans les zones rurales, couplé à un système de transport d’urgence performant, afin de garantir un accès équitable à toutes les femmes, quelle que soit leur situation géographique ou socio-économique.
Le développement des maisons d’accouchement relevant du ministère de la Santé et de la Protection sociale constitue ainsi un levier important pour améliorer l’accès à des accouchements sécurisés et respectueux, notamment dans les zones reculées. Ces structures permettent un suivi complet de la grossesse, de l'accouchement et du post-partum, assuré par des équipes pluridisciplinaires composées de sages-femmes, de médecins et d’infirmiers. Elles intègrent également des services préventifs comme la vaccination, le dépistage des infections et la surveillance de la croissance fœtale. «Ce sont des structures où la femme peut accoucher dans un environnement sécurisé, avec une prise en charge personnalisée et un accompagnement continu», souligne Najat Boucetta.
En parallèle, on observe un essor des maisons d’accouchement privées, dirigées par des sages-femmes libérales diplômées. Ces établissements offrent une alternative aux accouchements hospitaliers, souvent jugés impersonnels et stressants. Ils se caractérisent par une prise en charge individualisée, un environnement plus intime et, dans certains cas, un coût plus abordable pour les accouchements non compliqués.
Cependant, ce modèle présente aussi des limites. En l’absence de proximité avec des hôpitaux, la gestion des complications obstétricales graves reste problématique. «Ces maisons ne sont pas équipées pour les urgences complexes, ce qui peut exposer la mère et le nouveau-né à des risques accrus», avertit la spécialiste. À cela s’ajoutent des enjeux de régulation, d’accessibilité économique et d’adaptation aux grossesses à haut risque.
Pour que les maisons d’accouchement – en particulier les structures libérales – fonctionnent efficacement, plusieurs conditions doivent être réunies. Il est essentiel, selon Najat Boucetta, que les sages-femmes gestionnaires aient une expérience minimale de trois ans, que les locaux respectent des normes strictes d’hygiène et de sécurité et qu’une autorisation administrative soit délivrée après inspection.
«Il faut impérativement instaurer une régulation rigoureuse, assurer la formation continue des sages-femmes et organiser des supervisions régulières pour garantir la qualité des soins», insiste-t-elle. Par ailleurs, la mise en place de conventions avec des médecins et d’une collaboration étroite avec les hôpitaux de référence est indispensable pour anticiper et gérer les complications.
Enfin, Najat Boucetta plaide pour un renforcement de ce modèle dans les zones rurales, couplé à un système de transport d’urgence performant, afin de garantir un accès équitable à toutes les femmes, quelle que soit leur situation géographique ou socio-économique.
Questions à Najat Boucetta, vice-présidente du bureau régional de l’Association marocaine des sages-femmes (AMSF) Tanger-Tétouan-Al Hoceïma

Le Matin : Quel constat dressez-vous aujourd’hui de la santé reproductive au Maroc ? Quel est le rôle central des sages-femmes dans la santé reproductive des femmes au Maroc ?
Najat Boucetta : Dans son rapport «Les déterminants sociaux du Maroc» édition 2024, le Haut-Commissariat au Plan met en lumière des progrès significatifs dans la santé reproductive au Maroc, notamment avec la réduction progressive de la fécondité (l’indice synthétique de fécondité est passé à 2,05 enfants par femme en 2023) et une prévalence contraceptive élevée (70,8% en 2018). Ces progrès témoignent d'un meilleur accès aux moyens de contraception et à l'éducation sexuelle. Cependant, des disparités subsistent, particulièrement entre les milieux urbains et ruraux, notamment en ce qui concerne l’accès aux services d’accouchement sécuritaires et la prise en charge des urgences obstétricales, la fécondité des adolescentes, les mariages précoces, les grossesses non désirées, les infections sexuellement transmissibles et le VIH/Sida, la violence basée sur le genre et la ménopause... Ces défis montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour garantir une couverture de santé reproductive équitable et complète.
Dans ce cadre, les sages-femmes jouent un rôle clé et stratégique. Leur proximité avec les femmes, notamment dans les zones rurales, fait d’elles des actrices incontournables pour réduire la mortalité et la morbidité maternelle et néonatale. Elles sont également essentielles à la promotion des droits en santé sexuelle et reproductive. Leur engagement contribue activement à la mise en œuvre des politiques nationales, telles que la Stratégie nationale de la santé sexuelle et reproductive 2021-2030, qui vise à garantir un accès universel et égalitaire aux services de santé reproductive à chaque étape de la vie.
Est-ce que la formation actuelle des sages-femmes répond aux évolutions des besoins des femmes, notamment en matière d’écoute, de santé mentale, ou de suivi postnatal ? Quelles améliorations recommanderiez-vous au niveau de la formation initiale ou continue ?
La formation initiale des sages-femmes, dispensée dans les Instituts supérieurs des professions infirmières et techniques de santé (ISPITS), suit le système LMD (Licence-Master-Doctorat) et repose sur une approche par compétences, développée avec la collaboration d’expertes sages-femmes au niveau national et international. D’une durée de trois ans après le baccalauréat scientifique, elle mène à un diplôme de licence en sages-femmes reconnu par l’État. Le programme comprend des cours théoriques, des stages cliniques et des sessions pratiques en laboratoires de simulation, abordant des sujets variés tels que la santé reproductive, la santé périnatale, la gynécologie, les infections sexuellement transmissibles et le VIH/Sida, et la prise en charge des jeunes en SSR. En complément de cette formation initiale, les ISPITS proposent également des Masters en Master en Management et Leadership en SSR, Management et Qualité des services de soins, Pédagogie des sciences infirmières et Techniques de santé ainsi qu’en pratiques avancées et spécialisées en soins infirmiers, couvrant diverses spécialisations cliniques et techniques. Ces formations permettent aux professionnels d’acquérir des compétences avancées en gestion des soins et en leadership, et ouvrent la voie à l’obtention du cycle doctoral, récemment introduit au sein des ISPITS. Des formations similaires sont également proposées par des institutions telles que l’Université Mohammed VI des sciences de la santé (UM6SS) à Casablanca et l’Institut supérieur des sciences de la santé (ISSS) de Settat. Bien que cette formation soit solide, plusieurs défis demeurent, notamment la durée insuffisante des stages cliniques face à la complexité des situations obstétricales et le manque d’encadrement clinique structuré. La santé mentale périnatale est également peu intégrée dans le cursus de base, soulignant la nécessité de formations complémentaires, telles que les diplômes universitaires en échographie. Le développement des compétences humaines et relationnelles, comme la gestion du stress, la communication interdisciplinaire et le soutien psychologique, doit être renforcé. Bien que des initiatives de formation continue existent, un effort plus structuré est nécessaire pour suivre l’évolution des besoins en santé sexuelle et reproductive. Dans le contexte actuel de digitalisation du secteur de la santé, il est essentiel d'intégrer les outils numériques dans les programmes de formation pour améliorer le suivi des patientes et la coordination interprofessionnelle. Pour améliorer la formation des sages-femmes au Maroc, il est essentiel de renforcer les stages cliniques, d’intégrer la santé mentale périnatale dans le cursus de formation, de structurer l’encadrement clinique et de développer un système de formation continue régulier et certifiant. La digitalisation de la formation, notamment par la simulation virtuelle et l’usage des technologies de l'information, constitue une opportunité majeure pour moderniser l’enseignement et améliorer la qualité des soins. Par ailleurs, il est essentiel de recruter aux postes de maîtres de conférences, notamment dans les établissements de formation comme les ISPITS, des sages-femmes titulaires d’un doctorat en pédagogie universitaire et sciences de la santé. Cette mesure permettrait de protéger et sauvegarder l’identité professionnelle et l’appartenance à la profession.
Dans certaines régions, les femmes accouchent encore sans assistance. Quelles mesures urgentes faudrait-il mettre en place pour renforcer la couverture ?
Pour renforcer la couverture des accouchements assistés dans les régions où les femmes accouchent encore sans assistance, il est indispensable de mettre en place des mesures immédiates. Il est nécessaire de renforcer la formation initiale et continue des sages-femmes pour assurer leur présence dans les zones rurales et optimiser leur répartition. L'extension du réseau des maisons d'accouchement libérales, notamment dans les zones reculées, constitue une solution stratégique, d’autant plus si elle s’accompagne de facilitation de crédits, voire sans intérêt, pour soutenir leur création et leur fonctionnement durable. Il faut également améliorer l'accès aux infrastructures de santé en développant des établissements adaptés et bien équipés. Parallèlement, des campagnes de sensibilisation ciblées, prenant en compte les spécificités culturelles locales, doivent être menées pour encourager le suivi médical des femmes enceintes. Enfin, la formation continue du personnel de santé, axée sur une prise en charge respectueuse et sécurisée, reste indispensable. De plus, l'intégration des établissements «Dar Al Oumouma» dans les zones rurales est essentielle. Ce modèle, fondé sur une approche communautaire, permet d’améliorer l’accès aux soins maternels et néonatals tout en répondant aux besoins des populations locales. Grâce à la collaboration entre les communes, l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et les associations communautaires, ces structures assurent un hébergement sécurisé et un suivi médical complet. Leur intégration dans un réseau de santé local avec des protocoles de transfert définis est indispensable pour garantir la sécurité des patientes et la continuité des soins. Pour ces raisons, il est urgent de plaider pour leur extension à grande échelle.