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Festival Gnaoua : Essaouira entre en transe pour la 26e édition

Dès ce soir, la Cité des alizés vibre à nouveau au rythme des guembris, des voix et des tambours. Le Festival Gnaoua et Musiques du monde lance sa 26e édition avec une parade festive et des rencontres musicales inattendues. Le grand mâalem Hamid El Kasri ouvre cette année les festivités. Trois jours d’effervescence culturelle et de créations croisées pour célébrer la richesse du patrimoine gnaoua et son dialogue permanent avec les sons du monde.

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À partir d’aujourd’hui, la Cité des alizés entre une fois de plus en transe. Le Festival Gnaoua et Musiques du monde, rendez-vous incontournable des musiques métissées, ouvre ce soir sa 26e édition avec une programmation d’une audace renouvelée, fidèle à son esprit de partage, de transmission et de dialogue culturel.



Dès 18 h, les rues d’Essaouira s’enflammeront lors de la parade d’ouverture. Guidé par les Mâalems Gnaoua, ce cortège haut en couleur marquera le lancement officiel du festival. Entre rythmes effrénés, costumes traditionnels et ambiance fraternelle, cette procession symbolise toute la chaleur d’un événement qui rassemble chaque année plus de 400.000 festivaliers venus du monde entier.

À 20 h 30 sur la scène Moulay El Hassan, la soirée inaugurale donnera le ton d’un festival placé sous le signe de la fusion musicale. Et c’est une surprise de taille : Mâalem Hamid El Kasri, habituellement chargé de faire vibrer la clôture, inaugure cette fois l’édition 2025. Maître incontesté du Guembri, il ouvrira les festivités aux côtés de la compagnie Bakalama du Sénégal, des voix de Abir El Abed et de Kya Loum. Un croisement puissant entre tradition gnaoua, percussions ouest-africaines et influences soul, qui promet un moment d’extase collective.

Des rencontres artistiques uniques

Cette édition s’annonce particulièrement riche en résidences et en rencontres inédites. L’une des plus attendues réunira Mâalem Houssam Gania, héritier d’une dynastie gnaouie, avec le batteur de jazz new-yorkais Marcus Gilmore. Une fusion transatlantique où le groove du Guembri entre en dialogue avec l’abstraction rythmique du jazz contemporain.

Le Festival vibrera également au souffle mystique du Oud de Dhafer Youssef et à la profondeur spirituelle du jeu de Mâalem Morad El Marjan, pour une exploration sonore entre soufisme et traditions gnaouies. Quant à la rencontre entre la Malienne Rokia Koné et la Marocaine Asmaa Hamzaoui, pionnière du Gnaoua au féminin, elle promet une fusion sororale entre Bamako et Marrakech, où la transe devient un espace de liberté.

À cela s’ajoutent des créations inédites comme celle de Mâalem Mohamed Boumezzough, en compagnie de musiciens venus du Maroc, du Mali et de France. Outar et guitare d’Anas Chlih, balafon d’Aly Keïta, batterie percutante de Tao Ehrlich, saxophone de Martin Guerpin, trompette de Quentin Ghomari, Guembri de Mohamed Boumezzough et voix solaire de Hajar Alaoui s’uniront dans une performance instinctive et transversale.

Une programmation à la croisée des mondes

Autre moment fort : la collaboration explosive entre Mâalem Khalid Sansi et Cimafunk, étoile montante de la scène afro-cubaine. Entre funk, hip-hop et rythmes gnaoua, cette rencontre électrisera les festivaliers jusqu’au bout de la nuit.

Et pour les amateurs de traditions dans leur forme la plus authentique, le festival propose des concerts intimistes dans des lieux patrimoniaux comme Dar Souiri, Bayt Dakira ou les zaouïas d’Essaouira. Là, loin de l’agitation des grandes scènes, les Mâalems se produisent dans un cadre propice à la contemplation et à la transe acoustique.

Un patrimoine vivant en perpétuelle mutation

Inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco, l’art gnaoua trouve à Essaouira un écrin unique où il ne cesse de se réinventer. Depuis 1998, le festival est devenu un catalyseur culturel pour toute une région et un modèle de rayonnement artistique pour le continent.

Avec cette 26e édition, Gnaoua 2025 confirme son rôle de plateforme vivante de création, de réflexion et de célébration. Trois jours de festivités, de rencontres interculturelles et de pulsations planétaires attendent la ville. Une invitation à faire l’expérience du monde autrement, au rythme du Guembri.

Questions à Abdeslam Alikane, directeur artistique du Festival Gnaoua et Musiques du monde

Le public est toujours avide de nouveautés. Pourriez-vous nous donner un aperçu des temps forts musicaux ou des collaborations inédites qui marqueront cette année et que les festivaliers ne devront pas manquer ?

Festival Gnaoua : Essaouira entre en transe pour la 26e édition



Depuis la création du festival, chaque édition est un laboratoire d’expérimentation artistique. Cette année encore, des rencontres uniques verront le jour, comme celles entre mâalem Mohamed Boumezzough et des artistes venus du Maroc, du Mali et de France. Ces fusions s’inscrivent dans la continuité de notre démarche, qui consiste à ouvrir la tagnaouite à d'autres formes musicales, tout en respectant son âme profonde. Les mâalem d’aujourd’hui sont en mesure d’échanger musicalement avec des artistes venus d’univers très variés, car ils maîtrisent non seulement les codes de leur tradition, mais aussi les gammes et rythmes des musiques du monde. Ce dialogue artistique, il y a quelques décennies encore, était impensable.

En tant que président de l'association Yerma Gnaoua, vous avez mené un grand travail avec l'anthologie. Comment cet héritage de recherche et de documentation nourrit-il la programmation actuelle, et y a-t-il des initiatives liées à la préservation ou à la diffusion de ce savoir pour la 26ᵉ édition ?

Le travail réalisé autour de l’anthologie a jeté les bases d’un projet plus large de transmission et de valorisation du patrimoine gnaoui. Cette mémoire sonore nourrit la programmation du festival dans sa profondeur : elle nous rappelle l’importance de rester fidèles aux rythmes gnaoui, tout en accompagnant son évolution naturelle. À ce titre, nous avons établi un partenariat avec le Berklee College of Music, l’une des plus grandes institutions musicales au monde. Ce projet permet de former de jeunes musiciens marocains et de leur offrir un espace de dialogue entre la tradition et les approches musicales contemporaines. Il s’agit d’un prolongement concret de notre travail de préservation, dans une perspective résolument tournée vers l’avenir.

Le festival a favorisé l'éclosion d'une nouvelle génération de talents, y compris des femmes mâalmates. Comment le programme de cette 26ᵉ édition continue-t-il à soutenir et à mettre en lumière cette nouvelle garde pour assurer l'avenir de la musique Gnaoua ?

Effectivement, nous constatons l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes passionnés, hommes et femmes, qui s’approprient la tagnaouite avec sincérité et respect. Mais il ne suffit pas de jouer du guembri pour devenir mâalem : cela implique de vivre l’expérience gnaouie de l’intérieur, aux côtés des anciens, en s’imprégnant des rituels et de la philosophie qui les accompagnent. Des artistes comme Asmaâ Hamzaoui incarnent cette relève : elle a grandi dans cet univers, elle en connaît les codes. Le Festival lui offre une scène, mais aussi une reconnaissance, tout comme à d’autres jeunes qui suivent des parcours similaires. Il est essentiel de les accompagner, de leur offrir des espaces d’expression, tout en garantissant une transmission fidèle de la tradition.

Plusieurs artistes internationaux fouleront la scène d'Essaouira cette année pour des fusions. Qu'attendez-vous de ces rencontres artistiques ?

Chaque année, nous accueillons des artistes venus des quatre coins du monde, dans une logique de dialogue et d’échange. Ces rencontres ne sont pas improvisées : elles reposent sur une volonté partagée d’explorer ensemble, de faire dialoguer les rythmes et les cultures. Certains artistes ne sont pas issus de l’univers gnaoui, mais s’en inspirent avec respect. Ce que nous attendons de ces fusions, c’est une forme de réinvention de la tagnaouite, où chaque mâalem reste ancré dans sa tradition tout en osant de nouveaux chemins musicaux. Nous sommes attentifs à ce que ces rencontres conservent l’âme gnaouie.

Le retour du programme «Berklee at Gnaoua and World Music Festival» pour sa deuxième édition est une excellente nouvelle. Pourriez-vous nous expliquer comment ce partenariat s’inscrit plus profondément dans la vision du festival visant à ancrer l’apprentissage et la transmission de la musique Gnaoua ?

Certaines spécificités de la tagnaouite échappent aux cadres classiques de la théorie musicale. C’est pourquoi nous collaborons avec des institutions prestigieuses comme Berklee, afin de créer un langage commun qui respecte les fondements spirituels et rituels de cette musique. Nous souhaitons ainsi éviter toute dérive ou approximation, tout en offrant aux artistes les clés pour explorer la naghma gnaouia dans toute sa richesse, à l’intersection de la percussion, de la vibration et de la note. C’est en alliant tradition et innovation que nous préservons l’authenticité de cet art, tout en le faisant évoluer.

Vous êtes un grand messager de l'art gnaoua au niveau international. Quel message universel souhaitez-vous que cette 26ᵉ édition du Festival envoie au monde ?

Le message que nous portons est celui de l’ouverture, du respect et de la transmission. La tagnaouite est une musique qui guérit, qui relie les êtres entre eux. En invitant le monde à Essaouira, nous affirmons que nos traditions ne sont pas figées, qu’elles ont la capacité de dialoguer, de s’enrichir, tout en restant fidèles à elles-mêmes. Cette 26ᵉ édition, c’est aussi un hommage à ceux qui ont transmis, à ceux qui innovent, et à ceux qui rêvent. Nous espérons que ce souffle inspirera au-delà des frontières.

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