«Cette grossesse est une première historique au Maroc. Elle démontre que la vitrification est sûre et fiable, même après plus de 16 ans. C’est un message d’espoir pour tous les couples rencontrant des difficultés de fertilité», déclare le Pʳ Omar Sefrioui, gynécologue et président de la Société marocaine de médecine de reproduction et de médecine fœtale (SMMR), qui a réalisé le transfert.
Une technique devenue courante, mais un cas unique
«Dans notre clinique, la règle est de ne transférer qu’un seul embryon par tentative. Cette exigence de qualité fait que des embryons surnuméraires sont souvent vitrifiés. La technique, introduite il y a environ 17 à 18 ans, a permis d’obtenir des grossesses partout dans le monde. Nous-mêmes avons été parmi les premiers, dès 2007, à obtenir une grossesse par vitrification», précise-t-il.
Ce qui distingue ce cas, c’est l’ancienneté exceptionnelle de l’embryon. «C’est la première fois qu’une grossesse survient après 16 années de conservation. D’autres grossesses avaient déjà été rapportées après 10, 11 ou 12 ans, mais jamais au-delà. Cela témoigne de la rigueur et de la qualité de notre travail», insiste le Pʳ Sefrioui.
Le parcours du couple
L’histoire commence en 2009. Le couple, confronté à une infertilité masculine, a recours à la FIV et donne naissance à un premier enfant. Plusieurs embryons surnuméraires sont alors vitrifiés.
En 2013, la patiente revient pour un nouveau transfert, qui se solde malheureusement par une grossesse extra-utérine nécessitant une intervention chirurgicale. Installée en Italie, elle ne revient au Maroc qu’en 2025.
«Lors de cette nouvelle tentative, nous avons retrouvé deux embryons au 3ᵉ jour de développement, congelés depuis 2009. Conformément à la loi, qui oblige à utiliser tous les embryons existants avant de lancer un nouveau cycle, nous avons conseillé leur transfert. C’est ainsi que cette grossesse a pu démarrer», relate le spécialiste.
Un défi technique relevé
La durée de congélation est considérée comme un facteur qui diminue normalement les chances de succès.
«Plus elle est longue, plus les probabilités diminuent. Si, après 16 ans, une grossesse survient, c’est la preuve que nous avons relevé le défi de la qualité», commente le Pʳ Sefrioui.
Pour ce qui est des risques médicaux, le spécialiste se veut rassurant : «Il n’y a pas d’impact lié à la durée de la congélation. Les risques sont les mêmes que pour toute grossesse, qu’un embryon ait été congelé un mois, cinq ans ou vingt ans. Ni la mère ni le bébé ne sont exposés à un danger accru».
Pʳ Omar Sefrioui : «Ce succès inspire l’espoir, mais il restera limité tant que l’État ou les assurances maladie ne feront pas d’effort réel pour soutenir la prise en charge de ces traitements»
Le Matin : Selon vous, que représente cette réussite pour les couples marocains confrontés à l’infertilité ?
Pʳ Omar Sefrioui : Cette réussite constitue une véritable fenêtre d’espoir pour les couples marocains. Aujourd’hui, environ 2,2 millions de Marocains sont touchés par l’infertilité, une situation qui entraîne une grande frustration, car il s’agit d’une maladie rarement prise en charge par la Sécurité sociale au Maroc. Pourtant, c’est une pathologie extrêmement fréquente, probablement aussi courante que le diabète, et elle engendre des conséquences sociales et psychologiques importantes pour ces couples.
Bien sûr, ce succès inspire l’espoir, mais il restera limité tant que l’État ou les assurances maladie ne feront pas d’effort réel pour soutenir la prise en charge de ces traitements.
Quelles perspectives cette réussite ouvre-t-elle pour la recherche et la pratique de la FIV au Maroc ?
En matière de recherche, l’African Fertility Clinic (AFC) est la seule structure au Maroc à publier régulièrement dans des revues internationales de premier plan. Même si cette activité reste avant tout une passion pour moi, en tant qu’ancien Professeur de médecine et chercheur, nous avons réalisé, au cours des quinze dernières années, des découvertes reconnues à l’échelle mondiale. Cela contribue à placer le Maroc parmi les pays à la pointe de la fécondation in vitro et de la médecine de la reproduction.
Quels sont vos prochains objectifs de recherche ou projets dans ce domaine ?
Notre priorité reste la lutte pour une meilleure prise en charge des couples infertiles, même partielle, afin de soulager cette pathologie qui touche de nombreux jeunes couples et qui est très mal vécue sur le plan social et psychologique.
Parallèlement, nous continuons à développer la recherche. Par exemple, nous avons organisé en 2024 le Congrès mondial de fécondation in vitro, un événement couronné de succès et reconnu à l’international. Ces initiatives démontrent le respect et la reconnaissance dont bénéficient aujourd’hui les médecins marocains dans le domaine de la reproduction et de la chirurgie reproductive.
