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Youssef Boughanem, légende mondiale du muay-thaï, veut ouvrir une salle de sport au Maroc (entretien)

Légende vivante du muay-thaï, Youssef Boughanem a gravé son nom dans l’histoire des sports de combat avec ses 24 titres mondiaux. Ce Marocain d’exception incarne un parcours de résilience extraordinaire, de Bruxelles aux rings légendaires de Bangkok, où il s’est imposé comme l’un des rares étrangers à conquérir le cœur des Thaïlandais. À l’aube de sa transition vers le MMA, il se confie sur ses racines, ses sacrifices et sa quête perpétuelle de dépassement de soi. Entre ceintures mondiales et transmission du savoir, Youssef Boughanem nous dévoile les ressorts d’une carrière hors du commun et ses ambitions pour l’avenir des sports de combat marocains.

Youssef Boughanem.
Youssef Boughanem.
Le Matin : À quel moment avez-vous réellement pris conscience du fait que les sports de combat seraient toute votre vie ?

Youssef Boughanem : C’est au moment où j’ai fait mon premier combat amateur en Belgique, j’avais 14 ans. J’étais impatient de monter sur le ring, j’avais beaucoup d’envie de combattre. Ce moment entre le vestiaire et le ring, quand j’ai ressenti l’adrénaline, j’ai su que c’était pour moi. À ce moment-là, je me suis dit : «Ça, c’est pour moi, c’est mieux qu’un match de foot». Cette sensation, cette adrénaline, je savais que j’allais vivre pour ça.



Quelles valeurs de votre enfance vous portent encore aujourd’hui sur le ring ?

Les valeurs que ma mère m’a inculquées restent gravées en moi. Elle m’a appris à croire en moi, à relever toujours de nouveaux défis. Au début, elle était contre ma carrière dans les sports de combat, mais ses enseignements m’ont suivi sur le ring.

Vous avez combattu dans plusieurs grandes organisations. Que représente pour vous l’idée de porter le drapeau marocain sur des rings aussi prestigieux ?

En tant que Marocain, entendre mes parents parler de nos origines dès mon plus jeune âge m’a poussé à m’interroger sur mon identité et à explorer les racines de notre pays millénaire. Je conseille à tous les Marocains de se replonger dans l’histoire de nos ancêtres pour nourrir leur fierté. Porter le drapeau marocain sur des rings est un immense honneur et une responsabilité qui me motive à donner le meilleur de moi-même.

Vous avez combattu jusqu’à huit fois par mois à vos débuts. Comment ce rythme surhumain vous a-t-il marqué ?

Ce rythme était incroyablement difficile. À mes débuts, je manquais de tout : de repères, de maîtrise de la langue, de soutien. À l’époque, en 2007-2010, seuls les meilleurs survivaient en Thaïlande. Aujourd’hui, tout le monde peut y rester, mais avant, c’était réservé aux meilleurs. Les combattants étrangers devaient être exceptionnels pour s’imposer. J’ai combattu blessé, poussé par des patrons, dans un environnement impitoyable où les défaites n’étaient pas tolérées, il n’y avait pas de pitié pour ceux qui perdaient. Ce rythme m’a forgé, m’a appris la résilience et la persévérance.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour vous imposer en Thaïlande, et à quel moment avez-vous senti que les combattants locaux vous considéraient comme l’un des leurs ?

La principale difficulté était culturelle. J’ai toujours abordé la Thaïlande avec respect, en voulant apprendre des maîtres du muay-thaï. À l’époque, battre un Thaïlandais était presque impossible : les arbitres, le public, tout était contre les étrangers. Malgré cela, je n’ai jamais cherché à surpasser les Thaïlandais, mais à gagner mes combats, peu importe l’adversaire. Avec le temps, en montrant mon respect et ma détermination, les combattants locaux ont commencé à me considérer comme l’un des leurs.

Vous et votre frère Yassine cumulez de nombreux titres mondiaux. Comment décririez-vous cette relation fraternelle, entre complicité et rivalité sportive ?

Il n’y a pas de rivalité entre Yassine et moi. Je serais prêt à lui céder ma place à tout moment. Nous nous aimons profondément, et je l’ai soutenu dès notre enfance, même dans les moments difficiles. Même si nous devions un jour combattre dans la même catégorie, je le laisserais passer devant moi. Notre combat ensemble serait un cas exceptionnel, organisé dans des contextes particuliers, mais notre lien fraternel reste au-dessus de tout.

Vous êtes 24 fois champion du monde en muay-thaï, qu’est-ce qui vous motive à poursuivre en MMA ? Bientôt l’UFC ?

C’est l’amour du challenge. J’aime le sport, le risque et la sensation de découvrir quelque chose de nouveau avec le MMA. C’est une manière d’enrichir ma carrière de combattant et de repousser mes limites. Dire que je veux rejoindre l’UFC, c’est une grande prétention ! C’est un rêve, bien sûr, comme pour tout combattant. Si l’opportunité se présente de combattre dans une organisation prestigieuse comme l’UFC, je la saisirai. Mais pour l’instant, je suis très bien traité par mon organisation actuelle, Brave CF. C’est un honneur de travailler avec eux, et je veux continuer à évoluer à leurs côtés.

Votre fils de 14 ans, Yousri, combat déjà en amateur. Devons-nous nous attendre à voir naître une future légende du sport de combat marocain ?

Le chemin est très long et semé d’épreuves et de choses qu’on ignore. Après tout, c'est entre les mains de Dieu. Être combattant, c’est une excellente école pour la discipline et l’éducation, mais en faire sa vie, c’est une autre histoire. Je serai toujours là pour le soutenir et croire en lui, s’il souhaite être combattant, je l’encouragerai à combattre. J’aime beaucoup mon fils.

Après une carrière aussi riche, qu’est-ce qui vous motive encore à monter dans un ring ou une cage ?

C’est ma passion pour le combat. J’aime m’entraîner chaque jour, matin et soir, et relever des défis. Même en tant que champion, je me remets en question. Je veux toujours donner le meilleur de moi-même. C’est cette mentalité qui me pousse à continuer.

Quels sont vos objectifs à court et à long terme, en MMA et en muay-thaï ?

Mon objectif est d’aller le plus loin possible. Pour le moment, en MMA, je suis encore débutant, mais je veux continuer à progresser et devenir un combattant sérieux et respecté dans ma division. En muay-thaï, si un combat intéressant se présente, j’accepterai probablement. J’ai l’amour du combat en moi et j’aime beaucoup le sport.

Comment percevez-vous l’évolution du muay-thaï au Maroc, et quelles qualités distinguent selon vous les combattants marocains sur la scène internationale ?

Le muay-thaï est un sport qui attire beaucoup les Marocains. C’est un sport très dur qui correspond à leur mentalité de persévérance et de dureté. Les combattants marocains ont une détermination unique, une volonté de fer et une hargne qui les pousse à ne jamais abandonner. L’avenir des sports de combat marocains est très prometteur. Au Maroc, c’est simple : tout évolue, les combattants sont vraiment au top. Je veux que mon pays continue de briller sur la scène internationale.

Comment contribuez-vous actuellement à l’essor des sports de combat marocains ?

Actuellement, j’ai beaucoup de boxeurs marocains qui viennent dans mon camp en Thaïlande, au «Boughanem Gym». On les accueille pour les aider à grandir, peu importe leur objectif : devenir champion ou s’entraîner pour améliorer leur santé. Être un grand champion, ça prend du temps et ce n’est pas donné à tout le monde, mais je donne 100% quand je m’occupe de quelqu’un. Je suis quelqu’un qui est toujours dans le partage. J’aimerais contribuer davantage en ouvrant une salle au Maroc pour former la nouvelle génération. Je veux transmettre mon expérience, encadrer les jeunes avec une équipe qualifiée sous ma supervision. C’est ma manière de rendre à mon pays ce qu’il m’a donné.
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