Malgré leur gravité, les violences numériques restent souvent mal comprises et surtout sous-estimées. C’est l’un des principaux constats qui ressortent de la conférence-débat qui a été organisée, le 27 juin à Casablanca par le comité Parité et Diversité de 2M portant sur le thème «violences numériques : comprendre et agir». L’événement a permis justement de traiter les différents aspects du cyber-harcèlement et d'identifier les stratégies efficaces de prévention et de sensibilisation pour y faire face.
Un véritable danger pour nous tous !
D’après l’avocate Zahia Ammoumou, la violence numérique constitue un véritable danger pour nous tous. «Contrairement à la vie réelle, les violences dans le numérique restent difficiles à gérer et à maîtriser puisqu’elles reposent sur la technologie et les plateformes des réseaux sociaux», alerte-t-elle. Et d’ajouter que sur le plan purement juridique, la loi n° 103.13 relative à la lutte contre la violence à l'égard des femmes reste insuffisante pour faire face aux violences numériques. «La Loi n° 103.13 constitue, certes une révolution dans l'arsenal juridique marocain, mais elle ne concerne que les femmes alors qu’il y a beaucoup d’enfants et des hommes touchés par ce phénomène», note-t-elle. L’avocate tient à attirer l’attention sur l’urgence de mitiger les efforts dans l’espoir d’éradiquer ces violences qui ont, malheureusement, tendance à augmenter parallèlement à l’évolution numérique. De son côté, Imane Kendili, docteur en psychiatrie, alerte sur l’impact psychologique des violences numériques qui, selon elle, dépend d’une personne à l’autre. Elle appelle ainsi les parents à être suffisamment avertis et à interdire le smartphone aux enfants avant l’âge de 14 ans. La spécialiste explique que l’impact des violences apparaît au niveau du changement de comportement de la personne. «Il se manifeste par l’insomnie, les troubles du comportement, la dépression, l’anxiété voire les idées suicidaires ou même le passage à l’acte», note-t-elle.
Les parents dépassés, l’école appelée à s’impliquer davantage
Les intervenants sont à l’unanimité convaincus que les parents se sentent dépassés par le phénomène de la transformation digitale et son impact sur le quotidien de leurs enfants. Effectivement, les enfants sont nés à l’ère du digital et connaissent mieux l’environnement numérique que leurs parents. Quelle solution alors ? Le président du Centre marocain de recherches polytechniques et d’innovation (CMRPI) et directeur de l’espace l'Espace Maroc Cyberconfiance (EMC) appellent les écoles à s’impliquer davantage dans la sensibilisation aux dangers des violences numériques. Certes, ajoute l’expert, quelques initiatives existent déjà, mais elles s’avèrent insuffisantes pour protéger nos enfants compte tenu de l’ampleur et la gravité du phénomène.
La plateforme «E-Blagh»
De son côté, Marouane Hejjouji, commissaire divisionnaire et chef du Laboratoire d’analyse des traces numériques à la Brigade nationale de la Police judiciaire (BNPJ), est revenu, quant à lui, sur les efforts déployés par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) pour limiter et combattre les violences numériques. «La gestion des preuves numériques est essentielle dans notre coopération internationale contre ce type de crimes. La police judiciaire doit rester vigilante et proactive dans la gestion des preuves numériques et des enquêtes», a-t-il souligné. M. Hejjouji a tenu à rappeler également l’importance de recourir en cas de besoin à la nouvelle plateforme «E-Blagh» qui a été lancée récemment par la DGSN. À travers cette plateforme, explique-t-il, les Marocains peuvent désormais signaler 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 tout contenu illicite diffusé sur internet tels que l'escroquerie en ligne, l'exploitation sexuelle des enfants, la sextorsion, le terrorisme ou l'apologie du terrorisme, l'incitation à la discrimination, à la haine et à la violence, ou les menaces de commettre des crimes.