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Abdellah «Walou» qui voulait devenir «Koulchi»

Le suicide peut-il inspirer un texte comique ? Nicolaï Erdman, maître incontesté de la satire soviétique des années 1920, l’a fait avec brio et Ghassan El Hakem, trublion du théâtre marocain, réadapte l’œuvre de manière originale. «Le suicidé», drame satirique d’une heure et demie, porte aujourd’hui le titre «Mtiyer Mokhou» et sera joué dans la petite scène du théâtre La Parallèle, pour une expérience intimiste, aiguisée et lucide.

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Dans le monde du théâtre, peu de pièces peuvent se targuer de traverser l’histoire sans prendre une ride ! «Le Suicidé» de Nicolaï Erdman, écrite à l’époque stalinienne dans les années 1920, en fait partie. Et pour cause : elle mêle l’audace à la profondeur pour dresser un tableau tragi-comique criant d’actualité. Pour la petite histoire, elle a été montée pour la première fois au Théâtre national de Moscou, où elle a été jouée devant le regard perçant de Staline. La pièce a suscité un éclat de rire chez le dictateur, juste avant de se voir censurée et reléguée dans l’obscurité. Ce n’est qu’en 1987, sous la direction d’un metteur en scène allemand, qu’elle a de nouveau vu le jour sur les planches.



«“Mtiyer Mokhou” est une expression qui, en darija, veut dire “suicidé”. Après avoir découvert cette œuvre marquante et l’avoir adaptée au contexte marocain, elle a été jouée avec succès à dix-sept reprises, il y a dix ans. Aujourd’hui, c’est une nouvelle adaptation que j’en fais avec la troupe de Jouk Attamtil Albidaoui. Elle ne prend plus place au Maroc, mais s’établit cette fois dans un pays imaginaire, offrant ainsi une perspective plus globale et universelle sur les thèmes intemporels qu’elle explore», explique le metteur en scène et dramaturge Ghassan El Hakem.

«Walou» veut mourir

Dans cette réadaptation loufoque, Ghassan El Hakem nous plonge dans un univers où la misère et l’absurdité se prennent la main, pour valser sur une ironie mordante, à travers le personnage de Abdellah Walou, chômeur pathétique vivant dans un bidonville. Réveillé en pleine nuit, Abdellah Walou demande à sa femme de lui ramener les restes d’un plat de saucisses, déclenchant une dispute qui finit par des menaces de suicide. Prenant connaissance de la menace, des voisins avides débarquent dans la cabane de «Walou» pour tenter, non pas de le dissuader de mourir, mais de le convaincre de dédier sa mort à leurs causes personnelles.

À travers cette tragi-comédie, Ghassan El Hakem examine les mécanismes de manipulation et l’opportunisme qui émergent face à la perspective de la mort. «Une fois, c’est dit, cela doit être fait, parce qu’on est au théâtre. Commence alors un ballet des opportunistes : des gens qui viennent le convaincre de leur dédier sa mort», explique Ghassan El Hakem. Dans ce défilé absurde, où chacun tente de tirer profit de la tragédie annoncée, Abdellah Walou (Rien) se retrouve piégé entre le désir de «devenir Koulchi (Tout)» et la fatalité de son destin.

Une adaptation particulière

Dans la petite scène du théâtre La Parallèle, le public peut s’attendre à une expérience riche en émotions et en réflexions. La pièce est une exploration profonde de la condition humaine à travers les péripéties hilarantes d’un personnage dont le désir de vivre augmente à mesure qu’il prépare son suicide. Le jeu des acteurs, juste et percutant, donne vie à une série de scènes comiques et de moments criants de vérité, le tout ponctué de métaphores puissantes et de punchlines jouissives. Les personnages, surtout féminins, ont la langue bien pendue et fort «impudique» !

Cette réadaptation, savamment orchestrée par Ghassan El Hakem, prend vie grâce aux comédiens de Kabaret Chikhate. Malgré des personnages féminins aussi nombreux que flamboyants, Ghassan El Hakem a pris la décision de maintenir la tradition shakespearienne de faire jouer la pièce uniquement par des hommes, pour exprimer le désir de revisiter les normes théâtrales, tout en posant un œil critique sur les dynamiques sociétales. «C’est aussi une manière de pointer la difficulté que peuvent rencontrer les femmes comédiennes dans un milieu artistique, miné par les préjugés et par le harcèlement», explique Ghassan El Hakem qui prépare l’avant-première d’une pièce pour le moins audacieuse.
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