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Quand un chirurgien à Casablanca opère à distance à Laâyoune : récit d’une première médicale marocaine

Pour la première fois en Afrique et dans la région MENA, une opération chirurgicale robotisée a été réalisée à Laâyoune, pilotée à distance depuis Casablanca. Cette prouesse 100 % marocaine, portée par le groupe Akdital, marque un tournant majeur pour l’accès aux soins spécialisés dans les régions éloignées. Mais si la technologie est déjà au rendez-vous, les défis humains, financiers et structurels restent considérables pour espérer une démocratisation à l’échelle nationale d’ici 2030.

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Pour la première fois en Afrique et dans la région MENA, une chirurgie assistée par robot a été réalisée avec succès à Laâyoune, opérée depuis Casablanca. Ce progrès technologique, porté par le groupe Akdital, suscite l’espoir « d’une démocratisation des soins », offrant à terme la possibilité à un patient de Zagora, de Taounate ou de n'importe quelle province, de bénéficier de la même qualité d’interventions chirurgicales qu’un habitant de Casablanca ou Rabat. Cependant, cette avancée médicale soulève également « des défis plus complexes » : un coût élevé, l’absence de prise en charge (CNSS) et une pénurie de chirurgiens qualifiés. Néanmoins, Rochdi Talib, PDG du groupe Akdital, a exprimé lors d’une conférence de presse son ambition : « faire de la chirurgie robotique une solution accessible dans toutes les régions du Royaume d’ici 2030 ».

Le Maroc entre dans l’ère de la téléchirurgie

Cela fait quatre ans que le groupe Akdital prépare cette révolution médicale : la chirurgie robotique à distance. Un rêve devenu réalité grâce à une collaboration 100 % marocaine entre le groupe et Dr Adil Ouzzane, chirurgien urologue, soutenu par une équipe nationale expérimentée.

L’intervention ? Une prostatectomie radicale sur un patient de 52 ans, souffrant d’un cancer, opérée depuis Casablanca alors que le bloc opératoire se trouvait à Laâyoune. Dr Ouzzane, maître d’œuvre de cette prouesse, raconte avec émotion : « À un certain moment de l’opération, je ne savais plus si j’étais à Casablanca ou à Laâyoune... »

Le secret de cette performance repose sur un réseau privé de type 5G, conçu pour répondre aux exigences extrêmes de la chirurgie robotique. Marwane Riachi, directeur des systèmes d’information d’Akdital, l’explique ainsi : « Nous avons combiné deux lignes Internet locales – l’une terrestre et l’autre non terrestre – pour garantir une communication instantanée et sécurisée entre le chirurgien et le robot » Résultat : un temps de latence (durée de réaction entre une commande et son exécution par le robot chirurgicale) de 0,02 seconde, un record mondial !

Le patient, opéré sans « aucune transfusion » selon Dr Ouzzane, a quitté l’hôpital après seulement 48 heures, en pleine forme. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le chirurgien confirme que la robotique ne fonctionne pas de manière autonome « chaque geste du robot est guidé en temps réel par le contrôleur ». Un message fort pour affirmer que « jamais le progrès technologique ne pourra remplacer l’expertise humaine »

Alors que la chirurgie robotique ouvre une nouvelle ère pour la médecine au Maroc, Rochdi Talib, PDG d’Akdital, souligne un défi majeur : le manque de compétences locales spécialisées. Si l’opération à Laâyoune a été un succès grâce à une équipe 100 % marocaine, la formation en chirurgie robotique reste encore marginale dans le pays. « Il faut être honnête : nous souffrons d’un manque criant de compétences médicales », admet-il. Bien que le Maroc compte environ 7.000 médecins exerçant en France seulement, dont certains maîtrisent ces techniques, peu sont opérationnels localement.

Pourtant, l’intérêt des médecins marocains pour la chirurgie robotique ne cesse de croître. « Chaque jour, je reçois plusieurs appels de médecins locaux souhaitant se former en téléchirurgie », confie Rochdi Talib. À l’image du Dr Ouzzane, formé en France, rares sont ceux capables de réaliser ce type d’intervention aujourd’hui. Reste à relever le défi de la formation. « Deux à trois médecins du groupe Akdital se rendent chaque semaine en Chine pour se former », mais le processus prendra encore deux à trois ans avant de combler ‘le retard’.



À noter que cette téléchirurgie est estimée à 85.000 dirhams, un coût encore élevé pour une grande partie des foyers marocains. Rochdi Talib confirme que des discussions sont en cours avec Hassan Boubrik, directeur général de la CNSS, afin d’envisager un remboursement à hauteur de 80 %, dans le cadre d’une démarche visant à rendre cette avancée médicale plus accessible à l’ensemble de la population.

Le coût du matériel n’est pas en reste, avec un robot chirurgical estimé à près de 2 milliards de centimes – « un frein majeur » pour l’instant. Mais avec le temps, les progrès technologiques et l’augmentation de la demande, R. Talib est convaincu que les coûts diminueront, permettant ainsi d’équiper davantage d’hôpitaux à travers le pays. Actuellement, groupe Akdital dispose de trois robots – deux à Casablanca et un à Rabat – avec une liste d’attente enregistrant au moins deux demandes par jour pour la téléchirurgie.

Dans l'espoir d'un partenariat public-privé ambitieux pour transformer la chirurgie au Maroc, R. Talib confie que les CHU du pays se lancent dans l'acquisition de robots chirurgicaux. Cette initiative commencera avec un robot par établissement et un ou deux chirurgiens experts par région pour initier le changement, une information qui lui a été confirmée par le ministre de la Santé, Amine Tahraoui.

Le débat continue de se tourner vers la conclusion qu'à l’horizon 2030, cette technologie pourrait offrir des soins de haute qualité à un plus grand nombre de Marocains, surtout dans les régions reculées, avec des interventions allant du cancer à d’autres pathologies, rendant la médecine marocaine plus accessible, efficace et équitable. En conclusion de sa conférence, Rochdi Talib lance : « Le Maroc n’a ni pétrole ni gaz, mais il a un capital humain à l’expertise reconnue mondialement, grâce auquel nous œuvrerons tous pour une démocratisation des soins de Tanger à Lagouira... »
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