Le Matin : Le thème de cette 54e édition du Festival national des arts populaires (FNAP), «Patrimoines immatériels en mouvement», évoque à la fois l’héritage et l’évolution. Quelle vision portez-vous à travers cette thématique, et que souhaitez-vous transmettre au public ?
Mohamed Knidiri : Le thème «Patrimoines immatériels en mouvement» traduit une conviction profonde : nos traditions ne sont pas figées, elles vivent, se transforment et dialoguent avec leur époque. À travers cette édition, nous affirmons que les arts populaires ne sont pas de simples vestiges à contempler, mais des expressions en constante évolution, nourries par la créativité des porteurs de culture. Ce que nous souhaitons transmettre au public, c’est cette dynamique : un patrimoine qui respire, inspire et s’invente au présent, tout en restant fidèle à son essence.
Vous qualifiez le FNAP de «lieu sacré de mémoire vivante». En quoi cette édition vient-elle renouveler ou renforcer cette mission de transmission culturelle ?
Le FNAP est, en effet, un lieu sacré de mémoire vivante, non pas au sens d’un sanctuaire figé, mais comme un espace vibrant où l’âme des traditions continue de résonner. Cette 54e édition vient renforcer cette vocation en insufflant une dimension nouvelle à la transmission : elle allie rigueur patrimoniale et audace scénographique. L’innovation y est présente pour en révéler les contours à travers des formats renouvelés, des scènes ouvertes, une mise en lumière contemporaine des rites, des gestes et des voix. En réunissant des maîtres d’art et des jeunes porteurs de savoir-faire, nous prolongeons le fil d’une mémoire en perpétuelle activation, capable de traverser le temps sans se diluer.
Cette édition coïncide avec les 40 ans de l’Association Le Grand Atlas. Quel bilan tirez-vous de ce parcours, et quels sont vos projets pour les prochaines années ?
Quarante années d’engagement au service de la culture, c’est avant tout un parcours façonné par la fidélité aux valeurs fondatrices : transmission, enracinement et rayonnement. L’Association Le Grand Atlas a su, au fil du temps, inscrire son action dans une vision durable, en accompagnant les grandes mutations sans jamais perdre de vue l’essentiel : faire vivre l’âme marocaine à travers ses expressions les plus authentiques.
Pour les prochaines années, notre cap est clair : renforcer la préservation du patrimoine, soutenir les formes vivantes de la culture populaire et encourager l’émergence d’une véritable relève. Il s’agit d’ancrer les jeunes générations dans l’héritage commun tout en stimulant leur créativité, afin que l’esprit de continuité culturelle ne soit jamais une charge, mais un élan.
Le FNAP se déploie sur plusieurs espaces de la ville. Comment avez-vous conçu cette répartition pour rapprocher les spectacles des habitants et créer une dynamique urbaine autour du Festival ?
La répartition des spectacles sur plusieurs espaces de la ville répond à une volonté claire : faire du FNAP un événement profondément ancré dans le tissu urbain. En investissant des lieux ouverts et accessibles, nous cherchons à rapprocher les arts populaires des habitants, à faire entrer la culture dans le quotidien, sans barrières ni distances symboliques. Chaque espace devient ainsi un point de rencontre, un carrefour d’émotions, avec une programmation pensée dans un esprit de diversité : il n’y a pas de répétitions, mais chaque soir une nouvelle proposition artistique, portée par des troupes différentes. Ce choix permet de créer une véritable cartographie festive de la ville, où les traditions s’expriment librement, à ciel ouvert. Marrakech tout entière devient un écrin vivant de mémoire et de mouvement.
La Chine est l’invitée d’honneur de cette édition, et des troupes du Sénégal et de Côte d’Ivoire seront, également, présentes. Quels échanges artistiques ou enrichissements mutuels attendez-vous de cette rencontre entre traditions marocaines, africaines et asiatiques ?
Accueillir la Chine comme invitée d’honneur, aux côtés du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, souligne l’ouverture d’un espace d’échange entre des patrimoines ancrés, aux langages différents, mais aux aspirations communes. Ce dialogue entre traditions marocaines, africaines et asiatiques n’a pas pour but de juxtaposer des formes, mais de permettre une véritable résonance culturelle.
Nous attendons de cette rencontre un enrichissement mutuel, où les gestes, les rythmes et les symboles se croisent pour révéler ce que les héritages ont de vivant, d’universel et de singulier à la fois. C’est dans l’écoute de l’autre, dans le respect des origines et dans la curiosité partagée que naissent les plus belles formes d’inspiration. Cette nouvelle édition du FNAP ne sera pas un simple spectacle de diversité, mais un moment de connexion profonde entre les peuples par l’art.
Le Palais El Badiî est présenté comme un personnage à part entière du Festival. Quel rôle symbolique et sensoriel joue ce lieu dans l’expérience offerte au public ?
Le Palais El Badiî est une mémoire de pierre, un souffle d’histoire, un témoin silencieux qui donne à chaque représentation une dimension presque sacrée. Lorsqu’une troupe s’élève sur sa scène, c’est tout un pan de notre héritage qui s’anime entre ses murailles, dans un dialogue puissant entre le passé et le présent. Ce lieu agit comme un amplificateur sensoriel. Son architecture, ses volumes, la texture de ses murs et l’écho de ses silences enveloppent le public d’une émotion unique, presque intemporelle. Il incarne la grandeur du Maroc culturel et donne aux arts populaires un écrin digne de leur profondeur. Le Palais El Badiî ne regarde pas les spectacles : il les habite, il les transforme, il les transcende. C’est un cœur battant du FNAP, une âme architecturale qui magnifie l’expérience collective.
Un hommage sera rendu à l’artiste Saïda Charaf. Pourquoi ce choix, et que représente-t-elle dans l’univers des arts populaires marocains ?
Rendre hommage à Saïda Charaf lors de cette édition du FNAP, à travers une soirée spéciale intitulée «La Nuit des Stars», est un choix profondément symbolique. Elle incarne une voix qui a su traverser les régions, les styles et les générations, tout en restant fidèle à l’âme du patrimoine oral marocain. Originaire du sud du Royaume, elle a su élever les sonorités sahraouies au rang d’un art reconnu et respecté, leur donnant une place dans le cœur du grand public tout en conservant leur richesse authentique.
Saïda Charaf est une artiste, une conservatrice de mémoire, une femme engagée. Son parcours reflète une forme de modernité enracinée, capable de faire dialoguer les héritages régionaux avec les attentes contemporaines, sans jamais trahir l’essence du chant populaire marocain. À travers «La Nuit des Stars», nous célébrons une vision : celle d’un art populaire vivant, habité par des femmes et des hommes qui savent allier transmission et réinvention. Cet hommage est une reconnaissance, mais aussi un message fort sur la place des voix féminines dans le récit culturel du Maroc.
Avec l’évolution des goûts musicaux, comment le FNAP peut-il continuer à séduire les jeunes générations sans dénaturer l’authenticité des formes artistiques traditionnelles ?
Séduire les jeunes générations sans trahir l’essence des arts traditionnels, c’est l’un des grands défis du FNAP – mais aussi l’une de ses plus belles opportunités. Il ne s’agit pas de transformer les formes pour les rendre «tendance», mais de révéler leur force, leur beauté, leur actualité.
Nous croyons que l’authenticité touche profondément lorsque la médiation est juste. C’est pourquoi nous travaillons à renouveler les formats de présentation : collaborations entre artistes traditionnels et créateurs contemporains, intégration du numérique pour enrichir l’expérience scénique, ou encore capsules audiovisuelles pensées pour les réseaux sociaux.
L’idée n’est pas d’adapter le patrimoine aux goûts du moment, mais d’éveiller la curiosité, de créer des passerelles sensibles qui permettent aux jeunes de s’approprier ce qui leur appartient déjà. Car il ne manque pas d’intérêt chez les nouvelles générations, il faut simplement parler leur langage sans faire taire le nôtre.
Envisagez-vous d’intégrer davantage le numérique – diffusion en ligne, archives audiovisuelles, plateformes interactives – pour élargir l’audience du FNAP et préserver la mémoire de ses performances ?
Nous croyons fermement que le patrimoine, en particulier celui des arts populaires, se vit dans la présence. Il se ressent dans l’intonation d’une voix, dans la vibration d’un tambour, dans la poussière d’une place animée ou le silence respectueux d’un palais chargé d’histoire. Rien ne remplace cette intensité sensorielle, ce lien humain et émotionnel que seule la scène vivante peut offrir.
Cela dit, intégrer le numérique fait partie de notre vision, non pour remplacer l’expérience physique, mais pour en amplifier la portée. La diffusion en ligne, les archives audiovisuelles et les plateformes interactives ne sont pas des substituts, mais des invitations. Elles permettent de toucher ceux qui ne connaissent pas encore le FNAP, de susciter l’intérêt, d’éveiller la curiosité, et d’inciter à franchir le pas : venir, voir, ressentir.
Notre ambition est d’élargir l’audience, non en la dispersant, mais en l’attirant vers le cœur battant du Festival. Le numérique devient alors un trait d’union, une mémoire vivante qui circule. Mais notre objectif demeure inchangé : faire de Marrakech un point de convergence, un lieu où l’on vient chercher une émotion vraie, enracinée, inoubliable.
Mohamed Knidiri : Le thème «Patrimoines immatériels en mouvement» traduit une conviction profonde : nos traditions ne sont pas figées, elles vivent, se transforment et dialoguent avec leur époque. À travers cette édition, nous affirmons que les arts populaires ne sont pas de simples vestiges à contempler, mais des expressions en constante évolution, nourries par la créativité des porteurs de culture. Ce que nous souhaitons transmettre au public, c’est cette dynamique : un patrimoine qui respire, inspire et s’invente au présent, tout en restant fidèle à son essence.
Vous qualifiez le FNAP de «lieu sacré de mémoire vivante». En quoi cette édition vient-elle renouveler ou renforcer cette mission de transmission culturelle ?
Le FNAP est, en effet, un lieu sacré de mémoire vivante, non pas au sens d’un sanctuaire figé, mais comme un espace vibrant où l’âme des traditions continue de résonner. Cette 54e édition vient renforcer cette vocation en insufflant une dimension nouvelle à la transmission : elle allie rigueur patrimoniale et audace scénographique. L’innovation y est présente pour en révéler les contours à travers des formats renouvelés, des scènes ouvertes, une mise en lumière contemporaine des rites, des gestes et des voix. En réunissant des maîtres d’art et des jeunes porteurs de savoir-faire, nous prolongeons le fil d’une mémoire en perpétuelle activation, capable de traverser le temps sans se diluer.
Cette édition coïncide avec les 40 ans de l’Association Le Grand Atlas. Quel bilan tirez-vous de ce parcours, et quels sont vos projets pour les prochaines années ?
Quarante années d’engagement au service de la culture, c’est avant tout un parcours façonné par la fidélité aux valeurs fondatrices : transmission, enracinement et rayonnement. L’Association Le Grand Atlas a su, au fil du temps, inscrire son action dans une vision durable, en accompagnant les grandes mutations sans jamais perdre de vue l’essentiel : faire vivre l’âme marocaine à travers ses expressions les plus authentiques.
Pour les prochaines années, notre cap est clair : renforcer la préservation du patrimoine, soutenir les formes vivantes de la culture populaire et encourager l’émergence d’une véritable relève. Il s’agit d’ancrer les jeunes générations dans l’héritage commun tout en stimulant leur créativité, afin que l’esprit de continuité culturelle ne soit jamais une charge, mais un élan.
Le FNAP se déploie sur plusieurs espaces de la ville. Comment avez-vous conçu cette répartition pour rapprocher les spectacles des habitants et créer une dynamique urbaine autour du Festival ?
La répartition des spectacles sur plusieurs espaces de la ville répond à une volonté claire : faire du FNAP un événement profondément ancré dans le tissu urbain. En investissant des lieux ouverts et accessibles, nous cherchons à rapprocher les arts populaires des habitants, à faire entrer la culture dans le quotidien, sans barrières ni distances symboliques. Chaque espace devient ainsi un point de rencontre, un carrefour d’émotions, avec une programmation pensée dans un esprit de diversité : il n’y a pas de répétitions, mais chaque soir une nouvelle proposition artistique, portée par des troupes différentes. Ce choix permet de créer une véritable cartographie festive de la ville, où les traditions s’expriment librement, à ciel ouvert. Marrakech tout entière devient un écrin vivant de mémoire et de mouvement.
La Chine est l’invitée d’honneur de cette édition, et des troupes du Sénégal et de Côte d’Ivoire seront, également, présentes. Quels échanges artistiques ou enrichissements mutuels attendez-vous de cette rencontre entre traditions marocaines, africaines et asiatiques ?
Accueillir la Chine comme invitée d’honneur, aux côtés du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, souligne l’ouverture d’un espace d’échange entre des patrimoines ancrés, aux langages différents, mais aux aspirations communes. Ce dialogue entre traditions marocaines, africaines et asiatiques n’a pas pour but de juxtaposer des formes, mais de permettre une véritable résonance culturelle.
Nous attendons de cette rencontre un enrichissement mutuel, où les gestes, les rythmes et les symboles se croisent pour révéler ce que les héritages ont de vivant, d’universel et de singulier à la fois. C’est dans l’écoute de l’autre, dans le respect des origines et dans la curiosité partagée que naissent les plus belles formes d’inspiration. Cette nouvelle édition du FNAP ne sera pas un simple spectacle de diversité, mais un moment de connexion profonde entre les peuples par l’art.
Le Palais El Badiî est présenté comme un personnage à part entière du Festival. Quel rôle symbolique et sensoriel joue ce lieu dans l’expérience offerte au public ?
Le Palais El Badiî est une mémoire de pierre, un souffle d’histoire, un témoin silencieux qui donne à chaque représentation une dimension presque sacrée. Lorsqu’une troupe s’élève sur sa scène, c’est tout un pan de notre héritage qui s’anime entre ses murailles, dans un dialogue puissant entre le passé et le présent. Ce lieu agit comme un amplificateur sensoriel. Son architecture, ses volumes, la texture de ses murs et l’écho de ses silences enveloppent le public d’une émotion unique, presque intemporelle. Il incarne la grandeur du Maroc culturel et donne aux arts populaires un écrin digne de leur profondeur. Le Palais El Badiî ne regarde pas les spectacles : il les habite, il les transforme, il les transcende. C’est un cœur battant du FNAP, une âme architecturale qui magnifie l’expérience collective.
Un hommage sera rendu à l’artiste Saïda Charaf. Pourquoi ce choix, et que représente-t-elle dans l’univers des arts populaires marocains ?
Rendre hommage à Saïda Charaf lors de cette édition du FNAP, à travers une soirée spéciale intitulée «La Nuit des Stars», est un choix profondément symbolique. Elle incarne une voix qui a su traverser les régions, les styles et les générations, tout en restant fidèle à l’âme du patrimoine oral marocain. Originaire du sud du Royaume, elle a su élever les sonorités sahraouies au rang d’un art reconnu et respecté, leur donnant une place dans le cœur du grand public tout en conservant leur richesse authentique.
Saïda Charaf est une artiste, une conservatrice de mémoire, une femme engagée. Son parcours reflète une forme de modernité enracinée, capable de faire dialoguer les héritages régionaux avec les attentes contemporaines, sans jamais trahir l’essence du chant populaire marocain. À travers «La Nuit des Stars», nous célébrons une vision : celle d’un art populaire vivant, habité par des femmes et des hommes qui savent allier transmission et réinvention. Cet hommage est une reconnaissance, mais aussi un message fort sur la place des voix féminines dans le récit culturel du Maroc.
Avec l’évolution des goûts musicaux, comment le FNAP peut-il continuer à séduire les jeunes générations sans dénaturer l’authenticité des formes artistiques traditionnelles ?
Séduire les jeunes générations sans trahir l’essence des arts traditionnels, c’est l’un des grands défis du FNAP – mais aussi l’une de ses plus belles opportunités. Il ne s’agit pas de transformer les formes pour les rendre «tendance», mais de révéler leur force, leur beauté, leur actualité.
Nous croyons que l’authenticité touche profondément lorsque la médiation est juste. C’est pourquoi nous travaillons à renouveler les formats de présentation : collaborations entre artistes traditionnels et créateurs contemporains, intégration du numérique pour enrichir l’expérience scénique, ou encore capsules audiovisuelles pensées pour les réseaux sociaux.
L’idée n’est pas d’adapter le patrimoine aux goûts du moment, mais d’éveiller la curiosité, de créer des passerelles sensibles qui permettent aux jeunes de s’approprier ce qui leur appartient déjà. Car il ne manque pas d’intérêt chez les nouvelles générations, il faut simplement parler leur langage sans faire taire le nôtre.
Envisagez-vous d’intégrer davantage le numérique – diffusion en ligne, archives audiovisuelles, plateformes interactives – pour élargir l’audience du FNAP et préserver la mémoire de ses performances ?
Nous croyons fermement que le patrimoine, en particulier celui des arts populaires, se vit dans la présence. Il se ressent dans l’intonation d’une voix, dans la vibration d’un tambour, dans la poussière d’une place animée ou le silence respectueux d’un palais chargé d’histoire. Rien ne remplace cette intensité sensorielle, ce lien humain et émotionnel que seule la scène vivante peut offrir.
Cela dit, intégrer le numérique fait partie de notre vision, non pour remplacer l’expérience physique, mais pour en amplifier la portée. La diffusion en ligne, les archives audiovisuelles et les plateformes interactives ne sont pas des substituts, mais des invitations. Elles permettent de toucher ceux qui ne connaissent pas encore le FNAP, de susciter l’intérêt, d’éveiller la curiosité, et d’inciter à franchir le pas : venir, voir, ressentir.
Notre ambition est d’élargir l’audience, non en la dispersant, mais en l’attirant vers le cœur battant du Festival. Le numérique devient alors un trait d’union, une mémoire vivante qui circule. Mais notre objectif demeure inchangé : faire de Marrakech un point de convergence, un lieu où l’on vient chercher une émotion vraie, enracinée, inoubliable.
