Derrière une difficulté à lire, à écrire ou à compter, se cache souvent un combat silencieux. Pour de nombreux enfants, ces défis d’apprentissage, souvent classés sous l’étiquette «dys», représentent bien plus que des soucis scolaires. Et pour certains, ils sont le premier signe visible d’une réalité plus complexe : celle des maladies rares. Affectant 5% de la population, ces pathologies se manifestent sous des formes variées et touchent souvent les plus jeunes, avant même l'âge de cinq ans. «Certaines de ces pathologies très différentes les unes des autres, peuvent se manifester par des troubles des apprentissages affectant les fonctions exécutives et motrices, la mémoire, la concentration, la lecture, le calcul, l’écriture ou l’orthographe, et bien plus, particulièrement si l’enfant est sujet à des crises épileptiques difficiles à contrôler», déclare au journal «Le Matin» Dre Khadija Moussayer, présidente de l'Alliance maladies rares Maroc (AMRM). «Il existe des liens spécifiques entre certaines maladies rares et des difficultés cognitives ou scolaires. Ces maladies affectent souvent le système nerveux central, le métabolisme ou d'autres aspects du développement neurologique et cognitif, ce qui peut entraîner des troubles d'apprentissage chez les enfants», développe Madiha Essefah, orthophoniste.
Notre interlocutrice souligne également que les enfants atteints de maladies rares éprouvent des difficultés à l’environnement physique scolaire. Certaines maladies rares, comme les myopathies ou les troubles neuromusculaires, entraînent une fatigue rapide ou une limitation des mouvements, rendant difficile la participation à toutes les activités scolaires, y compris les récréations ou l’éducation physique. Sans oublier les absences fréquentes, à cause des soins médicaux réguliers ou des hospitalisations prolongées, qui peuvent entraîner des retards importants dans leur scolarité, ce qui complique leur réintégration dans la classe et leur suivi du programme. «Les enseignants et les équipes pédagogiques manquent parfois de formation spécialisée pour répondre aux besoins des enfants atteints de maladies rares et souffrant de troubles d'apprentissage. Ils ne sont pas toujours informés des spécificités des cas particuliers de ces enfants, ce qui peut entraîner une prise en charge inappropriée ou insuffisante», précise Madiha Essefah.
Les spécialistes s’accordent à dire que chaque diagnostic précis devient un pilier essentiel, permettant non seulement d’orienter les soins et traitements, mais aussi d’offrir une chance d'intégration à ces enfants confrontés à des défis uniques. «Le diagnostic précoce et notamment à la naissance permet, dans le cas de certaines maladies rares, de les prendre en charge avant même le début des symptômes et l’atteinte des facultés cérébrales. C’est notamment le cas de l’hypothyroïdie congénitale et de la phénylcétonurie dont le dépistage systématique à la naissance permet de protéger l’enfant du déficit intellectuel simultanément par un traitement à base d’hormones thyroïdiennes et un régime alimentaire adapté», affirme Dre Moussayer. «Il faut penser à une maladie rare sous-jacente aux troubles de l’apprentissage devant un tableau associant une combinaison inexpliquée de difficultés développementales, une évolution inhabituelle des troubles ou l’absence d’efficacité des propositions rééducatives», insiste-t-elle.
Évaluation multidisciplinaire et interventions spécialisées
Une évaluation complète, menée par une équipe de professionnels tels que des neuropsychologues, orthophonistes, psychomotriciens et ergothérapeutes, permet de dresser un bilan précis des difficultés de l’enfant en matière de langage, de mémoire, et de motricité fine. «Cette collaboration étroite entre médecins spécialisés et éducateurs est essentielle pour ajuster la prise en charge,» précise-t-elle.
Les interventions orthophoniques jouent aussi un rôle clé, ciblant les compétences linguistiques de l'enfant. Selon Essefah, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut également «améliorer l’attention et la gestion des émotions, des éléments cruciaux pour l’autonomie et l’apprentissage scolaire».
Soutien scolaire et outils pédagogiques
Pour répondre aux besoins éducatifs spécifiques, des plans individualisés (PEI) sont élaborés en partenariat avec les enseignants, définissant des objectifs réalistes pour chaque enfant. Des technologies d’assistance, comme les logiciels de reconnaissance vocale, offrent aussi plus d’autonomie et facilitent l’apprentissage. «Les supports visuels et multisensoriels sont également très utiles pour renforcer la compréhension et la mémorisation», ajoute l’orthophoniste.
Accompagnement psychologique et soutien institutionnel
La gestion de la détresse émotionnelle des enfants est cruciale. «Le soutien psychologique aide non seulement les enfants à gérer leurs émotions, mais aussi les parents, qui jouent un rôle déterminant», explique Essefah. Enfin, l’inclusion scolaire en milieu ordinaire, avec des aménagements spécifiques, est encouragée pour permettre aux enfants d’intégrer des classes régulières, lorsque leur état le permet. Dans certains cas, des établissements spécialisés sont toutefois recommandés pour les besoins plus complexes.
L’ensemble de ces interventions vise à fournir aux enfants les moyens de surmonter leurs troubles d’apprentissage tout en tenant compte des spécificités de chaque maladie rare.
La sclérose tubéreuse de Bourneville est une maladie rare caractérisée par le développement de tumeurs bénignes dans divers organes, en particulier le cerveau. Ces complications neurologiques peuvent entraîner des troubles de l'apprentissage, affectant la capacité de concentration et les aptitudes scolaires de l’enfant.
• Neurofibromatose de Von Recklinghausen
Cette maladie génétique se manifeste par des taches café au lait sur la peau et la formation de neurofibromes le long des nerfs. Environ 40% des enfants atteints de neurofibromatose de Von Recklinghausen rencontrent des difficultés d’apprentissage et présentent des troubles intellectuels, qui impactent leur progression scolaire.
• Syndrome de Di George
Lié à une délétion partielle du chromosome 22, le syndrome de Di George entraîne des malformations cardiaques, des anomalies faciales, et un déficit immunitaire. Les troubles de l'apprentissage dans ce syndrome sont souvent dus à une déficience intellectuelle ou à des problèmes d’élocution, rendant le suivi scolaire particulièrement difficile.
• Syndrome de l'X fragile
C’est l'une des principales causes de déficience intellectuelle héréditaire. Les enfants atteints du syndrome de l'X fragile font face à des retards de développement, des troubles de concentration, et des problèmes de mémoire. Les difficultés de langage, les troubles de l'attention et parfois l’hyperactivité rendent leur apprentissage scolaire complexe.
• Syndrome de Rett
Affectant principalement les filles, cette maladie neurodéveloppementale provoque une régression sévère après une phase de développement normal. Les enfants perdent souvent leur capacité à parler et présentent des difficultés motrices, compliquant l’apprentissage scolaire. Le retard mental associé au syndrome de Rett rend également l’acquisition de connaissances classiques ardue.
• Leucodystrophie
Les leucodystrophies sont des maladies génétiques qui altèrent la myéline des nerfs cérébraux, entraînant une détérioration progressive des fonctions neurologiques. Les enfants atteints subissent des troubles de la mémoire, des difficultés d’attention, et des retards scolaires dans des domaines comme la lecture et les mathématiques, dus à une dégradation des capacités cognitives.
• Syndrome de Sanfilippo (Mucopolysaccharidose type III)
Cette maladie lysosomale rare provoque l'accumulation de toxines dans le cerveau, entraînant une neurodégénérescence. Les enfants développent souvent des troubles cognitifs sévères après un développement normal dans les premières années. La perte des compétences acquises, combinée à des comportements hyperactifs, rend l'intégration et le suivi scolaires difficiles.
• Syndrome de Turner
Uniquement observé chez les filles, ce syndrome est caractérisé par l'absence partielle ou totale d’un chromosome X. Bien que l’intelligence générale soit souvent normale, des difficultés spécifiques dans les compétences visuo-spatiales et le raisonnement abstrait affectent les performances scolaires en mathématiques et en sciences, auxquelles s’ajoutent parfois des troubles de l’attention.
• Syndrome de Williams-Beuren
Les enfants atteints de ce syndrome rare présentent un développement verbal supérieur et sont très sociables. Cependant, des déficits cognitifs majeurs existent dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne la perception visuo-spatiale. Les difficultés en mathématiques et en géométrie compliquent leur parcours scolaire, malgré leur aisance dans l’expression orale.
Quelles sont les avancées récentes dans le domaine des traitements ou des interventions pour améliorer la qualité de vie des enfants atteints de troubles de l'apprentissage et de maladies rares ?
Le traitement des maladies rares a connu d’énormes progrès ces dernières décennies, il consiste parfois à remplacer des enzymes manquantes ou à suivre une thérapie génique. Ces thérapeutiques permettent de traiter la maladie rare et de prévenir, dans certains cas, son impact sur les facultés d’apprentissage.
La prise en charge de ces troubles doit être précoce et coordonnée. Elle fait appel habituellement à une rééducation orthophonique, psychomotricité, soutien psychologique lorsque nécessaire, et à des aménagements pédagogiques au niveau scolaire.
Une voie récente de leur prise en charge se base sur les réflexes archaïques (ou réflexes primitifs). Ce sont des mouvements automatiques qui aident à la survie des bébés en favorisant la succion, la préhension et les réponses de défense. Ils sont à la base de l'acquisition de tous les apprentissages du début de la vie : téter, se retourner, ramper, se relever, attraper puis relâcher, marcher à 4 pattes, se dresser puis marcher. Certains d'entre eux sont censés disparaître et être inhibés (s'intégrer) pour laisser place à un mouvement volontaire et contrôlé.
Or, lorsqu'un réflexe archaïque n'est pas intégré,cela agit comme un parasite pour le cerveau de l'enfant, et entrave ses apprentissages. Des séances de remédiation pour intégrer les réflexes archaïques sont possibles.
Que faut-il faire pour sensibiliser les parents, les enseignants et les établissements scolaires aux besoins particuliers des enfants touchés par des troubles de l'apprentissage liés à des maladies rares ?
L’école occupe une place primordiale dans le repérage des troubles des apprentissages dont la plupart sont, en effet, détectés dans le contexte scolaire. Il est nécessaire de sensibiliser les enseignants à cette problématique et de développer dès l’école maternelle des actions de prévention et de repérage des enfants présentant des signes d’alerte.
Les parents ont aussi un rôle majeur à jouer, ce sont également des acteurs clé de repérage et susceptibles d’aider l’enfant à surmonter les difficultés rencontrées et de communiquer avec les enseignants pour optimiser la scolarité de l’enfant.
Lorsque des difficultés sont constatées, l’établissement scolaire devra être capable d’élaborer des plans d’accompagnement qui consistent à faire le point sur les capacités de l’enfant et à trouver les moyens pour atteindre les objectifs ciblés par la mise en place d’aménagements scolaires.
L’AMRM a, récemment, organisé un Forum sur le thème de la vie des enfants souffrant de troubles de l’apprentissage et de maladies rares ? Et quels enseignements peut-on tirer de cette rencontre ?
Le principal objectif de cette journée a été d’inciter à se poser des questions essentielles devant tout trouble de l’apprentissage notamment se demander s’il y a un lien avec une maladie rare. Le but était également de montrer l’intérêt de la recherche d’une maladie rare chez les enfants présentant un trouble des apprentissages.
En effet, l’accès au diagnostic de la maladie rare est un élément clé du parcours de santé de l’enfant, dont les bénéfices sont multiples notamment pouvoir accéder à un traitement curatif (qui n’existe que pour seulement 5% des maladies rares) et optimiser les propositions thérapeutiques et rééducatives. La mise en évidence de l’origine des difficultés d’apprentissage peut également permettre à l’enfant et à sa famille de bénéficier d’un conseil génétique.
Nous avons perçu, à travers les témoignages de parents concernés par la problématique, l’importance de mettre en place dans notre pays des dispositifs spécifiques pour accompagner ces enfants et leurs familles. Si l’enfant doit être hospitalisé, il peut être scolarisé à l’hôpital et il doit bénéficier d’une scolarisation à domicile pendant la période de convalescence. Les enfants atteints d’une maladie rare doivent bénéficier d’un Projet d’accueil individualisé (PAI), c’est un document écrit qui précise les adaptations à apporter à la vie de l’enfant à l’école et contient l’intégralité de ses besoins thérapeutiques.
Des impacts multiples sur la vie scolaire et sociale
La spécialiste souligne, par ailleurs, que les enfants souffrant de troubles de l'apprentissage liés à des maladies rares rencontrent des difficultés particulières dans leur quotidien scolaire, car ces troubles affectent à la fois leurs capacités cognitives, sociales et motrices. «Ces difficultés peuvent toucher plusieurs aspects de leur vie scolaire, incluant l'apprentissage, l'interaction avec les autres élèves et l'adaptation aux exigences du système éducatif. Les programmes scolaires standards ne sont souvent pas adaptés aux besoins spécifiques de ces enfants, et ces derniers peuvent se sentir dépassés par le rythme et les exigences du système éducatif classique. Ils peuvent aussi éprouver des difficultés dans leurs relations sociales», explique l’orthophoniste. Et d’ajouter qu’«en raison de leurs différences, ces enfants peuvent être perçus comme “différents” par leurs camarades, ce qui peut entraîner un isolement social ou des difficultés à s’intégrer dans le groupe classe. L’échec scolaire répétitif et les difficultés à comprendre ou à réaliser des tâches simples peuvent affecter leur estime de soi. Aussi, les frustrations liées à l’incapacité à suivre les cours ou à participer pleinement peuvent également se traduire par des comportements impulsifs ou agressifs, compliquant encore plus leur intégration scolaire».Notre interlocutrice souligne également que les enfants atteints de maladies rares éprouvent des difficultés à l’environnement physique scolaire. Certaines maladies rares, comme les myopathies ou les troubles neuromusculaires, entraînent une fatigue rapide ou une limitation des mouvements, rendant difficile la participation à toutes les activités scolaires, y compris les récréations ou l’éducation physique. Sans oublier les absences fréquentes, à cause des soins médicaux réguliers ou des hospitalisations prolongées, qui peuvent entraîner des retards importants dans leur scolarité, ce qui complique leur réintégration dans la classe et leur suivi du programme. «Les enseignants et les équipes pédagogiques manquent parfois de formation spécialisée pour répondre aux besoins des enfants atteints de maladies rares et souffrant de troubles d'apprentissage. Ils ne sont pas toujours informés des spécificités des cas particuliers de ces enfants, ce qui peut entraîner une prise en charge inappropriée ou insuffisante», précise Madiha Essefah.
Un diagnostic précoce crucial pour l'accompagnement adapté
Cette dernière indique, en outre, que l’identification précoce des troubles de l’apprentissage liés aux maladies rares représente un défi majeur pour les familles, en raison de plusieurs obstacles. Ces barrières peuvent être d’ordre médical, social, ou institutionnel, et rendent souvent le diagnostic et la prise en charge tardifs, ce qui complique le parcours de ces enfants dans leur apprentissage. «Les retards de diagnostic sont malheureusement très fréquents dans le contexte des troubles d'apprentissage liés aux maladies rares. Ces retards peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs qui compliquent la reconnaissance précoce des troubles, que ce soit sur le plan médical ou scolaire. Il s’agit entre autres de la rareté des maladies rares et le manque de connaissances spécifiques, les symptômes complexes et variés, le parcours de diagnostic long, le manque de spécialistes, la sous-estimation des troubles d'apprentissage...», indique l’orthophoniste.Les spécialistes s’accordent à dire que chaque diagnostic précis devient un pilier essentiel, permettant non seulement d’orienter les soins et traitements, mais aussi d’offrir une chance d'intégration à ces enfants confrontés à des défis uniques. «Le diagnostic précoce et notamment à la naissance permet, dans le cas de certaines maladies rares, de les prendre en charge avant même le début des symptômes et l’atteinte des facultés cérébrales. C’est notamment le cas de l’hypothyroïdie congénitale et de la phénylcétonurie dont le dépistage systématique à la naissance permet de protéger l’enfant du déficit intellectuel simultanément par un traitement à base d’hormones thyroïdiennes et un régime alimentaire adapté», affirme Dre Moussayer. «Il faut penser à une maladie rare sous-jacente aux troubles de l’apprentissage devant un tableau associant une combinaison inexpliquée de difficultés développementales, une évolution inhabituelle des troubles ou l’absence d’efficacité des propositions rééducatives», insiste-t-elle.
L’importance de la sensibilisation et du soutien institutionnel
La présidente de l’AMRM rappelle, également, que l’accès au diagnostic de la maladie rare est très compliqué, et relève souvent du parcours du combattant. «Au Maroc, nous n’avons pas de centres de référence dédiés à chaque maladie rare. Il y a donc une grande errance et un retard du diagnostic très nocifs pour les patients. Les familles ont du mal à trouver l’information et les équipes médicales maîtrisant le diagnostic et le traitement de la maladie de leur enfant. D’autre part, de nombreux médicaments ne sont pas disponibles au Maroc, ce qui entrave la bonne prise en charge de la maladie, son aggravation est alors inéluctable avec parfois des répercussions sur le cerveau à l’origine de difficultés de suivi scolaire», déplore Dre Moussayer. «Parfois, de simples mesures permettent d’éviter la déscolarisation de l’enfant, c’est le cas de la maladie des enfants de la lune où un équipement des salles de classe par des vitres filtrant les rayons solaires permet à l’enfant de suivre normalement sa scolarité et de se protéger du danger lié à l’exposition au soleil à l’origine de cancers de la peau, principale complication de la maladie. Il faut que les médecins, les enseignants et le ministère de l’Éducation nationale s’impliquent plus dans cette problématique», appuie-t-elle.Une prise en charge sur mesure nécessaire pour révéler le potentiel de chaque enfant
La prise en charge des enfants atteints de maladies rares et souffrant de troubles d'apprentissage repose sur une approche individualisée, nécessitant des interventions diversifiées adaptées aux besoins de chaque enfant. «Chaque enfant est unique dans la nature et la gravité de ses troubles, et il n'existe pas de solution unique», explique Madiha Essefah, orthophoniste.Évaluation multidisciplinaire et interventions spécialisées
Une évaluation complète, menée par une équipe de professionnels tels que des neuropsychologues, orthophonistes, psychomotriciens et ergothérapeutes, permet de dresser un bilan précis des difficultés de l’enfant en matière de langage, de mémoire, et de motricité fine. «Cette collaboration étroite entre médecins spécialisés et éducateurs est essentielle pour ajuster la prise en charge,» précise-t-elle.
Les interventions orthophoniques jouent aussi un rôle clé, ciblant les compétences linguistiques de l'enfant. Selon Essefah, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut également «améliorer l’attention et la gestion des émotions, des éléments cruciaux pour l’autonomie et l’apprentissage scolaire».
Soutien scolaire et outils pédagogiques
Pour répondre aux besoins éducatifs spécifiques, des plans individualisés (PEI) sont élaborés en partenariat avec les enseignants, définissant des objectifs réalistes pour chaque enfant. Des technologies d’assistance, comme les logiciels de reconnaissance vocale, offrent aussi plus d’autonomie et facilitent l’apprentissage. «Les supports visuels et multisensoriels sont également très utiles pour renforcer la compréhension et la mémorisation», ajoute l’orthophoniste.
Accompagnement psychologique et soutien institutionnel
La gestion de la détresse émotionnelle des enfants est cruciale. «Le soutien psychologique aide non seulement les enfants à gérer leurs émotions, mais aussi les parents, qui jouent un rôle déterminant», explique Essefah. Enfin, l’inclusion scolaire en milieu ordinaire, avec des aménagements spécifiques, est encouragée pour permettre aux enfants d’intégrer des classes régulières, lorsque leur état le permet. Dans certains cas, des établissements spécialisés sont toutefois recommandés pour les besoins plus complexes.
L’ensemble de ces interventions vise à fournir aux enfants les moyens de surmonter leurs troubles d’apprentissage tout en tenant compte des spécificités de chaque maladie rare.
Les principales maladies rares associées aux troubles de l'apprentissage
• Sclérose tubéreuse de BournevilleLa sclérose tubéreuse de Bourneville est une maladie rare caractérisée par le développement de tumeurs bénignes dans divers organes, en particulier le cerveau. Ces complications neurologiques peuvent entraîner des troubles de l'apprentissage, affectant la capacité de concentration et les aptitudes scolaires de l’enfant.
• Neurofibromatose de Von Recklinghausen
Cette maladie génétique se manifeste par des taches café au lait sur la peau et la formation de neurofibromes le long des nerfs. Environ 40% des enfants atteints de neurofibromatose de Von Recklinghausen rencontrent des difficultés d’apprentissage et présentent des troubles intellectuels, qui impactent leur progression scolaire.
• Syndrome de Di George
Lié à une délétion partielle du chromosome 22, le syndrome de Di George entraîne des malformations cardiaques, des anomalies faciales, et un déficit immunitaire. Les troubles de l'apprentissage dans ce syndrome sont souvent dus à une déficience intellectuelle ou à des problèmes d’élocution, rendant le suivi scolaire particulièrement difficile.
• Syndrome de l'X fragile
C’est l'une des principales causes de déficience intellectuelle héréditaire. Les enfants atteints du syndrome de l'X fragile font face à des retards de développement, des troubles de concentration, et des problèmes de mémoire. Les difficultés de langage, les troubles de l'attention et parfois l’hyperactivité rendent leur apprentissage scolaire complexe.
• Syndrome de Rett
Affectant principalement les filles, cette maladie neurodéveloppementale provoque une régression sévère après une phase de développement normal. Les enfants perdent souvent leur capacité à parler et présentent des difficultés motrices, compliquant l’apprentissage scolaire. Le retard mental associé au syndrome de Rett rend également l’acquisition de connaissances classiques ardue.
• Leucodystrophie
Les leucodystrophies sont des maladies génétiques qui altèrent la myéline des nerfs cérébraux, entraînant une détérioration progressive des fonctions neurologiques. Les enfants atteints subissent des troubles de la mémoire, des difficultés d’attention, et des retards scolaires dans des domaines comme la lecture et les mathématiques, dus à une dégradation des capacités cognitives.
• Syndrome de Sanfilippo (Mucopolysaccharidose type III)
Cette maladie lysosomale rare provoque l'accumulation de toxines dans le cerveau, entraînant une neurodégénérescence. Les enfants développent souvent des troubles cognitifs sévères après un développement normal dans les premières années. La perte des compétences acquises, combinée à des comportements hyperactifs, rend l'intégration et le suivi scolaires difficiles.
• Syndrome de Turner
Uniquement observé chez les filles, ce syndrome est caractérisé par l'absence partielle ou totale d’un chromosome X. Bien que l’intelligence générale soit souvent normale, des difficultés spécifiques dans les compétences visuo-spatiales et le raisonnement abstrait affectent les performances scolaires en mathématiques et en sciences, auxquelles s’ajoutent parfois des troubles de l’attention.
• Syndrome de Williams-Beuren
Les enfants atteints de ce syndrome rare présentent un développement verbal supérieur et sont très sociables. Cependant, des déficits cognitifs majeurs existent dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne la perception visuo-spatiale. Les difficultés en mathématiques et en géométrie compliquent leur parcours scolaire, malgré leur aisance dans l’expression orale.
Khadija Moussayer : Il faut mettre en place, dès la maternelle, des actions de repérage des signes d’alerte chez les enfants
Quelles sont les avancées récentes dans le domaine des traitements ou des interventions pour améliorer la qualité de vie des enfants atteints de troubles de l'apprentissage et de maladies rares ?
Le traitement des maladies rares a connu d’énormes progrès ces dernières décennies, il consiste parfois à remplacer des enzymes manquantes ou à suivre une thérapie génique. Ces thérapeutiques permettent de traiter la maladie rare et de prévenir, dans certains cas, son impact sur les facultés d’apprentissage.
La prise en charge de ces troubles doit être précoce et coordonnée. Elle fait appel habituellement à une rééducation orthophonique, psychomotricité, soutien psychologique lorsque nécessaire, et à des aménagements pédagogiques au niveau scolaire.
Une voie récente de leur prise en charge se base sur les réflexes archaïques (ou réflexes primitifs). Ce sont des mouvements automatiques qui aident à la survie des bébés en favorisant la succion, la préhension et les réponses de défense. Ils sont à la base de l'acquisition de tous les apprentissages du début de la vie : téter, se retourner, ramper, se relever, attraper puis relâcher, marcher à 4 pattes, se dresser puis marcher. Certains d'entre eux sont censés disparaître et être inhibés (s'intégrer) pour laisser place à un mouvement volontaire et contrôlé.
Or, lorsqu'un réflexe archaïque n'est pas intégré,cela agit comme un parasite pour le cerveau de l'enfant, et entrave ses apprentissages. Des séances de remédiation pour intégrer les réflexes archaïques sont possibles.
Que faut-il faire pour sensibiliser les parents, les enseignants et les établissements scolaires aux besoins particuliers des enfants touchés par des troubles de l'apprentissage liés à des maladies rares ?
L’école occupe une place primordiale dans le repérage des troubles des apprentissages dont la plupart sont, en effet, détectés dans le contexte scolaire. Il est nécessaire de sensibiliser les enseignants à cette problématique et de développer dès l’école maternelle des actions de prévention et de repérage des enfants présentant des signes d’alerte.
Les parents ont aussi un rôle majeur à jouer, ce sont également des acteurs clé de repérage et susceptibles d’aider l’enfant à surmonter les difficultés rencontrées et de communiquer avec les enseignants pour optimiser la scolarité de l’enfant.
Lorsque des difficultés sont constatées, l’établissement scolaire devra être capable d’élaborer des plans d’accompagnement qui consistent à faire le point sur les capacités de l’enfant et à trouver les moyens pour atteindre les objectifs ciblés par la mise en place d’aménagements scolaires.
L’AMRM a, récemment, organisé un Forum sur le thème de la vie des enfants souffrant de troubles de l’apprentissage et de maladies rares ? Et quels enseignements peut-on tirer de cette rencontre ?
Le principal objectif de cette journée a été d’inciter à se poser des questions essentielles devant tout trouble de l’apprentissage notamment se demander s’il y a un lien avec une maladie rare. Le but était également de montrer l’intérêt de la recherche d’une maladie rare chez les enfants présentant un trouble des apprentissages.
En effet, l’accès au diagnostic de la maladie rare est un élément clé du parcours de santé de l’enfant, dont les bénéfices sont multiples notamment pouvoir accéder à un traitement curatif (qui n’existe que pour seulement 5% des maladies rares) et optimiser les propositions thérapeutiques et rééducatives. La mise en évidence de l’origine des difficultés d’apprentissage peut également permettre à l’enfant et à sa famille de bénéficier d’un conseil génétique.
Nous avons perçu, à travers les témoignages de parents concernés par la problématique, l’importance de mettre en place dans notre pays des dispositifs spécifiques pour accompagner ces enfants et leurs familles. Si l’enfant doit être hospitalisé, il peut être scolarisé à l’hôpital et il doit bénéficier d’une scolarisation à domicile pendant la période de convalescence. Les enfants atteints d’une maladie rare doivent bénéficier d’un Projet d’accueil individualisé (PAI), c’est un document écrit qui précise les adaptations à apporter à la vie de l’enfant à l’école et contient l’intégralité de ses besoins thérapeutiques.