Menu
Search
Samedi 04 Mai 2024
S'abonner
close
Accueil next Société

Surexposition aux lumières artificielles, méfiez-vous !

Qu’on le veuille ou non, nous sommes exposés tout au long de la journée, et même la nuit, à des éclairages artificiels qui ne sont pas sans danger pour notre santé. Les spécialistes sont formels : une exposition prolongée aux lumières artificielles, surtout la nuit, perturbe notre organisme et favorise à long terme l’apparition de plusieurs troubles à différents degrés de gravité, allant des perturbations du sommeil jusqu’aux maladies mentales, en passant par le diabète et le cancer. Plus de lumière sur le sujet avec Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé.

Une exposition à la lumière durant la phase de sommeil augmenterait le risque de maladies cardiovasculaires 
et métaboliques et réduirait les fonctions immunitaires.
Une exposition à la lumière durant la phase de sommeil augmenterait le risque de maladies cardiovasculaires et métaboliques et réduirait les fonctions immunitaires.
L’exposition à la lumière nocturne augmenterait de 30% le risque de dépression et favoriserait les comportements d'automutilation, les psychoses, les troubles bipolaires, les troubles anxieux généralisés et les troubles de stress post-traumatique. Ce sont là quelques risques identifiés dans le cadre d’une récente étude menée par des chercheurs de l'Université Monash, une des plus prestigieuses d'Australie. Les résultats de cette recherche viennent nous rappeler la sérieuse menace que fait planer sur notre santé l’exposition prolongée aux lumières artificielles de manière générale. Car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les effets néfastes de ce type d’éclairage ne se limitent pas à quelques troubles du sommeil. Une surexposition aux lumières artificielles peut avoir des conséquences beaucoup plus graves !

La santé mentale est aussi en jeu

«Une exposition accrue à la lumière durant la nuit augmenterait le risque de troubles mentaux, allant de l'anxiété à la bipolarité», alerte le médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, Tayeb Hamdi. Inversement, une importante exposition à la lumière diurne serait bénéfique sur le plan de la santé mentale, précise-t-il. Outre les troubles bipolaires et le trouble anxieux généralisé, ajoute le praticien, la liste comprend d’autres risques qui seraient favorisés par l’exposition excessive à la lumière artificielle, à savoir l'automutilation, la psychose ou encore le syndrome de stress post-traumatique.

Différentes études scientifiques crédibles ont également établi que les mutations de nos modes de vie, notamment nos façons de travailler et de consommer, impactent fortement notre santé et contribuent à l'émergence de plusieurs maladies. On peut citer le phénomène de sédentarité qui gagne de plus en plus de terrain, lequel est associé à plusieurs maladies, notamment chroniques. «Aujourd’hui, les humains remettent en question les systèmes biologiques, passant environ 90% de la journée à l’intérieur, sous un éclairage électrique trop faible le jour et trop lumineux la nuit par rapport aux cycles de lumière naturelle et d’obscurité. Cela perturbe le corps et rend malade», confirme Dr Hamdi.

Aujourd’hui, on parle même de pollution lumineuse. Cette expression, explique-t-il, désigne une présence nocturne anormale ou gênante de lumière et renvoie aux conséquences de l'éclairage artificiel nocturne sur la faune, la flore, les écosystèmes ainsi que les effets suspectés ou avérés sur la santé humaine. «La pollution lumineuse augmente en moyenne de 2% par an dans le monde», signale-t-il pour attirer l’attention sur l’aggravation du risque et ses répercussions sur la santé dans les prochaines années.

L’accroissement de l’utilisation des appareils numériques (ordinateurs, tablettes, téléviseurs, smartphones...) et des ampoules LED est aussi mis en cause. «La lumière bleue, présente en forte proportion dans les systèmes d’éclairage par LED, perturbe aussi l'horloge biologique humaine», fait savoir Dr Hamdi. «En plus de l’altération du sommeil et du retard de l’endormissement, elle est aussi mise en cause dans l’augmentation des risques de cancer du sein et de la prostate, l’augmentation des risques de diabète ou d’obésité, les risques cardio-vasculaires, les troubles de la mémoire, de l’humeur et de l’attention, entre autres», indique-t-il.

Synchroniser le rythme circadien, clé d’une bonne santé

Dr Hamdi explique que l’organisme suit un rythme régulier influencé par la lumière naturelle, appelé rythme circadien. Il s’agit d’une sorte d’horloge interne essentielle à notre santé. «Ce rythme agit sur notre organisme, modifie nos taux d’hormones et même notre code génétique. La lumière naturelle aide notre horloge biologique à se régler sur le cycle de 24 heures de la Terre», détaille le professionnel, ajoutant que le travail en rotation, par exemple, cause inévitablement des troubles du rythme circadien en raison du décalage des horaires de travail avec l’horloge interne. Ce chamboulement peut entraîner des maladies graves telles que le cancer, selon les nombreuses études qui se sont intéressées à ce sujet.

Parmi ces études figure celle menée par l’université de Harvard auprès de 80.000 infirmières qui ont travaillé la nuit pendant dix ans. Celle-ci a démontré que les infirmières qui effectuaient au moins trois shifts nocturnes par mois étaient plus exposées au risque de développer un cancer du sein. «L’incidence de cancer du sein, 50 à 200% plus élevée chez les infirmières exposées à la lumière artificielle de nuit, est rapportée à l’inhibition de la mélatonine, la privation de sommeil et la désynchronisation», souligne Dr Hamdi.

Il insiste sur l’importance de l'horloge biologique qui orchestre les fonctions de l'organisme et dont la synchronisation est liée à la lumière. «Cette horloge gouverne un très grand nombre de mécanismes physiologiques : de la régulation de la température à la sécrétion des hormones en passant par la tension artérielle, la fonction rénale, les capacités cognitives et, bien sûr, l’alternance veille/sommeil», relève-t-il.

Une obscurité complète la nuit à privilégier

Pour le médecin, l’idéal serait d’éviter la lumière la nuit et de rechercher la lumière naturelle pendant la journée. «Cela peut être un moyen non pharmacologique simple et efficace d’améliorer largement la santé mentale, et la santé en général», note-t-il. «Déjà pour commencer, n’éclairez pas plus que ce dont vous avez besoin. L’excès de lumière est source de surconsommation et crée d’importants contrastes pouvant nuire à notre vision», conseille-t-il. L’idée d’après lui est d’éviter de s’exposer à la lumière dès la tombée de la nuit. Pour ce faire, le médecin recommande de faire de l’obscurité dans les chambres à l’aide de rideaux opaques par exemple, et de retirer toutes les sources lumineuses comme les radioréveils, les veilleuses et les chargeurs. Il préconise aussi l’usage des ampoules 3.000K et moins, dont la couleur blanc chaud est plus ou moins proche de la lumière naturelle. «Pour votre éclairage extérieur, n’utilisez que des luminaires avec abat-jour certifiés par l’IDA pour orienter la lumière vers le bas. Et si vous devez utiliser des appareils la nuit, installez une application qui limite automatiquement la lumière bleue la nuit ou encore des lunettes anti-lumière bleue», poursuit-il.

Il rappelle qu’une exposition à la lumière durant la phase de sommeil augmenterait le risque de maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde) et de maladies métaboliques comme le diabète, la résistance à l’insuline, l’obésité, et réduirait les fonctions immunitaires.
Lisez nos e-Papers