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Syndrome de Marfan : une maladie rare qui nécessite un dépistage plus précoce et une prise en charge adaptée

La mobilisation se renforce autour du syndrome de Marfan au Maroc. Lors de la 3ᵉ Journée nationale organisée par SOS Marfantime, experts et patients ont lancé un appel clair pour un meilleur diagnostic, plus de spécialistes et un centre dédié à cette pathologie ainsi qu’aux maladies du tissu conjonctif.

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La troisième Journée nationale du syndrome de Marfan, organisée à Rabat par l’association marocaine SOS Marfantime, a remis au centre du débat public une maladie rare encore trop méconnue. Organisée autour du thème «Marfan : entre dépistage, diagnostic et prise en charge multidisciplinaire» et le slogan «Dépister tôt, diagnostiquer juste, prendre en charge ensemble», cette rencontre a permis de rappeler l’urgence d’agir pour des milliers de patients Marocains. «Le plus gros danger, c’est l’ignorance autour de cette maladie», explique Fatima-Zohra Bousdig, présidente de SOS Marfantime. «Beaucoup de vies pourraient être sauvées si le diagnostic était posé à temps».

Une maladie rare qui touche tout le corps

Le syndrome de Marfan résulte d’une mutation affectant la fibrilline 1, une protéine essentielle à l’élasticité et à la résistance du tissu conjonctif. Quand ce tissu est fragilisé, tout le corps est concerné : cartilage, tendons, ligaments, squelette, yeux, appareil pulmonaire, cœur et vaisseaux sanguins. Le risque le plus redouté reste la dissection aortique, une déchirure brutale de l’aorte pouvant mener à un décès soudain. «C’est une maladie qui ne pardonne pas si l’on tarde à agir», insiste la présidente de l’association.

Chez les enfants, ce sont souvent les ophtalmologues qui soupçonnent les premiers la maladie à cause de signes oculaires : déplacement du cristallin, myopie sévère, risques de décollement de rétine. Ailleurs, les médecins peuvent être alertés par la morphologie particulière : grande taille, maigreur, doigts longs et fins, déformation du thorax ou de la colonne.

Au Maroc, le diagnostic reste un véritable parcours du combattant. Beaucoup de patients racontent une errance de 5, 10, voire 20 ans avant de mettre un nom sur leurs symptômes.

«Les causes sont multiples : faible connaissance de la maladie parmi les médecins, confusion avec d’autres pathologies, manque de spécialistes formés, absence de protocole national de dépistage et accès limité aux examens essentiels comme les échographies cardiaques, l’imagerie avancée ou la génétique. Ce retard diagnostique coûte des vies. Chaque année de perdu, c’est un risque supplémentaire pour l’aorte», alerte Fatima-Zohra Bousdig. «Nous ne pouvons plus accepter que nos patients se heurtent à tant d’obstacles.»

Un besoin urgent de spécialistes

Pour une maladie qui touche autant d’organes, la prise en charge doit être pluridisciplinaire. Mais au Maroc, les spécialistes formés manquent cruellement. «Il manque notamment des cardiologues spécialisés dans les maladies aortiques, des généticiens, encore trop rares, des ophtalmologues entraînés au traitement des rétines fragiles, des orthopédistes aptes à gérer les scolioses complexes et des pédiatres capables de repérer les signes précoces», affirme la présidente de l’association. Elle appelle, également, à créer une équipe nationale Marfan, formée de spécialistes coordonnés, comme cela existe dans plusieurs pays d’Europe. Des formations continues, l’accueil d’experts internationaux, un parcours diagnostique clair et l’accès à la génétique dans les CHU figurent parmi les priorités.

Pour SOS Marfantime, la prochaine étape est incontournable : la création d’un centre national spécialisé. Un lieu capable de regrouper cardiologie, génétique, ophtalmologie, orthopédie, pédiatrie, psychologie médicale et accompagnement social.

«Nos patients ne doivent plus passer d’un service à l’autre, de ville en ville, en cherchant des réponses. Nous devons leur offrir un parcours coordonné et humain», affirme la présidente. Ce centre permettrait un suivi global, adapté à une maladie qui exige une vigilance médicale constante, notamment sur la surveillance de l’aorte.

Des données nationales encore absentes

À ce jour, le Maroc ne dispose d’aucune base de données officielle sur le syndrome de Marfan. L’estimation de 8.000 patients potentiels reste donc théorique. Sans statistiques fiables, il est difficile d’adapter les politiques de santé. SOS Marfantime appelle ainsi à la mise en place d’un registre national des maladies rares, au recueil systématique des cas par les médecins et à la publication annuelle de données sur la maladie, le diagnostic et la mortalité.

L’association porte ainsi plusieurs revendications majeures, notamment la création d’un centre national dédié au syndrome de Marfan et aux maladies du tissu conjonctif, ainsi que la formation des médecins, en particulier dans les régions éloignées où l’expertise manque cruellement. Elle appelle, par la même occasion, à faciliter l’accès aux examens indispensables, échographie, scanner, IRM ou tests génétiques, afin de réduire les retards diagnostiques. Une autre demande centrale concerne la reconnaissance officielle du syndrome de Marfan comme maladie rare, ce qui permettrait d’améliorer la couverture médicale par la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale) et les assurances. Enfin, l’association insiste sur la nécessité d’organiser de véritables campagnes nationales de sensibilisation pour faire connaître la maladie, encourager le dépistage précoce et sauver des vies. «Nous n’avons pas le luxe d’attendre. Sauver des vies dépend d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge structurée», rappelle Fatima-Zohra Bousdig. «Notre objectif est clair : réduire l’errance diagnostique, améliorer la qualité de vie et offrir enfin aux familles l’accompagnement qu’elles méritent.»
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