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FIFM 2023 : lecture des films marocains distingués

Le critique de cinéma Abdelkrim Ouakrim analyse «La mère de tous les mensonges» de Asmae El Moudir qui a décroché l'Étoile d'or au 20e FIFM et «Les meutes» de Kamal Lazraq qui a reçu le Prix du jury ex-aequo avec «Bye Bye Tibériade» de Lina Soualem (Palestine).

On n’est pas prêt d’oublier le 20e Festival international du film de Marrakech (FIFM) organisé du 24 novembre au 2 décembre. Deux réalisateurs marocains se sont distingués lors de cette édition anniversaire. Asmae El Moudir marque l’histoire du FIFM en décrochant la fameuse Étoile d’or pour son documentaire «La mère de tous les mensonges», alors que Kamal Lazraq a reçu le Prix du jury pour son film «Les Meutes». Cette distinction lui a été attribuée ex-aequo avec «Bye Bye Tibériade» de Lina Soualem (Palestine).



Avant de se distinguer à Marrakech, «La mère de tous les mensonges» a brillé au Festival de Cannes et a monté les marches de grands événements internationaux. Ce film enchaîne les critiques positives. Selon le critique de cinéma marocain Abdelkrim Ouakrim, «The mother of all lies» est parmi les rares films qui ont abordé les années de plomb au Maroc avec audace et sans autocensure : «Ceci est peut-être dû à la relation personnelle de la réalisatrice avec le sujet. Faire partie d’un entourage qui a vécu cette expérience lui a permis d’être sincère dans son traitement d’un sujet sensible au Maroc. Le fait qu’elle n’a pas obtenu une aide financière publique pour réaliser son film a également appuyé cette sincérité».
Asmae El Moudir a pris 10 ans pour bien faire mûrir ce film et réunir l’archive nécessaire à sa production. Elle a réfléchi à tous les détails, notamment le décor. C’est ainsi qu’elle a créé son laboratoire où elle a amené tous ses personnages. El Moudir a choisi d’utiliser des figurines, pour éviter à ses vrais personnages de se déplacer et de raconter leur passé dans des endroits publics. Ces figurines, notamment celle de sa grand-mère, qui a une place centrale dans le récit, la suivent partout, honorant ainsi la mémoire de personnes qui portent en elles l’histoire du Maroc.

«L'originalité de ce film consiste dans le fait que la réalisatrice a adopté son propre style, distinct et intelligent, pour transmettre sa vision d'un thème très sensible, plaçant ses personnages comme une incarnation de ce qui s'est passé il y a longtemps au Maroc et l'étendue de ses conséquences sur le Maroc d'aujourd'hui. Je classe ce long métrage dans la catégorie des films politiques, parce qu'il comprend une vision politique claire enveloppée dans une forme artistique. El Moudir commente cinématographiquement la gravité de ce qui s'est passé au début des années 1980 et met en garde contre une répétition de cette situation», explique Ouakrim.
Pour lui, l’aspect politique de «La mère de tous les mensonges» réside également dans la vision artistique de la réalisatrice concernant le personnage de la grand-mère représentant le passé douloureux, qui se poursuit dans le présent sous plusieurs formes. «La relation entre Asmae El Moudir et sa grand-mère nous a poussé à détester son idéologie sans haïr la personne. Par ailleurs, les chansons de Nass El Ghiwane ont été utilisées intelligemment, car elles expriment la période racontée dans le film et représentent l'identité et les goûts des personnages», affirme Abdelkrim Ouakrim.



S’agissant du film «Les meutes» de Kamal Lazraq, le critique de cinéma affirme que ce long métrage retient l’attention du spectateur du début jusqu’à la fin. «Le choix du réalisateur Kamal Lazraq de ses acteurs principaux, pour la plupart amateurs et non professionnels, avec des traits distinctifs qui expriment la composition des personnages, a été réussi, en particulier les deux acteurs principaux qui interprètent les rôles du père et du fils».
Salué à plusieurs reprises, notamment au Festival de Cannes, ce premier film de Kamal Lazraq témoigne d’un cinéma marocain en plein renouveau. Il raconte la vie dans les faubourgs populaires de Casablanca où Hassan et Issam, père et fils, tentent de survivre au jour le jour, enchaînant les petits trafics pour la pègre locale.
Il convient de noter que «La mère de tous les mensonges», «Les meutes» et «Bye Bye Tibériade» sont issus des «Ateliers de l’Atlas», le programme industrie du Festival qui a été créé en 2018. En 2019, Asmae El Moudir a reçu le Prix Atlas au développement (5.000 euros) puis en 2021, le Prix Atlas à la post-production (20.000 euros). En 2019, Kamal Lazraq avait quant à lui gagné le Prix Arte Kino doté de 6.000 euros. Lina Soualem avait participé à l’édition 2022 des ateliers. La plateforme confirme ainsi davantage son rôle d’incubateur de nouveaux talents du monde arabe et de l’Afrique.

Le palmarès de la 20e édition

• Étoile d’or : «La mère de tous les mensonges» d'Asmaa El Moudir (Maroc).

• Prix du jury : «Les meutes» de Kamal Lazraq (Maroc).

• Prix du jury ex æquo : «Bye bye Tibériade» de Lina Soualem (Palestine).

• Prix de la meilleure réalisation : «Banel et Adama» de Ramata-Toulaye Sy (Sénégal).

• Prix d’interprétation féminine : Asja Zara Lagumdzija pour son rôle dans «Excursion» d'Una Gunjak (Bosnie-Herzégovine).

• Prix d’interprétation masculine : Doga Karakas pour son rôle dans «Dormitory» de Nehir Tuna (Turquie).

«Banel & Adama», un récit palpitant du fond de l'Afrique

«Banel & Adama», premier long métrage de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, est un projet ambitieux. Il séduit surtout par son palpitant récit d’émancipation féminine. Banel et Adama s’aiment. Ils vivent dans un village éloigné au nord du Sénégal. Leur amour va se heurter aux conventions de la communauté. Ce film universel parle aux Africains, mais pas seulement. Dans «Banel & Adama», Ramata-Toulaye Sy a choisi de travailler avec des acteurs non professionnels. La réalisatrice et Amine Berrada, le chef-opérateur du film, ont opté dans la première partie pour une lumière chaude, presque onirique. Puis peu à peu la décoloration de l’image représentait l’écrasement des êtres sous le poids des conventions. Même constat pour le son. Dans la deuxième partie du film, tout est silencieux.

«Bye Bye Tibériade», un film sur l'identité

Le documentaire «Bye Bye Tibériade» réalisé par Lina Soualem emporte la grande artiste palestinienne Hiam Abbass dans un voyage dans le temps et dans l’espace vers ses souvenirs avant l’exil. Hiam Abbas a quitté dans les années 1980 son village galiléen de Deir Hanna, proche du lac de Tibériade, pour faire carrière au cinéma. Elle a quitté sa mère, sa grand-mère et ses sept sœurs pour aller à Londres, puis à Paris. Des années plus tard, sa fille Lina ravive ses souvenirs et ouvre les douleurs du passé pour une quête de ses racines. «Bye Bye Tibériade» montre la Palestine comme s’en souvient Lina et Hiam. Ce documentaire est un retour sur les souvenirs et les relations entre quatre générations de femmes palestiniennes. C’est un film sur l’identité.
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