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Les footballeurs chômeurs, la face cachée de la Botola D1 et D2

La circulaire de la Ligue nationale de football professionnel (LNFP) datant de juillet dernier, interdisant aux clubs ayant des litiges tout recrutement de nouveaux joueurs avant d’assainir leur situation, a été fatale pour bon nombre de joueurs de la Botola D1 et D2. Cette mesure, qui avait pour objectif d’assainir les finances des clubs professionnels, a contribué en parallèle à créer des footballeurs chômeurs. Qui sont ces joueurs ? Pourquoi sont-ils passé de la lumière à l’ombre ? Qui est responsable de leur précarité ? Quels sont leurs recours auprès des juridictions de la FRMF ? «Le Matin» est allé à leur rencontre et révèle des pratiques scandaleuses qui vont à l’encontre des droits des footballeurs professionnels.

L'UMFP organise chaque année un stage au profit des joueurs sans contrat.
L'UMFP organise chaque année un stage au profit des joueurs sans contrat.
Dans l'esprit de beaucoup de gens, le footballeur professionnel gagne bien sa vie. C’est quelqu’un qui perçoit des primes de signature et de rendement, en plus de son salaire mensuel. Bref, c’est quelqu’un qui mène bien sa vie. C’est en partie vrai, mais il existe une autre réalité que peu de gens connaissent. Celle des footballeurs chômeurs. Ce sont des joueurs ayant paraphé des contrats professionnels avec bon nombre de clubs de l’élite. Jusque-là rien d’anormal.

>> Lire aussi : Botola : les litiges avoisinent les 300 millions de DH

Les problèmes ont commencé quand les clubs frappés de l’interdiction de recrutement ont été dans l’incapacité d’enregistrer leurs nouveaux joueurs. Du jour au lendemain, l’espoir de commencer une nouvelle saison avec de nouvelles ambitions s’est transformé en cauchemar. Des clubs comme le Chabab de Mohammedia, le Hassania d’Agadir, le Moghreb de Tétouan, l’Ittihad de Tanger, le Mouloudia d’Oujda... ont mis dans le pétrin plusieurs footballeurs en leur annonçant 24 ou 48 heures avant la fin du mercato d’été qu’ils devaient aller voir ailleurs. Une décision vécue par certains comme une énorme déception, par d’autres comme une trahison.

Mauvaise foi des clubs

Dans sa circulaire envoyée aux clubs en juillet dernier, la LNFP avait insisté sur le fait qu’elle ne prendrait aucune responsabilité quant aux conséquences des contrats signés avec des clubs interdits de recrutement, précisant qu’elle ne délivrerait aucune licence en dehors de la période du mercato d’été. Un avertissement qui n’a pas été entendu par les clubs. Ces derniers ont continué d’engager de nouveaux joueurs en recourant à une pratique illégale qui se résume simplement à priver le joueur de la copie de son contrat.
Tous les joueurs que «Le Matin» a consultés à ce sujet assurent qu’ils ne disposent pas d’un exemplaire de leur engagement avec le club. «À chaque fois que je réclame une copie de mon contrat, on me répond qu’il faut patienter le temps qu’il soit homologué auprès de la Ligue. Mais à ma grande surprise, on m’annonce d’aller voir ailleurs à 24 h de la fin du mercato. C’était un coup difficile à digérer. J’ai effectué toute la préparation estivale avec eux. Et à la fin, ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi. Ma saison est complètement gâchée. Certes, je peux m’engager avec un autre club en janvier prochain, mais qui voudra d’un joueur en manque de compétition ? Lors de ce mercato d’hiver, les clubs privilégient les joueurs compétitifs», confesse un joueur qui était sous contrat avec le Chabab de Mohammedia.
À la question de savoir quelle est la raison qui l’a poussé à accepter de laisser le contrat chez le club, un autre joueur souligne qu’il n’avait pas d’autre option. «Le club ne te laisse pas le choix, sinon tu t’en vas. C’est une forme de chantage. Une méthode bien huilée, parce que les joueurs de la Botola ne sont pas protégés. J’ai pris un grand risque en ne prenant pas mon contrat. Maintenant, je suis sur le carreau, comme bon nombre d’autres joueurs». Le même joueur dévoile même qu’il n’a pas reçu le moindre salaire pendant toute la période de préparation estivale. Certains joueurs nous ont confié disposer de copies de leurs contrats légalisés, mais assurent qu’ils ne savent pas si ces contrats ont une valeur auprès des instances juridictionnelles de la FRMF.

Aucun recours possible devant les instances juridictionnelles de la FRMF

Réagissant à cette pratique, l’Union marocain des footballeurs professionnels (UMFP) a soulevé la question avec la Ligue professionnelle jeudi dernier. Une autre réunion entre les deux parties devrait se tenir cette semaine. Une source au sein de l’UMFP assure que ces joueurs ne disposent d’aucune voie de recours pour faire valoir leur droit, puisqu’ils n’ont pas de contrat. «C’est inadmissible et contraire à la loi. Comment se fait-il que des clubs signent des contrats avec les joueurs et refusent, par la suite, de leur donner un exemplaire du contrat ? La loi en vigueur est claire sur ce point. Le joueur doit obligatoirement obtenir une copie de son engagement. Comment se fait-il que les clubs gardent les contrats et attendent jusqu’à la dernière minute de la fin du mercato pour leur signifier qu’ils ne sont pas qualifiés et donc d’aller voir ailleurs ?» C'est donc plusieurs joueurs qui sont privés de travail et qui tombent dans la précarité.

Des tests non encadrés

En plus de cette problématique des contrats, l’UMFP a mis le doigt sur une autre pratique qui bafoue les droits des footballeurs. Celle des tests qui peuvent parfois durer plusieurs semaines, sans aucune assurance ni indemnité et, au final, le joueur est prié de plier bagages. L’UMFP assure que les tests des joueurs sont encadrés par la FIFA : «Quand un joueur est mis à l’essai par un club, il remplit un formulaire d’essai qui émane de la FIFA, et ce formulaire est déposé dans le système TMS. Ce formulaire prévoit de contracter une assurance provisoire pour le joueur, ainsi que sa prise en charge (logement, restauration, soins médicaux...). On ne fait pas passer des tests aux joueurs pendant plusieurs semaines sans leur donner le strict minimum», indique notre interlocuteur.
Mieux encore, la durée de l’essai est fixée. Il ne doit pas dépasser un certain nombre de jours. La Ligue nationale de football professionnel a du pain sur la planche. Elle doit protéger les droits des joueurs et ne plus les laisser à la merci de certains clubs sans scrupule. Si les instances footballistiques au Maroc n’interviennent pas, le même problème risque de se reproduire à chaque nouvelle session de mercato et l’avenir de plusieurs joueurs serait en jeu.
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